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Philosophies et politiques pénales et pénitentiaires

FNARS - Baisse de la population carcérale et allongement des durées d’incarcération

Fédération Nationale des associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale

Mise en ligne : 24 janvier 2003

Dernière modification : 13 février 2011

Texte de l'article :

Depuis 1996, deux phénomènes sont observés :
- d’une part, une baisse de la population pénale : la France comptait, au 1er janvier 1996, 55.062 détenus (52.658 en métropole, 2.404 dans les départements d’Outre-Mer) ;
- d’autre part un allongement de a durée moyenne de détention, lié à l’alourdissement des peines prononcées : au 1er janvier 2000, en France métropolitaine, 41,3% des condamnés effectuent une peine de plus de 5 ans contre 34% au 1er janvier 1996.

Les délinquants sexuels

Au 1er janvier 2000, en France métropolitaine, 21,8% des condamnés sont incarcérés pour viol et autre agression sexuelle.
En effet, depuis le 1er janvier 1999, parmi l’ensemble des infractions, la part des condamnés pour viol et agression sexuelles est la plus importante. Ce nouveau mouvement est la principale conséquence de la levée du tabou des abus sexuels au sein de la famille.
Les personnes condamnées pour ce type d’infraction sont souvent d’un âge élevé, puisque les personnes peuvent être incarcérées longtemps après les faits.
La population des délinquants sexuels est une population qui ne pose pas de problème dans son comportement au sein de la détention.
Cependant, sa gestion reste problématique pour l’Administration Pénitentiaire : les délinquants sexuels, surnommés les « pointeurs » subissent de façon parfois très violente le rejet et les brimades des autres détenus, particulièrement lorsque les viols et agressions sexuelles ont eu lieu sur des mineurs. Cette catégorie de détenus doit donc être regroupée et isolée, et demande une surveillance accrue de la part du personnel pour assurer leur sécurité (surveillance parfois volontairement négligée).
Ces constatations ont amené le rapporteur du Sénat à parler d’une double peine subie par les délinquants sexuels : celle liée à l’infraction commise et celle liée au fait qu’ils sont souvent interdits de toute activité collective et de toutes promenades avec les autres détenus, sous peine de violence à leur encontre.

Cette catégorie de détenu pose également de nombreux questionnements quant à la préparation à la sortie : souvent, ces personnes condamnées pour plusieurs années, perdent tout contact avec leur famille et il faut donc prévoir pour eux un accueil en centre d’hébergement.

Comment travailler sur la réinsertion de ces détenus et prévenir la récidive ? Dans cette perspective, comment peut-on mieux faire connaître les pratiques existantes, telle que celle de Coutenceau et de son équipe ? [1]
L’injection thérapeuthique est-elle souhaitable ?
Comment préparer ces personnes à la sortie, dans quel type de structure les accueillir pour qu’à la fois ils ne subissent pas à l’extérieur les mêmes brimades que celles subies à l’intérieur et qu’ils ne mettent pas en danger l’intégrité des autres résidents ?
Comment faire pour ne plus les isoler ? Comment travailler avec ces détenus dont les faits commis peuvent éveiller en chacun des intervenants des réactions plus ou moins violentes de rejet ?

Les toxicomanes

Les personnes incarcérées pour trafic de stupéfiant représentent 15% de l’ensemble des condamnés au 1er janvier 2000 (en France métropolitaine) contre 20,6% au 1er janvier 1996.
Mais il est difficile, à partir de ces chiffres, de se faire une idée du nombre de personnes toxicomanes, et à l’inverse, parmi les condamnés pour d’autres infractions, certains sont toxicomanes.
Cependant, le rapport de l’Assemblée Nationale précise qu’une étude réalisée par la direction générale de la santé sur l’état de santé des personnes entrant en prison fait apparaîtrez que 32% des entrants déclarent une utilisation prolongée et régulière d’au moins une drogue dans l’année précédent l’incarcération ainsi qu’une pratique croissante de polytoxicomanie.

