Discours de Pascal Clément au centre de semi-liberté de Maxéville
Discours de Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
Centre de semi-liberté de Maxéville
Lundi 12 décembre 2005
Monsieur le Préfet, Monsieur le Député (Claude GAILLARD), Monsieur le Directeur de l’Administration Pénitentiaire, Monsieur le Maire, Messieurs les élus, Madame la Première Présidente de la Cour d’appel, Monsieur le Procureur Général, Monsieur le Président du Tribunal, Monsieur le Procureur, Monsieur le Directeur Régional des Services Pénitentiaires, Mesdames et Messieurs les Magistrats, Mesdames et Messieurs les Directeurs, Monsieur le Chef d’établissement, Mesdames et Messieurs,
Je voudrais remercier le chef de l’établissement de Maxéville et le directeur régional de l’administration pénitentiaire de Strasbourg pour cette visite très enrichissante.
C’est la neuvième fois, en quelques mois, que je me rends dans un service pénitentiaire. Cette fois encore, je suis heureux de me retrouver parmi vous, tant j’ai d’estime et de sympathie pour les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire.
Dans des conditions difficiles, vous menez un patient travail au service de la sécurité des Français et de la réinsertion des détenus.
Ce lieu est particulièrement symbolique puisqu’il s’agit d’un centre de semi-liberté, établissement organisé autour du travail des détenus. Loin des préjugés, l’administration pénitentiaire y obtient des succès qui méritent plus de publicité qu’il n’en est fait aujourd’hui.
Je suis d’autant plus satisfait de me retrouver parmi vous que la Meurthe et Moselle est un département où l’administration pénitentiaire est fortement représentée. Au-delà du centre de semi-liberté de Maxéville, la Meurthe et Moselle accueille les centres de détention d’Ecrouves et de Toul, le centre de semi-liberté de Briey, la maison d’arrêt de Nancy sans oublier, bien sûr, le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation.
A ces implantations, il faudra ajouter bientôt le centre pénitentiaire de la communauté urbaine du Grand Nancy.
J’ai souhaité assister personnellement à la signature du transfert de la propriété à l’Etat du terrain qui accueillera ce nouvel établissement. Elle aura lieu, cet après-midi, à la Préfecture. Cet événement illustre la volonté du Gouvernement de moderniser et d’humaniser nos établissements pénitentiaires.
Mais, à travers le centre de semi-liberté de Maxéville, je veux souligner, une fois encore, l’importance capitale des aménagements de peine pour la réinsertion des condamnés et la prévention de la récidive.
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Depuis 2002, le gouvernement s’est engagé dans une politique ambitieuse de construction d’établissements pénitentiaires.
En 2002, la situation des prisons était particulièrement dégradée. Les rapports parlementaires avaient en 2000 souligné les retards accumulés en ce domaine. Le constat était sévère et les critiques argumentées.
La politique conduite depuis 2002 est une politique ambitieuse qui mobilise des moyens considérables pour moderniser cette grande administration. Elle ne néglige aucune de ses missions, la nécessité de mener une politique de sécurité volontaire ainsi que la nécessité de favoriser la réinsertion des détenus.
Les objectifs et les moyens de cette politique ont été fixés par la Loi d’orientation et de programmation pour la justice, votée en 2002, qui présente une dimension pénitentiaire majeure.
Afin de lutter contre la vétusté et le surencombrement des établissements pénitentiaires, il était urgent d’engager un programme immobilier digne de ce nom.
Le taux d’emprisonnement pour 100 000 habitants est de 93 en France. Ce taux est comparable à celui des pays voisins. Il est inférieur à ceux constatés au Royaume-Uni, en Allemagne ou en Espagne.
Il n’y a donc pas trop de détenus en France mais pas assez de places de prison dignes et modernes.
Je pense que vous êtes tous convaincus de l’urgence qui s’attache à la fermeture de la vieille prison Charles III.
Cet établissement a fait son temps. Je tiens à remercier l’action du maire de Nancy, des responsables politiques, du Préfet et de tous les acteurs qui ont permis que ce projet avance rapidement car il y a en la matière, je le répète, urgence.
