Quelle est la procédure d’affectation en cellule ?
La réglementation actuelle n’envisage pas que le détenu puisse choisir sa cellule. La décision incombe au chef d’établissement, qui peut la déléguer à un adjoint, un officier, un major ou un premier surveillant. Avant toute décision d’affectation en cellule, le chef d’établissement doit recueillir « toutes les informations qu’il juge utile d’obtenir » (note du 24 septembre 2008). Elles sont principalement issues des observations et entretiens réalisés lors de la période d’accueil de la personne détenue arrivante et des avis donnés par les différents membres de la commission pluridisciplinaire unique (CPU) qui doit être, hors cas d’urgence, préalablement saisie. Chaque membre de la CPU doit ainsi émettre un « avis circonstancié » censé être formalisé dans le compte rendu de la réunion. De nombreux paramètres liés à la personnalité du détenu sont pris en compte, tels que la « catégorie pénale, les prescriptions judiciaires, la langue, l’autonomie du détenu, l’inscription dans des activités ou encore le risque suicidaire », mais également « sa vulnérabilité et sa dangerosité ». D’autre critères motivés par des considérations sécuritaires, dont la logique varie selon les établissements, sont pris en compte dans le choix de l’affectation, sans que ceux-ci soient prévus par les textes : par exemple, la séparation de détenus venant d’un même quartier pour éviter la reconstitution de bandes ou, à l’inverse, l’affectation dans une même cellule de détenus appartenant au même quartier pour éviter les incidents. Dans tous les cas, la procédure d’affectation en cellule « doit être formalisée et motivée, et l’auteur de la décision doit être identifié ». Aucun texte ne prévoit cependant qu’elle soit notifiée au détenu. La décision d’affectation ne peut faire l’objet d’un recours, la jurisprudence ayant considéré qu’il s’agissait d’une « mesure d’ordre intérieur » (TA Nantes, 6 juillet 2000). La responsabilité de l’administration pénitentiaire (AP) pourra toute fois être engagée a posteriori en raison du choix d’affectation effectué. Ainsi, l’AP a déjà été condamnée à indemniser un détenu ayant fait l’objet d’actes de torture et subi des sévices sexuels de la part de son codétenu pour, d’une part, l’avoir affecté dans la cellule de son agresseur dont la dangerosité était connue de l’administration, et, d’autre part, avoir ignoré ses appels au secours (CCA Versailles, 29 décembre 2011).
Articles 717-1, R. 57-6-24 du Code de procédure pénale ; circulaire du 14 avril 2011 relative à l’encellulement individuel des personnes détenues ; notes DAP du 22 mai 2007 relative à l’affectation et la réaffectation en cellule, du 7 février 2008 relative à la gestion des violences entre détenus et repérage des personnes vulnérables, du 24 septembre 2008 relative à l’affectation, au changement de cellule, à la gestion, à la surveillance spéciale des détenus ; DAP, Référentiel d’application des RPE, mars 2011 ; TA Nantes, 6 juillet 2000, Lahmar, n° 962791, et CCA Versailles, 29 décembre 2011, n° 09VE03565.
Quelles règles de séparation le chef d’établissement doit-il respecter ?
Dans le cadre de ses décisions d’affectation dans telle unité ou telle cellule, il appartient au directeur de séparer les « prévenus des condamnés » ; les détenus « n’ayant pas subi antérieurement de peine privative de liberté » de ceux « ayant déjà subi des incarcérations multiples » ; les contraints judiciaires de tous de tous les autres détenus. A moins que la « personnalité » des détenus ne le justifie, le chef d’établissement doit également éviter de placer dans une même cellule des détenus devenus majeurs en détention et âgés de moins de vingt et un ans avec des autre majeurs. En pratique, ces règles sont très inégalement respectées en raison des contraintes liées à la surpopulation en maison d’arrêt : il arrive fréquemment que cohabitent en cellule des « primaires » et des « récidivistes », des prévenus et des condamnés. Le magistrat saisi du dossier de l’information peut pour sa part ordonner la séparation d’avec certains détenus « en raison des nécessités de l’information » (personnes poursuivies dans la même affaire par exemple), dès le début de la détention ou au cours de celle-ci ou solliciter qu’un prévenu soit placé en cellule individuelle. En outre, une circulaire prévoit qu’ « il importe de séparer les personnes détenues non fumeurs des personnes détenues fumeurs », mais le texte précise que « cette prescription » n’a « pas valeur réglementaire ». Et cette règle s’avère en effet très largement bafouée. Le détenu pourra néanmoins demander au médecin de l’UCSA (unité de consultation et de soins ambulatoires) un certificat médical attestant des problèmes que peut lui causer le « tabagisme passif », sur lequel il pourra s’appuyer pour demander un changement de cellule. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà estimé qu’un traitement inhumain et dégradant avait été commis, notamment du fait que « les autorités de la prison n’ont pris aucune mesure pour transférer le requérant dans une cellule avec des détenus non fumeurs, alors qu’elles connaissaient les problèmes de santé de l’intéressé » (CEDH, arrêt Ostrovar c/Moldavie, 13 septembre 2005). Un outil informatique (module du logiciel GIDE) d’aide à la prise de décision a été mis en place à compter du 29 juin 2010. Il permet « à partir d’un détenu de procéder à la recherche d’individus ayant des critères d’affectation compatibles » tels que l’ « âge », la « procédure pénale » (criminelle, correctionnelle…), la « catégorie pénale » (prévenu, condamné, en appel…), la « famille d’infraction » ou encore les consignes « à séparer de » ou « à laisser seul ».
