Collectif Régional Contre l’Enfermement RHONE ALPES
LA GENERATION PERDUE ...
En juillet 2002, le sieur Perben, ministrone de la Justice en Chiraquie, avait présenté devant le Conseil des ministres le projet de loi sur le rétablissement des prisons pour enfants. Comment peut-on s’étonner que la première loi de ce gouvernement soit une loi d’inspiration policière ? Depuis des lustres, les ministres de la Police, qu’ils soient de gauche ou de droite, la réclamèrent, de Gaston Defferre à Chevènement, de Pasqua à Sarkozy.Les petits piranhas des cités de l’exil périurbain inquiètent le bon peuple accro aux drogues dures de la sécurité. Et la masse des électeurs n’a-t-elle pas choisi le parti de l’ordre ? Les journaux de TFN ont si bien su dealer leur camelote de trouille à chaque rayon. Nous entrons dans le troisième millénaire avec une loi digne du XIXe siècle ! L’inspiration policière ne restera-t-elle pas à tout jamais marquée par l’esprit de Javert ? Rassurez-vous tout de suite, croyez-en notre longue expérience de la répression, vous avez pris le bon chemin, et de quelques petits voleurs de miches de pain vous allez faire de redoutables forçats. Arrêtez… Nous savons bien que de nos jours, ils vendent des barrettes de shit et tirent des portables. Mais l’esprit demeure le même. Le système réprime la misère qu’il a su si bien entretenir, et, tout naturellement, le néolibéralisme a opté pour la solution du bon vieux libéralisme bourgeois… la criminalisation des pauvres. Que vaut une société qui envoie ses enfants en prison ?
Nous ne croyons pas plus aux tartufes bedonnants qui sacralisent les ordonnances de 45. Reconnaissons tout de même qu’inspirées par l’esprit de la Résistance et surtout par des hommes qui avaient connu la paille des prisons, ces lois étaient un mieux. Une tardive mais juste éradication des bagnes d’enfants. Pourtant, elles ne furent jamais la panacée. Jamais.
Depuis les années 50, le gros du bataillon des réclusionnaires peuplant les centrales de ce pays est issu des quartiers populaires et forgé à la haine aux foyers de la PJJ et de la Dass. Si les orphelinats ont produit une activité délinquante plus classique, la génération des « blousons-noirs » réprimée dans les Ipes ’ les maisons de correction des années 60 ’ a été le fer de lance de la vague des équipes de braqueurs qui écumèrent les années 70. Leur audace se vérifiait dans les prises d’otages et les fusillades sanglantes. Les équipes se montaient autour des centres d’éducation surveillée, à Savigny-sur-Orge pour la banlieue sud, à Aniane pour le Midi et à chaque région, sa pouponnière de la nouvelle criminalité.
Mais les experts de la tolérance zéro ne peuvent plus accepter ces abcès de fixation à faible intensité d’illégalisme. Ils veulent taper un bon coup de talon dans la fourmilière et démanteler la petite économie marginale faisant vivre des milliers de familles démunies. Vous n’avez plus l’intelligente gouvernance qui vous permettait de saisir qu’il faut impérativement laisser un espace d’autonomie relative entre la précarité néolibérale ’ incapable de donner du travail à tous les pauvres ’ et l’assistanat de masse ’ réduisant plusieurs millions de personnes à la mendicité étatisée. Les flics ont reçu carte blanche. Ils vont capturer au flash-ball plusieurs centaines de gamins. Puis de plus en plus, toujours plus. Les juges pour enfant les jetteront dans les nouveaux cachots de la PJJ. Malgré leur bonnes intentions, les éducateurs, les matons, les éducateurs-matons seront mobilisés au tout-sécurité. Ils s’enfermeront dans le conflit qui naîtra immanquablement et de toute évidence. Dans la prison, la répression l’emporte toujours. Le conflit entre celui qui souffre et veut s’enfuir et celui qui finit toujours par le surveiller et le punir est inéluctable. Dès cet instant, il n’y a plus de limite, l’engrenage est sans fin.
Nous n’avons rien de voyants extralucides mais nos prévisions reposent sur le vécu du peuple des prisons. Et croyez-nous sur parole, les bandes de « Gremlins » sortiront des foyers de la tolérance zéro avec pour seule éducation la capacité d’inventer une délinquance bien plus dure que celle de leurs prédécesseurs sortis des foyers de la Dass et des centres d’éducation surveillée.