Le nouveau centre pénitentiaire de Nancy ouvrira en 2008. Il offrira une capacité de 690 places au lieu des 259 places actuellement disponibles à la Maison d’arrêt. Il comprendra deux quartiers de maison d’arrêt hommes, respectivement de 210 et 180 places, un centre de détention hommes de 240 places et un quartier de maison d’arrêt pour femmes de 30 places.
Il permettra à l’administration pénitentiaire de mieux accomplir sa mission.
Nos citoyens seront mieux protégés car l’établissement sera plus sûr. Nos personnels bénéficieront de conditions de travail adaptées à leurs missions. Nos détenus auront des conditions de détention dignes et humaines. Je voudrais souligner que les efforts du Ministère de la Justice ne s’arrêtent pas là. Les travaux d’extension et de rénovation des centres de détention de Toul et d’Ecrouves ont été lancés. Des effectifs supplémentaires de personnels ont d’ores et déjà été accordés pour y faciliter la mission des personnels.
Si l’essentiel du programme de construction annoncé par la Loi d’orientation et de programmation pour la justice concerne des centres pénitentiaires classiques, la mise en place de structures innovantes, pour prendre en charge des publics spécifiques, a également été prévue.
Sept établissements pénitentiaires pour mineurs seront construits, d’ici 2007, à Valenciennes, à Lyon, à Marseille, à Nantes, à Meaux, dans le Tarn et dans les Yvelines.
Cette démarche est particulièrement novatrice. Elle consiste à séparer totalement les mineurs des détenus adultes dans un environnement propice au suivi des jeunes de 13 à 18 ans, pour qui l’incarcération est devenue une nécessité.
Redonner des repères, encadrer avec fermeté et souplesse, instruire et former, en partenariat avec les familles, ce programme témoigne d’une ambition pour les jeunes. Il s’articule en effet autour d’un réel projet éducatif personnalisé. En quelque sorte, la prison s’organisera autour de la salle de classe.
Des quartiers courtes peines seront également construits à proximité des maisons d’arrêt existantes pour accueillir les détenus primo délinquants.
Nous avons également prévu des unités pour soigner les détenus malades.
Lorsque les soins dispensés au détenu nécessitent une hospitalisation de plus de 48 heures, le détenu est transféré dans une unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI). La première UHSI a été ouverte à Nancy en février 2004. A terme, 8 UHSI fonctionneront et desserviront l’ensemble du territoire métropolitain.
Nous aurons également besoin à l’avenir de structures adaptées à la prise en charge des condamnés très dangereux, souffrant de troubles psychiatriques. C’est l’objectif des Unités Hospitalières Spécialement Aménagées, sur lesquelles je veux obtenir des résultats concrets d’ici 2007 car j’ai conscience que ces structures répondent à un vrai besoin.
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Mais l’amélioration des conditions de détention ne suffit pas. La prison doit constituer un temps mis à profit utilement par la personne qui y séjourne.
Le temps qu’une personne passe en détention peut, en effet, être l’occasion de rompre avec une spirale d’échecs et lui permettre de prendre enfin un nouveau départ et préparer sa réinsertion ou plutôt, pour le plus grand nombre, préparer sa première insertion dans la vie sociale et professionnelle. Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que la prison n’est pas une institution fermée, coupée de la société. Des enseignants, des médecins, des infirmiers, des éducateurs de la PJJ, des employeurs, des bénévoles interviennent, régulièrement, en milieu carcéral. Je voudrais leur rendre ici un hommage appuyé car ils contribuent, par leur engagement citoyen à préparer en amont, et aux côtés des personnels pénitentiaires, les détenus à leur retour dans la société.
Mais la justice doit aussi soutenir les condamnés dans la préparation de leur projet de sortie.
Pour cela, les détenus se voient offrir des formations professionnelles ou la possibilité de travailler durant leur détention.
En 2004, près de 40 % des détenus travaillaient ou étaient en formation professionnelle. Le travail est un instrument majeur de la réinsertion des détenus. C’est en retrouvant des habitudes professionnelles qu’un détenu peut envisager l’avenir avec confiance.