Articles 717, 717-1, D. 56-2, D. 93 du Code de procédure pénale ; circulaire du 14 avril 2011 relative à l’encellulement individuel des personnes détenues ; notes DAP du 22 mai 2007 relative à l’affectation et la réaffectation en cellule, du 7 février 2008 relative à la gestion des violences entre détenus et au repérage des personnes vulnérables, du 24 septembre 2008 relative à l’affectation, au changement de cellule, à la gestion, à la surveillance spéciale des détenus, et du 30 juin 2010 relative à la mise en place du nouvel outil spécifique d’aide au choix d’affectation (OSACA) ; DAP, Référentiel d’application des RPE, mars 2011.
Existe-t-il un droit à l’encellulement individuel ?
Dans les établissements pour peines (centre de détention et maisons centrales), les détenus sont soumis à l’ « isolement de nuit seulement » : cela signifie qu’ils doivent en principe bénéficier d’une cellule individuelle, dont ils peuvent sortir le jour et où ils doivent demeurer seuls la nuit. Dans les maisons d’arrêt, les textes prévoient que les prévenus doivent être « placés en cellule individuelle » et que les condamnés doivent être soumis à l’ « emprisonnement individuel de jour et de nuit ». Autrement dit, la loi pose en théorie le principe de l’encellulement individuel pour tous. Il ne peut y être dérogé que « si les intéressés en font la demande » ou « si leur personnalité justifie » que, « dans leur intérêt », ils ne soient pas laissés seuls, c’est-à-dire essentiellement pour prévenir un risque suicidaire. Autre possibilité de dérogation légale à l’encellulement individuel : des « nécessités d’organisation » pour les détenus qui travaillent ou suivent une formation scolaire ou professionnelle. Cependant, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est venue confirmer le caractère purement théorique de ces règles, en prolongeant encore de cinq années le délai pendant lequel il peut être dérogé du fait de la surpopulation carcérale : « il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d’arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application ». Le législateur fait ainsi une nouvelle fois obstacle à la consécration d’un droit des détenus à l’encellulement individuel en maison d’arrêt, l’exposé des motifs de la loi pénitentiaire affirmant même que « le gouvernement est aujourd’hui convaincu que l’encellulement individuel pour tous ne doit plus être considéré comme l’objectif à atteindre absolument. En effet, il n’est rien démontré que ce mode d’hébergement soit conforme à la demande réelle même des détenus et à leur intérêt ».
Seuls les détenus en établissement pour peines disposent donc à ce jour d’un véritable droit à l’encellulement individuel. Quand bien même ces établissements comportent souvent des cellules doubles ou collectives, l’administration doit « faire droit dans les meilleurs délais » à toute demande d’encellulement individuel émanant d’un détenu, soit par un changement de cellule, soit, si l’établissement ne dispose pas de cellule individuelle non occupée, par un transfert vers un autre établissement. Il est seulement prévu une dérogation au principe de l’encellulement individuel durant la « période d’observation », à l’arrivée dans l’établissement pour peines, qui ne peut durer plus de trois semaines. Les mineurs et les majeurs de moins de vingt et un an doivent quant à eux bénéficier d’une cellule individuelle, sauf « pour motif médical » ou en raison de leur « personnalité ». Mais aucun texte n’indique que la dérogation au principe de l’encellulement individuel en maison d’arrêt ne leur est pas applicable. De fait, les établissements ou quartiers pour mineurs ne sont que très rarement concernés par le problème de surpopulation, si bien que l’encellulement individuel y est le plus souvent respecté. Lorsqu’il suspend l’encellulement individuel d’un détenu en raison de sa personnalité, le chef d’établissement doit en informer « sans délai » le directeur interrégional, ainsi que, pour les condamnés, le juge de l’application des peines (JAP) et, pour les prévenus, le magistrat saisi du dossier de la procédure. Sauf urgence, la décision du chef d’établissement doit au préalable être « débattue au cours des réunions de la commission pluridisciplinaire unique (CPU) », à laquelle le détenu, à sa demande ou celle des membres, peut « éventuellement » assister. La décision est portée à la connaissance du détenu, « le cas échéant, au cours d’un entretien avec le responsable de secteur de la détention ».
