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Détenus Particulièrement Signalés (D.P.S.)

Mise en ligne : 2 mai 2003

Dernière modification : 27 mars 2006

Pour parfaire votre culture politique en matière de répression voici un texte que vous trouverez également dans les colonnes du journal indépendantiste "Combat breton" du mois de mai - M.H.

Texte de l'article :

La suppression des Q.H.S en 1982 - appellation commune pour les Quartiers de Sécurité Renforcée, ou les détenus étaient isolés jour et nuit - avait été un grand pas de franchi pour une certaine humanisation des conditions de détention en France. Cette suppression était intervenue après de longues années de lutte parfois dramatique dans les prisons et l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, tenant ainsi une de ses promesses électorales. Vingt ans après, le constat est amer. A force de décrets, on est revenu à la case départ. Les Q.H.S. ont disparus mais l’état répressif a trouvé d’autres solutions pour ajouter la barbarie à la privation de liberté : les quartiers d’isolement et l’extension du fichage D.P.S. Aujourd’hui tout nos camarades prisonniers politiques bretons sont classés D.P.S.

L’administration pénitentiaire considère certains détenus comme « dangereux » pour l’ordre et la sécurité des personnes et des biens dans les établissements. En vue de « la mise en œuvre de mesures de sécurité adaptées » [1], un répertoire national de Détenus Particulièrement Signalés (D.P.S.) a été peu à peu constitué depuis 1967 au travers de notes internes de l’administration pénitentiaire et d’une circulaire interministérielle. L’inscription comme la radiation des détenus dans ce fichier sont décidées par le ministre de la Justice, inscription qui revêt donc un caractère politique. Il regroupe en moyenne 500 détenus dont plus d’un quart sont en détention provisoire donc toujours présumés innocents. Le classement d’un détenu dans le fichier des DPS repose sur de multiples critères, pour les prisonniers politiques bretons le critère est : appartenance à un groupe politique revendiquant des actions terroristes. Il suffit d’être mis en examen par un juge anti-terroriste et incarcéré pour rentrer systématiquement dans le fichier des détenus particulièrement signalés : déjà coupable ? déjà jugé ? Pour d’autres prisonniers gérés suivant les principes du droit commun, les critères du fichage D.P.S. seront différents : inscription au fichier de l’office central de répression du banditisme ou inscription au fichier de l’office central de répression du trafic illicite de stupéfiants.

Le détenu inscrit au fichier D.P.S. se voit appliquer des mesures de sécurité particulières, mais variables selon les établissements. Les fouilles, les transferts et les contacts avec l’extérieur seront strictement surveillés. Ceci entraînant des contraintes pour le prisonnier et bien souvent pour sa famille. La famille déjà pénalisée par l’éloignement du lieu d’incarcération du détenu, conséquence de la centralisation des instructions à Paris, ne pourra effectuer ses visites au parloir que dans des conditions particulières. Les détenus particulièrement signalés- surveillés- n’ayant pas le droit de communiquer entre eux, ne peuvent donc se rencontrer au parloir ni sur le trajet pour y aller ce qui réduit d’autant les disponibilités d’attribution des heures de visites.

Tous les documents concernant le détenu particulièrement signalé sont estampillés de la mention « D.P.S. » avec une mention spéciale pour nos camarades prisonniers politiques bretons « A.R.B. ». Considérée comme « une simple mesure d’ordre intérieur sans caractère disciplinaire ou discriminatoire visant à assurer avec plus d’efficacité la surveillance des détenus réputés dangereux » [2], l’inscription au fichier D.P.S. ne doit en aucun cas « entraîner l’application d’un régime particulier plus défavorable » [3]. Cet extrait du décret est significatif. L’administration pénitentiaire cherche à se justifier mais c’est exclusivement théorique, en réalité le statut de détenu particulièrement signalé-surveillé- aggrave en permanence les conditions de détention du prisonnier à cause entre autre de cette interdiction de rencontrer et de communiquer avec des camarades eux aussi D.P.S. : en aucun cas il ne peut participer à une activité en présence d’un autre D.P.S. qu’il soit politique ou de droit commun. Il verra donc ses promenades et ses activités couramment limitées voir régulièrement supprimées quand la sécurité de l’établissement l’exige. Bien souvent pour un détenu particulièrement signalé - surveillé - l’emploi du temps journalier se résume à une heure de promenade seul et vingt trois heures de cellule. Tous ses déplacements à l’intérieur de la prison se font accompagnés d’un surveillant ce qui ne fait qu’augmenter les risques d’incidents avec le personnel de l’administration pénitentiaire. Suivant son centre de détention on lui impose des changements permanents de cellule ainsi que des fouilles supplémentaires.

Michel Herjean

 

Notes:

[1] Note interministérielle du 19 mai 1980, circulaire Direction Administration Pénitentiaire du 26 juillet 1983 relative au fonctionnement du répertoire des DPS

[2] Note interministérielle du 19 mai 1980, circulaire Direction Administration Pénitentiaire du 26 juillet 1983 relative au fonctionnement du répertoire des DPS

[3] Note interministérielle du 19 mai 1980, circulaire Direction Administration Pénitentiaire du 26 juillet 1983 relative au fonctionnement du répertoire des DPS