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GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées)

L’architecture carcérale (GENEPI)

Mise en ligne : 3 août 2010

Dernière modification : 3 août 2010

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Texte de l'article :

Thème préparé par le groupe de Rennes

L’idée de se pencher sur l’architecture des prisons est née de la volonté d’améliorer les conditions de vie en détention, à la fois pour les personnes incarcérées et les personnels. Cependant, avant d’aller plus loin, rappelons que le GENEPI considère le placement en détention comme devant constituer le dernier recours de la Justice, privilégiant les alternatives à l’incarcération.

Cette position s’inscrit dans la lignée de celle précédemment adoptée par l’Assemblée générale de l’association en 1991, suite au thème d’assises proposé par le groupe local d’Aix-en-Provence : « Le GENEPI et les prisons 13 000. » Malgré une amélioration de leur aspect et la fermeture progressive des établissements les plus vétustes, nous réitérons notre dénonciation des constructions trop grandes, trop éloignées des centres urbains, trop peu pensées pour les relations humaines.

Elle s’inscrit également en accord avec la position votée plus récemment, en 2009, sur « Le corps en détention » : « le GENEPI aspire à une réappropriation de l’espace par les détenus au sein des établissements pénitentiaires. L’idée de repenser les murs de la prison ne doit pas rester vaine et les détenus doivent avoir la possibilité de modifier l’espace physique de leur cellule. »

Dans son article 1er, la Loi pénitentiaire donne sens à la privation de liberté en indiquant que « le régime d’exécution de la peine privative de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable. » Il paraît, à cette fin, nécessaire de penser l’architecture, ses fonctions, d’établir un contact avec l’extérieur, de conserver un lien à travers les murs.

Par la présente prise de position, le GENEPI amorce une réflexion longue et vaste notamment sur deux points :

 * les fondements philosophiques de la prison et de sa conception architecturale.
 * l’adaptation au renouvellement du parc pénitentiaire.


En dehors de la perspective abolitionniste, une mise en question de la fonction-même de la prison semble nécessaire en amont de son élaboration matérielle, ce qui n’est fait que marginalement à l’occasion d’initiatives expérimentales individuelles (par exemple l’établissement de Mauzac, imaginé par l’architecte Christian Demonchy). De façon générale, le cahier des charges est déduit de la pratique de la surveillance dans un souci sécuritaire, au détriment d’une pensée plus fonctionnelle des espaces en tant que lieux de vie et d’évolution.

Le GENEPI affirme ainsi l’importance d’une prise en compte du maintien social et de la vie dans ce qu’elle a de quotidien, dès la conception architecturale des établissements. La fonction des différents lieux devrait être étudiée à part plus équitable en fonction des deux missions de l’Administration pénitentiaire : la sécurité, certes, mais également la conservation d’une dynamique relationnelle, des possibilités d’autonomisation et d’appropriation de l’espace et de la peine, tout cela dans l’objectif de favoriser le retour à la société et limiter l’effet contre-productif d’une désinsertion complète, hors sens. Il est trop peu fait référence à ces aspects dans les cahiers des charges.

En cohérence avec sa volonté de réduire le taux global d’incarcération et de développer les alternatives à la détention proprement dite, recours ultime de la Justice pénale, le GENEPI vise non un agrandissement du parc pénitentiaire mais son renouvellement : les établissements modernes doivent signifier la fermeture des anciens.

De même, le GENEPI déplore l’agrandissement continu des prisons en elles-mêmes, dont la taille doit tendre à s’adapter à l’humain et non l’inverse : en ce sens, des structures plus petites, de surcroîts mieux intégrables à l’espace urbain, semblent constituer le modèle à privilégier.

Leur adaptabilité, ensuite, est essentielle à leur viabilité au cours des nombreuses décennies de leur activité : création de quartiers spécifiques, actualisation de la disposition en fonction des évolutions de la politique pénale, etc. Le GENEPI valorise une considération primordiale du changement, ce qui implique une flexibilité de départ des aménagements. Afin de limiter les effets souvent contre-productifs de la désinsertion carcérale, la volonté publique de mettre la prison au ban de la ville, à l’écart de la vue, doit à notre sens être reconsidérée au profit d’une intégration de celle-ci dans le paysage urbain. À la fois pour favoriser sa prise en compte citoyenne, et pour la maintenir dans le rythme de la vie extérieure : évènements culturels, accès aux services, réseaux de transports pour les proches et les intervenants, etc.

Dans cette réflexion, la place du public et du privé est un débat complexe mais d’ores et déjà, le GENEPI exprime sa réticence à l’expansion du privé au sein des prisons lorsque cela institue l’argent comme le fondement de la conception architecturale : structures gigantesques, utilitaires, rigides, marginalisées du tissu urbain…

Beaucoup d’autres aspects de la prison dépendent des positions du GENEPI sur ces questions : l’expression collective, le handicap, le sens de la peine, la fonction de l’enfermement, l’abolitionnisme, etc. De même, une réflexion sur l’architecture carcérale est, sur cette base, indispensable à tout intervenant dans un contexte de renouvellement du parc pénitentiaire, dont il faut connaître les ressorts pour s’y adapter, et y poser un regard critique…