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L’inflation carcérale n’est pas une fatalité, selon le criminologue P. Tournier

Mise en ligne : 21 mai 2004

Texte de l'article :

Depêche diffusée par l’Agence France Presse (AFP) :
Justice-prison. L’inflation carcérale n’est pas une fatalité, selon
le criminologue P. Tournier. TROIS QUESTIONS A...

 PARIS, 10 mai 2004 (AFP) - Le criminologue Pierre V. Tournier,
directeur de recherches au CNRS, estime que l’inflation carcérale
"n’est pas une fatalité" alors que le ministre de la
Justice Dominique Perben a estimé ce week-end que le nombre de
détenus ne baisserait pas en annonçant un nouveau record de
surpopulation début mai de 62 902 détenus pour environ 49 000 places.

Q : Partagez-vous l’analyse du Garde des Sceaux selon laquelle "la
population carcérale française ne baissera pas" ?
R : "L’absence de volonté politique pour lutter contre l’inflation
carcérale est avouée, sans embage. Il n’y aurait donc rien à faire.
M. Perben semble ignorer la recommandation du Conseil de l’Europe du
30 septembre 1999 sur le surpeuplement des prisons, orientations
confirmées en septembre 2003 par une recommandation sur la libération
conditionnelle.
 La loi française du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence
avait montré la voie. On peut évidemment lutter contre l’inflation
carcérale, ce n’est pas une fatalité, encore faut-il le vouloir".

Q : D’après Dominique Perben, cette augmentation résulte d’une
meilleure exécution des peines. Que pensez-vous de cette
interprétation ?
R : "A ma connaissance, il n’existe pas, en France, d’outils
statistiques permettant se suivre précisément l’évolution de la mise à
exécution des peines.
 En outre, les chiffres pénitentiaires ne permettent pas de poser un
tel diagnostic. Au cours de l’année 2003, le nombre de personnes
écrouées est passé de 55 407 (1.1.2003) à 59 246 (1.1.2004). Le nombre
d’entrées en 2003 a légèrement baissé par rapport à 2002 (81 533 au
lieu de 81 905). En revanche le durée moyenne de détention est passée
de 7,6 mois en 2002 à 8,4 mois en 2003. C’est cette croissance de la
durée qui explique l’évolution de la population carcérale en 2003.

Q : L’Administration pénitentiaire a récemment changé sa base de calcul
de la population carcérale, qu’en pensez-vous ?
R : "Le 1er février 2004, elle a retranché des effectifs les condamnés
placés sous bracelet électronique. Le 1er mars 2004, elle a retranché
les condamnés faisant l’objet d’un placement à l’extérieur sans
hébergement dans un établissement pénitentiaire. Dans le but, semble-
t-il, de calculer des taux d’occupation plus justes ! Depuis bien
longtemps, la population carcérale est évaluée en comptant le nombre
de personnes placées sous écrou.
J’ai mis en place pour le Conseil de l’Europe la statistique
pénale annuelle européenne (SPACE), c’est la présence juridique qui a
été prise comme référence.
Avec ces changements, les comparaisons dans le temps, mais aussi
dans l’espace européen seront impossibles".