Articles 716, 717-2, R. 57-9-12 et D. 521-1 du Code de procédure pénale ; article 100 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ; circulaire du 14 avril 2011 relative à l’encellulement individuel des personnes détenues.
Quels détenus doivent être placés en priorité en cellule individuelle ?
Lorsque, en maison d’arrêt, le régime de l’encellulement individuel ne peut être appliqué, tout détenu « victime d’un acte de violence caractérisé commis par un ou plusieurs codétenus » doit être affecté « prioritairement » en cellule individuelle. De même, les prévenus pour lesquels l’autorité judiciaire a prescrit une interdiction de communiquer ou un placement à l’isolement doivent être placés en priorité en cellule individuelle. L’ancien article D. 85 du Code de procédure pénale, qui prévoyait que ni les détenus âgés de moins de vingt et un ans ni, « dans la mesure du possible », les prévenus et les condamnés incarcérés pour la première fois ne devaient subir l’encellulement collectif, a été abrogé à la suite de la loi pénitentiaire.
Article 44 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ; article D. 58 du Code de procédure pénale.
Que se passe-t-il quand le détenu demande son affectation en cellule individuelle en maison d’arrêt ?
Une procédure spécifique de transfèrement pour obtenir un encellulement individuel est prévue par la loi. Toute personne détenue se trouvant en cellule collective en maison d’arrêt peut ainsi « demander son transfert dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle ». Pour ce faire, une procédure en plusieurs étapes est prévue. Le dispositif, initialement applicable aux seuls prévenus, concerne, depuis la loi pénitentiaire, également les personnes condamnées. Dans un premier temps, le chef d’établissement doit indiquer au détenu demandeur si son placement en cellule est dû à un autre motif que l’encombrement des locaux, auquel cas la procédure ne peut être appliquée. Si le placement en cellule collective est dû à surpopulation, le détenu doit être informé qu’il a la possibilité de déposer auprès du chef d’établissement une requête pour être transféré afin d’être placé en cellule individuelle dans la maison d’arrêt « la plus proche » permettant un tel placement. Un formulaire type doit être mis à disposition du détenu pour qu’il exerce sa requête. « Dans les meilleurs délais » et au plus tard dans les deux mois à compter du dépôt de la requête, le chef d’établissement doit indiquer au détenu les « propositions de transfèrement » en maison d’arrêt ou en établissement pour peines s’il est condamné, ou bien l’informer qu’ « aucune proposition ne peut lui être faite ». Les solutions de transfert peuvent concerner des établissements de la même direction interrégionale ou, à défaut, de toute la France. Si le détenu accepte une ou plusieurs de ces propositions, le chef d’établissement en informe immédiatement le magistrat compétent (magistrat saisi du dossier ou juge de l’application des peines), au moyen d’un formulaire adressé par télécopie. Ce dernier indique alors au chef d’établissement s’il donne ou non son accord par renvoi de la télécopie, aucun délai n’étant prévu pour cette étape. En cas d’accord du magistrat, il est procédé « dans les meilleurs délais » au transfèrement. Aucun recours spécifique n’est prévu en cas de refus du magistrat ou si aucun établissement alentour ne dispose de places, le détenu devant se contenter, « s’il l’estime utile », de former une nouvelle demande. Cette procédure transforme de fait le principe de l’encellulement individuel en exception : seuls les détenus qui le demandent pourront en bénéficier, à condition d’accepter d’être transférés loin de leur établissement d’origine, et que des places soient disponibles, dans un contexte de sur-occupation permanente des maisons d’arrêt françaises. Il est cependant conseillé aux détenus de suivre cette procédure, a minima pour être en mesure de prouver qu’ils ont effectué toutes les démarches possibles pour faire valoir leur droit en vue d’éventuels recours.
Article 100 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ; article D. 53-1 du Code de procédure pénale ; circulaire du 14 avril 2011 relative à l’encellulement individuel des personnes détenues ; circulaire JUSK0840009C du 25 juin 2008.
