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Jawad, huit ans après

Mise en ligne : 28 août 2004

Texte de l'article :

Le 8 juillet 1996, les gendarmes prennent en chasse un jeune de Mantes-la-Jolie, qui prend peur et plonge dans la Seine. Il se noie et meurt. Le lendemain, des affrontements éclatent entre jeunes et policiers. Mon fils Jawad, 20 ans, part en centre ville pour éviter les heurts. Aussitôt les interpellations pleuvent. Jawad est arrêté à son tour, au motif qu’« on aurait reconnu » sa casquette à l’émeute. À ce jour, aucune pièce n’est venue justifier la mise en détention de mon fils. Pour un délit fictif, Jawad se retrouve donc à Bois d’Arcy.

Dans la nuit du 23 juillet 1996, un de ses codétenus met le feu à leur cellule. Une épaisse fumée toxique se dégage, car les matelas ne sont pas conformes. Les gardiens tardent vingt minutes à appeler les pompiers, qui s’égarent dans la taule avant d’arriver sur place. Trop tard : Jawad est déjà mort. « Soyez rassuré, M. Zaouiya, votre fils n’a pas souffert », me dira le directeur...

Je me promets d’aller jusqu’au bout pour que vérité et justice soient faites. Mais en décembre 1996, la procédure est classée sans suite. Ma plainte sera expédiée par un non-lieu en juin 1998, confirmé deux ans plus tard en cour d’appel.

Il faudra attendre le 18 mai 2004, soit huit ans après les faits, pour que les juges administratifs reconnaissent que « l’administration a fait courir à Jawad Zaouiya un risque spécial qui l’a privé d’une chance de survie » et condamnent l’État à une peine symbolique. Sur le plan pénal, les responsables restent hors de cause. Les prisons, quant à elles, sont plus surpeuplées et mortifères que jamais. Jusqu’à quand ?

Salah Zaouiya (père de Jawad),
de l’Association des familles en lutte contre l’insécurité et les décès en détention.

Publié dans CQFD n°14, juillet 2004