Au moment même où il organise un débat pour la libération de la parole détenue par les murs des prisons, l’OIP se voit interdit de distribuer des tracts aux abords de la maison d’arrêt de Corbas par la direction de l’établissement. Une décision très éclairante quant à la conception du dialogue dans l’esprit de l’administration pénitentiaire.
Le 30 octobre, l’OIP a reçu un fax de la direction de la maison d’arrêt de Corbas, l’invitant « à ne plus procéder à de nouvelles distributions » de tracts devant l’enceinte de l’établissement, l’association devant se contenter de « déposer des tracts à l’accueil familles ». En guise de motivation, le chef d’établissement estime que « la distribution de tracts sur le domaine pénitentiaire est de nature à gêner l’activité de l’accueil des familles et des proches de détenus mais également les personnels et les différents intervenants de l’établissement ».
A n’en pas douter, le débat organisé par l’OIP le 11 décembre pour la libération de la parole détenue par les murs des prisons a déjà commencé. En effet, une telle décision peut être lue comme une première contribution de la part de l’administration pénitentiaire, qui nous informe de sa conception du dialogue : un dialogue sans discussion possible, sans échange direct, par tract interposé. Toute autre approche étant susceptible de « gêner l’activité » des services pénitentiaires, ce qui éclaire également sur l’espace dans lequel elle tolère la liberté d’expression.
Car en fait de gêne, l’administration ne fait état que de « remarques reçues de différents intervenants ». Depuis le 30 septembre dernier, l’OIP avait commencé à se rendre devant l’établissement pour distribuer des tracts annonçant le débat du 11 décembre et échanger avec l’ensemble des personnes passant les portes de la prison : proches de détenus, personnels pénitentiaires et intervenants. Seules quelques personnes rencontrées avaient fait part à l’association de leur désapprobation au sujet du débat organisé par l’OIP, voire à sa présence aux abords de l’établissement. Au cours de ses quatre demi-journées de présence au pied des murs, l’Observatoire avait pu avoir des échanges extrêmement riches et nombreux, y compris avec les personnels pénitentiaires. C’est sans doute cette porosité plus grande des murs à la parole que l’administration voit d’un mauvais œil.
Depuis le 30 septembre, l’OIP recueille des témoignages de prisonniers, de personnels et d’intervenants : de toutes les prisons de France, les voix commencent à s’élever pour combattre le silence. La décision de l’administration concernant la distribution de tracts à la maison d’arrêt de Corbas ne doit pas faire obstacle à la poursuite du dialogue. C’est pourquoi l’Observatoire réitère son appel : qu’en est-il de votre droit à vous exprimer ?
L’OIP rappelle que l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme stipule que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ». La Cour Européenne des droits de l’Homme considère que toutes les mesures d’entrave à la liberté d’expression des personnes détenues doivent être proportionnées (Yankov c/ Bulgarie, 11 déc. 2003, req. n°39084/97). Sur ce fondement, le juge administratif contrôle les décisions prises par l’administration pénitentiaire. Il a ainsi annulé le retrait d’agrément d’un visiteur de prison qui avait distribué des tracts de l’OIP devant la prison, sur le domaine pénitentiaire, comme étant disproportionné (TA Amiens, 16 octobre 2007, Quintin et OIP n° 0402272). Le 8 novembre, l’OIP a déposé un recours contre la décision de la direction de l’établissement.