« En vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches, pour autant que celles-ci paraissent souhaitables dans l’intérêt des uns et des autres. » (Art.D.402 du C.P.P.)
Voici l’article de loi qui fait prévaloir l’importance des liens familiaux pour les détenus, leur vie en détention, leur vie de citoyens, comme êtres humains, partie d’une famille, elle-même composante de la structure sociale. Le législateur a bien légiféré, mais il se contredit. L’Article D.410 du C.P.P. limite en effet les parloirs pour les condamnés :
si trois parloirs par semaine permettent au prévenu de maintenir des liens familiaux, l’affaire se complique après la condamnation, puisque d’une part on supprime deux parloirs sur les trois, et que d’autre part leur qualité est fonction des établissements.
On peut passer du box à la salle commune, réplique du marché couvert ! De plus, le courrier est lu par la pénitentiaire - parfois même, ils n’arrivent pas ou ne partent pas ! En maison d’arrêt, pas de possibilité, enfin, de téléphoner !
En l’absence de loi sur la gestion journalière d’une vie carcérale, la pénitentiaire se charge de suppléer par un fonctionnement hyper-sécuritaire : « Comment contrer une loi qui nous oblige au respect humain, à l’acceptation dérangeante de l’autonomie du détenu ? » Nous avons affaire à une société hors de la société, un système qui s’auto-gère avec un mot d’ordre : pas de vagues !
Pourtant des réflexions sont menées sur le sujet du « Droit à l’intimité », des études sur les U.V.F. (Unités de Visites Familiales). Ceci depuis 1989. Des expériences ont été réalisées, mais abandonnées : refus du directeur de l’A.P. de l’époque, et maintenant, des syndicats de surveillants, trop partagés sur la question.
La plupart des pays européens ont une avance importante sur la France, qui paraît être la lanterne rouge de l’Europe. Pourtant tous sont unanimes. Ces fonctionnements sont « satisfaisants tant pour les personnes détenues et leurs proches que pour les personnels de surveillance ». (Monde Diplomatique, fév. 1999)
L’éloignement entre le détenu et sa famille n’est que rarement pris en compte, et le manque de place oblige à de très longues attentes. Les doubles parloirs (2 fois 45 minutes) font l’objet d’une demande et donc soumis à accord, alors qu’ils devraient être systématiques.
Les familles, face à la pénitentiaire, perdent l’image de leur citoyenneté. Elles sont condamnées. Privées de liens, empêchées dans leur recherche d’intimité, dans leur existence relationnelle, dans leurs repères.
Les détenus privés de ces liens sont dans une phase de déshumanisation, de désocialisation, dans un état limite, un équilibre précaire qui force à des attitudes agressives et conforte la pénitentiaire dans sa mission sécuritaire. Un fonctionnement en circuit fermé se répercutant sur les familles et leurs relations à l’extérieur.
L’intimité, les liens familiaux sont des facteurs d’une vie plus équilibrée, "Dedans", et favorisent la réinsertion, "Dehors". Favoriser ces liens, c’est humaniser. Humaniser pour réinsérer, pour sentir que l’on existe. Humaniser car on existe pour notre famille, pour conserver l’image qu’elles ont de nous : un être humain, et non pas un être dénaturé, "un monstre".
L’humanisation et la réinsertion passent forcément par le renforcement des liens familiaux.
I have Dream.
Jean-François DUDOUÉ
le 2 février 2002