LA PLUIE
Voilà à présent un bon quart d’heure que je marche ; que je marche en tournant entre un mur et des grilles, comme un animal en cage.
Je tourne, je marche, pour qui, pour quoi ; je ne sais pas, je ne sais plus. Je marche peut-être pour attraper le temps, ce temps qui passe, qui s’enfuit toujours plus loin, ce temps toujours plus long.
Je marche sans raison, sans but, simplement, sans doute pour sentir mes pieds, mes jambes, me sentir exister. Marcher pour prendre conscience de mon corps, vérifier sa mobilité.
Soudain dans cette course sans fin, sans joie, sans but, une goutte d’eau heurte mon front.
À marcher dans cette cour, tête baissée, courbé, écrasé par le poids de ce temps, ou perdu dans des pensées à la recherche d’un soupçon de vie, je ne m’étais pas aperçu que le ciel s’était couvert.
Il pleut !
Cette nuée de gouttelettes quittent la liberté des cieux et viennent mourir sur l’asphalte sombre de ma cage. Je lève la tête, offrant mon visage à ce bain de larmes.
Pleurez nuages, c’est la vie qui entre en moi.
Mes pas clapotent dans les petites flaques qui se forment, je marche d’un pas plus ferme, plus sûr, je me redresse, je marche pour m’occuper, occuper ce temps ; je marche parce qu’on m’attend ; je marche pour moi, parce que j’existe. Je marche parce qu’il y aura un jour, bientôt la vie.
Jean-François DUDOUÉ
M.A. de Châlons-en-Champagne
15 juillet 2OO3