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« Le 18 décembre 1999, est-ce la vie ?"

Mise en ligne : 13 septembre 2003

Texte de l'article :

« Le 18 décembre 1999,
Est-ce la vie ? Quel triste sort de se voir séparé du monde ... de se sentir à l’étroit comme dans une tombe ! Cloîtré . J’ai trop de mal à gérer l’angoisse que l’incarcération finit par générer. Je touche du front, des joues, des mains, le mur le plus imprévu, le plus sourd ! J’ai beau regarder en l’air , histoire de changer d’air, je ne vois que ces murs gris, celui de la souffrance que l’on m’a infligé, moi, " inapte à ce monde ". Vertige de l’âme. J’ai peine à marcher. J’ai peine à penser. J’ai peine à écrire. Malheureux malheurs procurant si cruelle béatitude. . . Je m’enfonce un peu plus chaque jour, foudroyé par le destin trop lourd. Combien d’injures sur ses murs gris ? Combien de haine ? Combien de peine ? Bonheur perdu ! Bonheur enfui ! Le temps pas et vire. Par jour, par mois, par année... Et moi, lasse, je ne sais que dire ? Que faire ? Pour que ce temps en ces lieux désolés puisse me paraître meilleur... Moins triste, moins gris, moins pesants... J’ai trouvé la solution ! L’ultime...

Il m’aura fallu une annonce... Quelques mots triés dans le coin de mon cerveau, pour que je puisse avoir l’idée de ne plus être "oublié"... Oublié du monde extérieur. Là où la devise est "chacun pour soi, et à chacun son soi"... Un monde où même les gens qui crèvent de faim et dorment dans le froid, ne sont plus même regardés... De là, vous êtes venue, pareille à une ombre solaire, pareille à une note musicale, éclaircir cette cellule où l’oubli et l’isolement avaient fait place au "quotidien". Maintenant, la vie sourit enfin. L’espoir d’une lettre et de quelques mots me fait attendre chaque jour le "facteur" avec la peur au ventre de ne pas voir arriver cette lumière, cette douceur et cet attachement me procurent vos écrits. Je ne sais comment décrire le ressenti et l’ émotion qui font que mes battements de cœur se font plus rapides, à la vue de l’écriture sur le dessus d’une enveloppe. Votre écriture... De décrire ces contenus et la puissance des mots qui sont déposés sur le papier...

J’ai comme l’impression d’être "petit" avec mes courriers, mes mots et ceux des "autres" volés ici ou là ! La peur de ne pas être à la hauteur et de voir, enfin de constater que l’échange ne serait plus que souvenirs... Cette idée me ronge l’esprit ! Pourquoi ? Peut être trop d’illusions ou de désillusions en ce monde clos et cruel ! Je chasse cette idée de mon esprit. Elle m’empêche de dormir depuis quelques jours, disons de dormir à des heures dites "normales"... J’ai honte d’écrire ma souffrance et de vous l’envoyer en plein cœur !... Et pourtant, je ne peux me l’empêcher... Je laisse aller mes pensées avec ce qu’elles comportent de positifs comme de négatifs , même si ce jour où plutôt cet instant, grave une négation marquée , écrite est inscrite à jamais, sur ces quelques pages... »

Anonyme

Extrait du mémoire "Ecrire pour survivre" d’Anne-Julie Auvert