Je viens par la présente vous faire part de mon indignation envers un comportement qui n’a aucun rapport avec un pays des droits de l’homme.
Je suis actuellement détenu au CP de Nantes. J’ai fait 5 ans de ma peine sur 9, selon le code de procédure pénale je pourrais être permissionnable.
J’ai perdu ma fille le samedi 5 juillet, elle allait avoir 6 ans le 14 juillet. J’ai demandé à avoir une permission exceptionnelle pour me rendre à son enterrement qui a eu lieu le mardi 8 juillet. Je pense que vous êtes parents comme moi, et vous pouvez imaginer la souffrance que l’on ressent de perdre son enfant, surtout entre ces quatre murs. Le magistrat responsable de moi, ne me l’a pas autorisé, mais a autorisé de pouvoir m’y rendre sous escorte policière, cela sans regarder le dossier de mon comportement en prison.
Je fus escorté par trois gendarmes habillés comme pour aller faire un commando, même dans leurs tenues ils n’avaient aucun respect pour l’endroit où nous allions. Je fus menotté à 12h30 jusqu’à mon retour ici à 17h15. En arrivant à la brigade de St-Domineuc, j’ai demandé poliment si nous pouvions aller à la mise en bière, ils m’ont répondu « non » qu’ils devaient manger, pendant que je me morfondais menotté dans une cellule.
En arrivant dans l’église, ils m’ont installé dans le fond, j’étais entouré de trois gendarmes, avec les menottes.
Je n’ai pu être auprès des miens, je n’ai pu me rendre sur le cercueil de ma fille pour le bénir, et quand mon fils est venu c’est juste s’ils ont permis qu’il m’embrasse et me serre dans ses bras. Plusieurs personnes sont venues me saluer et dire aux gendarmes que c’était honteux d’agir de la sorte. Ils ont attendu que tout le monde soit sorti de l’église pour me faire sortir, c’était vraiment très humiliant, de surcroît ils sont stoppés la circulation pour être encore plus discrets !
A notre arrivée au cimetière se fut encore plus douloureux. Je fus traîné comme un chien en laisse et la discrétion fut telle que j’étais entouré de six gendarmes. J’étais à une quarantaine de mètres des miens, je n’ai même pas pu embrasser le cercueil de ma fille car on ne m’a pas permis de le faire, je n’ai pu que poser deux doigts dessus et encore le gendarme qui me tenait en laisse tirait dessus pour éviter que je me baisse. Le moment dont je me souviendrais c’est quand j’ai voulu mettre une rose sur le cercueil de ma fille, ils ne m’ont pas permis de la déposer, en tirant de nouveau sur la chaîne, ce qui a eu pour effet que je laisse tomber la rose sur le cercueil. Le bruit que cela a fait a choqué beaucoup de personnes et sera sûrement pour moi le souvenir le plus dur à oublier.
Je veux bien croire que pour la sécurité publique il faut prendre des mesures, que j’ai commis un crime et que je dois payer ma dette à la société. Mais de là à en faire des mesures inhumaines, je pense que cela n’est pas compatible avec un état qui se dit le pays des droits de l’homme. Beaucoup de personnes ayant assistés à l’enterrement furent choquées, certaines me le firent comprendre et d’autre ont téléphoné pour le dire à ma mère. Pour moi il est trop tard mais je pense que dans l’avenir il faudrait que les politiques trouvent un moyen plus humain envers un moment de douleur et de déchirement déjà rendu plus dur à vivre avec l’enfermement. La peine que je ressens après cette perte et la façon dont ont m’a traité, n’a aucune explication et les mots s ne sont pas assez fort pour le faire comprendre.
Mais j’espère que vous tiendrez compte de mon courrier et que vous ferez en sorte que pour un événement aussi horrible que celui de perdre un enfant, vous trouverez le moyen, malgré l’incarcération de rendre plus humain une telle chose. Vous priant d’apporter toute l’attention que justifie cette lettre et d’avantage de tolérance dans des épreuves aussi accablantes, recevez l’assurance des mes sentiments respectueux.
Lettre de Franck Planchenaut, incarcéré au CD de Nantes
Transmise le lundi 15 septembre 2003 par le Collectif de Défense des Familles et Proches de Personnes Incarcérées Mairie 33160 St Aubin de Médoc