Ces détenus posent des difficultés dans la gestion des établissements, tout d’abord du fait des trafics, de la circulation des drogues et par conséquent des politiques mises en place par chaque établissement face à ce problème. En outre, les pratiques toxicomanes (partage de seringues…) et l’état sanitaire de ces personnes posent de réelles questions à l’administration pénitentiaire. Enfin, ce sont des individus très fragiles psychologiquement et très exposés au suicide, ce qui demande au personnel de surveillance une attention accrue.

L’alcoolisme quant à lui est très peu pris en compte en prison, alors qu’un grand nombre de délits sont commis sous l’emprise d’un état alcoolique. Selon le rapport du Sénat, 1/3 des entrants déclarent avoir une consommation excessive régulière (supérieure ou égale à 5 verres par jour) et/ou discontinue (supérieure ou égale à 5 verres consécutifs au moins un fois par mois).

De nombreuses questions sont soulevées pour ces personnes en ce qui concerne la prévention de la récidive et la préparation à la sortie. Souvent seule, elles auraient besoin d’entrer dans un centre d’hébergement. Mais ces derniers ne sont pas toujours prêt à prendre en charge ces personnes très marginalisées et dont l’état de santé pose aux structures des problèmes similaires à ceux existants en détention.

Comment travailler avec cette population souvent très fuyante ? Que pouvons-nous mettre en place en détention en ce qui concerne la prévention des risques ? Quel partenariat développer entre l’Administration Pénitentiaire et les associations pour préparer la sortie ? Comment faire connaître et développer les pratiques existantes dans le réseau ?

Les étrangers

Lorsque l’on parle des étrangers en prison, il faut signaler la distinction entre les « sans-papiers » et les immigrés vivant en France, mais nés à l’étranger.
Le taux d’étrangers en détention est très lié aux politiques de répression de l’immigration. Au 1er janvier 2000, 2,7% des condamnés étaient incarcérés pour infraction à la législation sur les étrangers, contre 4,6% au 1er janvier 1996.

Très souvent indigents, illettrés, ne se maîtrisant pas ou peu la langue française, ils sont de ce fait défavorisés quant à l’accès à l’information (le règlement intérieur et les autres documents n’étant pas traduits). La prison étant très bureautique et paperassière, ce sont par conséquent des personnes peu demandeuses en détention. Ainsi il y a parfois en détention des personnes incarcérées depuis de longs mois, n’ayant toujours pas rencontrer leur avocat.

A cela s’ajoute le fait que n’étant pas, par définition, de nationalité française, les étrangers ne peuvent bénéficier des aménagements de peine, à l’exception de la libération conditionnelle expulsion.

Comment favoriser l’accès de ces personnes à l’information ? Doivent-elles réellement effectuer une peine de prison lorsqu’elles sont expulsées dès leur sortie ?
Que pouvons-nous envisager pour que les étrangers ayant été condamné à une interdiction partielle du territoire mais décidant de rester en France tout de même ne retombent pas dans les systèmes de clandestinité qui les ont conduit en prison ?
De même lorsqu’il n’y a pas d’expulsion prononcée à la sorti, comment prévoir l’accueil de ces étrangers ?

Les malades mentaux

Le rapport du Sénat précise que selon les spécialistes interrogés, 30% de détenus souffrent de troubles psychiques, révélés soit à leur entrée en détention, soit au cours de leur détention.

La modification de l’article 122-1 du nouveau code pénal est pour beaucoup dans l’augmentation de cette population en détention. En effet, cet article distingue les personnes dont le trouble psychique ou neuropsychique a aboli le discernement et qui ne sont pas pénalement responsables, de celles dont le trouble a altéré le discernement.
Depuis, l’élaboration de cet article, le nombre des accusés jugés « irresponsables au moment des faits » est passé de 17% au début des années 1980 à 0,17% pour l’année 1997.