C’est aussi un moyen d’améliorer son quotidien en détention, d’aider sa famille et d’indemniser les victimes.
Dans cette optique, les Centres de Semi-Liberté permettent, pour les détenus condamnés à une courte peine ou se trouvant en fin de peine, de retrouver des perspectives d’emploi. Plus de 2000 places de semi liberté sont actuellement disponibles.
Cela ne suffit pas.
J’ai donc décidé la construction de 500 places supplémentaires de Semi-Liberté afin de donner aux détenus qui y sont prêts la possibilité de se réinsérer par le travail. Ces places seront affectées en priorité à Aix-en-Provence, Bordeaux, Villefranche-sur-Saône, Saint-Etienne et Lille.
Les mesures d’aménagements de peine, dont le principe a été réaffirmé par la loi du 9 mars 2004, doivent en effet être développées. Elles sont un outil efficace de lutte contre la récidive.
Les dispositifs sont déjà nombreux et diversifiés. En plus du placement en semi-liberté, les magistrats ont recours au placement extérieur, à la libération conditionnelle, au bracelet électronique, fixe aujourd’hui, et bientôt disponible en version mobile.
Je me réjouis de la décision du conseil constitutionnel qui, jeudi dernier, a reconnu la constitutionnalité de ce dernier dispositif.
L’introduction dans notre droit du bracelet électronique mobile ouvre en effet des perspectives particulièrement intéressantes.
Il offre en effet au juge la possibilité de concilier protection de la société, respect des victimes et réinsertion des condamnés présentant un risque de récidive.
Je rappelle que le recours à ce bracelet électronique mobile sera possible dans le cadre d’un suivi socio judiciaire, de la surveillance judiciaire et de la libération conditionnelle.
Ces trois modalités permettront certainement d’accroître sensiblement le nombre et la qualité des suivis mis en place à la sortie de prison de détenus dont la dangerosité aura été constatée par une expertise médicale ainsi qu’une commission pluridisciplinaire.
Pour la première fois depuis de nombreuses années, le nombre d’aménagements de peine accordés a été, en hausse sensible en 2004, passant de 15.000 mesures à plus de 18.000. Cette tendance se confirme en 2005 et nous frôlerons, sans doute, les 20.000 mesures cette année. J’insiste à dessein sur ces chiffres car ils témoignent d’une réelle volonté politique de favoriser la réinsertion des détenus.
En Meurthe-et-Moselle, grâce aux efforts des magistrats et du SPIP, plus de 60 détenus ont bénéficié d’une libération conditionnelle depuis le début de l’année. A l’heure actuelle, plus de 80 détenus font, simultanément, l’objet d’un aménagement de peine sous la forme d’une semi-liberté, d’un placement extérieur ou d’un bracelet électronique.
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Je souhaite rendre hommage, pour conclure, aux personnels pénitentiaires qui remplissent une mission difficile et auxquels la société demande beaucoup.
Je tiens à leur faire part de mon soutien, les assurer que je suis à leurs côtés pour faire progresser avec eux le service public pénitentiaire au quotidien.
Je n’oublie pas le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation très sollicité, mais particulièrement dynamique dans ce département. Il mérite de voir ses effectifs renforcés. De nombreux postes de travailleurs sociaux ont été créés depuis 2002 et je m’engage à poursuivre cet effort. Ainsi en 2006, en plus du recrutement prévu initialement de 300 conseillers d’insertion et de probation, j’ai obtenu, lors de la discussion budgétaire, que 400 personnels supplémentaires soient la même année affectés dans les SPIP.
Je souhaite remercier également les magistrats et l’ensemble des partenaires, nombreux et actifs, qui œuvrent avec les fonctionnaires pénitentiaires à la réinsertion des détenus, à la lutte contre la récidive et donc au maintien de notre cohésion sociale.
Mais une réinsertion réussie n’est possible que si tous les citoyens acceptent de donner une chance à celui qui a payé sa dette à la société. La réinsertion est l’affaire de tous, et je souhaite que tous les Français y contribuent.
Je vous remercie de votre attention.