Quelles règles doivent être respectées en cas d’encellulement collectif ?
Les cellules collectives doivent être en principe « adaptées » au nombre des détenus qui y sont hébergés. Ce qui signifie que leur taille et les équipements doivent correspondre au nombre de détenus effectivement présents. Tel n’est évidemment pas le cas en pratique dans la plupart des maisons d’arrêt, des cellules individuelles étant doublées ou triplées sans autre aménagement supplémentaire qu’un lit superposé et un matelas posé à même le sol pour le dernier arrivé. Les AISI codétenus doivent également être « aptes à cohabiter », ce que l’administration doit apprécier « a priori », en tenant compte de l’ « évaluation de la personnalité des intéressés, de leur dangerosité et de leur vulnérabilité », réalisée à l’issue de la phase d’observation des détenus arrivants. Lors des différents entretiens arrivants, l’équipe pluridisciplinaire en charge de l’évaluation doit veiller particulièrement au repérage des détenus vulnérables : « Les personnes primaires, celles incarcérées pour des affaires de mœurs, âgées, chétives ou présentant un handicap sont souvent des victimes potentielles pour des détenus multirécidivistes et aguerris » (note du 7 février 2008). Par la suite, le personnel de surveillance doit être « vigilant à la sécurité et à la dignité de chacun ». Pour ce faire, il doit notamment « repérer les détenus qui ne sortent pas de leur cellule ou du dortoir, et communiquer leurs noms au chef d’établissement, au SPIP, et aux différents partenaires (UCSA,SMPR) », ainsi que « s’assurer que les produits achetés en cantine par les détenus les plus vulnérables ont bien été demandés par les intéressés pour leur usage exclusif ». Le personnel est également censé, à l’occasion des fouilles de cellule et dortoirs, ou des fouilles à corps des détenus, « repérer les plaies, hématomes ou brûlures sur le corps des détenus » et « interroger les intéressés sur la provenance de ces blessures ». En pratique, ces dispositions n’empêchent pas les problèmes récurrents de cohabitation au quotidien, la pratique de violences en cellule, ni les multiples constats de tribunaux administratifs selon lesquels la « surpopulation carcérale », la « promiscuité » et l’ « absence d’intimité » imposées aux détenus obligés de cohabiter entraînent la violation de leur droit à la dignité (TA Rouen, 27 mars 2008, n° 0602590).
Article 44 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ; article 716 du Code de procédure pénale ; circulaire du 14 avril 2011 relative à l’encellulement individuel des personnes détenues ; note DAP du 7 février 2008 relative à la gestion des violences entre détenus et au repérage des personnes vulnérables.
Quelle est la procédure de changement d’affectation en cellule ?
Tout détenu qui le souhaite peut solliciter un changement de cellule. La décision de changement d’affectation, comme celle prise initialement, relève de la seule compétence du chef d’établissement, qui peut la déléguer à un adjoint, un officier, un major ou un premier surveillant. Toute demande de changement de cellule doit en principe être examinée « sans délai », qu’elle soit formalisée par écrit ou non. Elle doit être transmise au personnel d’encadrement compétent (en service de nuit ou de week-end, le gradé d’astreinte doit en être averti par téléphone si besoin), qui doit donner son avis sur l’urgence de la situation. En fonction, « il sera procédé ou non au changement de cellule ». Une attention particulière doit en principe être portée aux demandes des détenus dont la sécurité pourrait être menacée, « notamment celles formulées par des détenus qui veulent quitter en urgence leur cellule ». Il en va de même des demandes émanant de détenus présentant un « comportement à risque » pour autrui ou por eux-mêmes. Dans ce cas, la commission pluridisciplinaire unique (CPU) doit être saisie « en urgence » afin que chacun des membres présents émette un « avis circonstancié ». L’avis des « autorités concernées » et notamment des autorité judiciaires peut être également sollicité, ainsi que celui du service médical. Dans tous les cas, une « trace (écrite ou informatique) » de la demande et de la décision prise doit être gardée. La décision doit par ailleurs être formalisée afin de permettre l’identification de son auteur (nom, grade et qualité) et d’en connaître les motifs. Pour appuyer une requête de changement de cellule, il est possible d’invoquer la réglementation qui recommande au personnel d’ « être d’autant vigilant à la sécurité et à la dignité de chacun » en cas d’encellulement collectif, en précisant quels sont les problèmes rencontrés justifiant la demande.
Circulaire du 14 avril 2011 relative à l’encellulement individuel des personnes détenues ; note DAP du 24 septembre 2008 relative à l’affectation, au changement de cellule, à la gestion, à la surveillance spéciale des détenus.