Le conseil syndical des psychiatres des hôpitaux estime que les personnes souffrant d’anormalités mentales sont des malades comme les autres et que s’il existe un problème de délinquants anormaux mentaux, il appartient à l’Administration pénitentiaire d’adapter ses propres services à sa propre clientèle.
Dans cette optique, les services médicaux psychologiques régionaux (SMPR) ont été créés, mais leur nombre reste insuffisant (26 SMPR pour 187 établissements pour peine) pour accueillir l’ensemble de la population pénale souffrant de troubles mentaux.
L’article D398 du code de procédure pénale permet également aux établissements pénitentiaires de procéder à des hospitalisations d’office dans les hôpitaux psychiatriques, mais cette procédure nécessite des délais longs, inadaptés à l’urgence des situations dont les personnels ont à faire face.

Ainsi, cette population pose de réels soucis de gestion aux établissements, puisqu’elle nécessite beaucoup d’attention, d’écoute et de soins, ainsi qu’un personnel formé dont ils ne disposent pas toujours.

Que faire pour limiter ce retour à une conception asilaire de a prison ? Les troubles psychiques détectés sur certains individus par les spécialistes au cours de la détention ne peuvent-ils pas être inhérents à la prison elle-même et à son fonctionnement ?
Que faut-il mettre en place à la sortie pour ces personnes fragilisées, parfois violentes ?

Les mineurs

Au 1er janvier 2000, en France métropolitaine, les moins de 18 ans représentent 1,4% de la population. Depuis 1996, on observe deux tendances en ce qui concerne cette population :
- le nombre de mineurs incarcérés augment
- les durées d’incarcération se raccourcissent, sauf pour les peines criminelles dont la sévérité s’est accrue.

Selon le rapport du Sénat, l’évolution du nombre de mineurs incarcérés est en partie due au fait que les actes de délinquance juvénile se sont aggravés. De plus, la délinquance des mineurs ne semble plus liée au comportement type de l’adolescent testant les limites de l’adulte, mais d’avantage au développement d’une « déviance collective » liée à une famille, un quartier, un territoire.

Malgré l’augmentation des moyens et des efforts, les conditions de détention des mineurs sont souvent déplorables. L’encellulement individuel prévu par le code de procédure pénale n’est pas systématiquement respecté, et les établissements ne bénéficient pas toujours d’un quartier réservé aux mineurs.

Les mineurs posent eux aussi de réelles difficultés au personnel de détention : violence, trafic, racket… En outre, les surveillants ont peu de prise sur ces jeunes conscients de leur impunité (les textes interdisent que les mineurs soient sanctionnés par un placement temporaire en quartier disciplinaire).

Quelles pratiques faudrait-il développer en amont de la prison pour ces mineurs ? Comment, en détention, peut-on travailler avec ces jeunes ? Quelles sont les orientations éducatives mises en place dans le cadre de la préparation à la sortie ? Quel type d’accueil doivent prévoir les structures extérieures ? A ce titre, quel existant peut être mis en valeur, partagé ? Comment prévenir la récidive et mettre ne place des mesures éducatives dans lesquelles ces mineurs, souvent en échec scolaire, se sentent impliqués ?

Les détenus âgés

La population pénale ne cesse de vieillir : au 1er janvier 2000, en France métropolitaine, plus d’un quart des détenus étaient âgés de plus de 40 ans et les 60 ans et plus représentent 3% de cette population pénale.

Face à ce problème du vieillissement de sa population, l’Administration pénitentiaire se pose de plus en plus de questions quant à la gestion des personnes physiquement dépendantes, invalides ou nécessitant des soins particuliers.
En effet, les prisons ne sont pas conçues pour l’accueil des personnes âgées : il n’y a pas d’ascenseur, les distances à parcourir pour accéder aux cours de promenade, aux parloirs ou aux unités de soin sont importantes, les cellules ne sont pas adaptées aux soins particuliers.
De plus, le personnel de détention est démuni face à ces nouveaux problèmes. Le personnel n’est pas formé pour s’occuper des personnes dépendantes, impotentes ou incontinentes.

Quelle prise en charge envisagée pour ces détenus souvent isolés, n’ayant parfois plus de familles (surtout pour les longues peines) ? Comment aider les personnels à gérer le quotidien ? Quel hébergement envisagé pour ces personnes qui n’ont pas les moyens d’aller en maison de retraite ou dont ces dernières ne veulent pas ?

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