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La violence contre soi-même

Mise en ligne : 21 avril 2004

Dernière modification : 3 novembre 2004

Texte de l'article :

Pierre-Yves Robert
Médecin, responsable médical de l’UCSA du centre pénitentiaire de Nantes

La violence contre soi-même, ce sont tous les phénomènes auto-agressifs dont la plus parfaite image est le suicide qui atteint, en milieu carcéral, sept fois le taux de la population générale. Ce taux extrêmement important a généré de multiples réflexions. Les PRAPS s’en sont occupé, l’administration pénitentiaire a créé des cellules de réflexion, a mis en oeuvre une politique de prévention qui a été largement diffusée, installant des équipes spécialisées, en postes fixes, dans les lieux repérés comme étant particulièrement suicidogènes :
 ? la « case arrivée »,
 ? la mise au quartier disciplinaire.
Le quartier disciplinaire est habituellement pris en charge par des surveillants en poste fixe, mais on constate que toutes ces mesures n’ont absolument pas fait diminuer le nombre de suicides en prison et une récente mission confiée au Pr Jean-Louis Terra, psychiatre à Lyon, cherche de nouveau à être innovante dans ce domaine.
Cette politique de prévention a plusieurs aspects intéressants, en particulier de par le fait qu’elle a, semble-t-il, bien ciblé les temps et les lieux où cette violence contre soi-même s’opère.
Mais l’abord psychologique du détenu qui va se donner la mort, n’a bien entendu encore jamais pu être fait (on a parlé d’autopsie psychique !) et il faut rechercher dans d’autres domaines, en particulier le moment de la coupure, au début de l’incarcération, avec la famille ; lors de la mise au quartier disciplinaire, avec les codétenus, des raisons permettant de s’expliquer et de prévenir si possible le suicide. Il y a probablement des pistes non encore explorées à mettre en oeuvre pour essayer de faire diminuer le taux de suicides en milieu carcéral.
Actuellement cette politique, il faut le reconnaître, est en échec. Les chiffres, même corrélés à l’augmentation importante du nombre de détenus, parlent d’eux-mêmes. Mais il n’y a pas que le suicide : un grand nombre d’automutilations, en particulier des coupures sur les membres ; sont autant de gestes de violence contre soi-même, violence qui vient traduire manifestement une impossibilité de communiquer, une impossibilité de dire le malaise, tant le malaise intérieur à la prison, le fait d’être incarcéré, mais aussi le malaise que peuvent ressentir des personnes qui n’ont plus d’action sur l’extérieur.