14600 articles - 12260 brèves
> Divers

Divers

Le bracelet électronique : Placement sous surveillance électronique (PSE)

Mise en ligne : 24 septembre 2002

Dernière modification : 9 août 2010

Texte de l'article :

Le bracelet électronique : Placement sous surveillance électronique (PSE)
Dates
Modalités d’application du placement sous surveillance
Intérêt du PSE
Les conclusions mitigées du rapport d’enquête de l’Assemblée Nationale
Les propositions favorables du rapport d’enquête du Sénat
Les expériences étrangères

L’expérimentation commence enfin ! En 1997, le Parlement français votait une loi autorisant le placement sous surveillance électronique. Trois ans plus tard, le système commence à peine à être testé. Quatre sites expérimentaux ont été choisis : Prison de Luynes (Bouches-du-Rhône), Agen, Loos les Lille (Nord) et le centre de semi-liberté de Grenoble. Une vingtaine de détenus sur chacun des quatre sites participera au test pendant les prochains mois.

En savoir plus :
Le cordon carcéral, Nora Meziani, Canal +
L’article de Libération
La surveillance électronique au Canada, rapport de Solliciteur général Canada (mai 1999)
Site du Ministère des services correctionnels de l’Ontario (Canada)
Expérience suédoise de surveillance électronique

Dates clés
22 octobre 1996 : Le Sénat adopte la proposition de Loi du sénateur Cabanel, n°97-1159, relative au placement sous surveillance électronique, soutenue par Jacques Toubon, alors Garde des Sceaux.
25 mars 1997 : L’Assemblée nationale modifie et adopte la proposition de loi. Le PS s’abstient.
11 décembre 1997 : Le Sénat adopte la proposition de loi modifiée par l’Assemblée Nationale.
Le 19 décembre 1997 : La loi (n° 97-1159) est promulguée.
Or, près de deux ans se sont écoulés, et le décret n’a jamais été pris par Madame Guigou, Ministre de la Justice, rendant ainsi la loi inapplicable.
15 juin 2000, la loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes (Art 62) étend le PSE aux prévenus (Art 144-2 du code de procédure pénale).

Modalités d’application du placement sous surveillance
Il s’applique pour une durée maximale d’un an (fins de peine ou courtes peines)
– en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas un an
– ou lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peine privative de liberté dont la durée totale n’excède par un an
– ou à titre probatoire de la libération conditionnelle, pour une durée n’excédant pas un an.

La mise sous surveillance électronique concerne les condamnés comme les prévenus.
En 1996, lors de l’examen du projet de loi sur la détention provisoire, le Sénat avait complété le texte du gouvernement par des dispositions autorisant la surveillance sous contrôle électronique comme substitut à la détention provisoire. Le gouvernement et l’Assemblée nationale de l’époque les ont rejetées, jugeant préférable de limiter la mise sous surveillance électronique aux peines d’emprisonnement ferme déjà prononcées. La proposition de loi sur le contrôle électronique, déposée ultérieurement, a alors exclu les prévenus du champ d’application.
La loi de juin 2000 renforçant la présomption d’innocence étend désormais le PSE aux prévenus.
Le consentement du détenu est nécessaire : la décision de recourir au placement sous surveillance électronique ne peut être prise par le juge d’application des peines sans le consentement du condamné et en présence de son avocat. Le condamné peut, à tout moment, demander la révocation de cette mesure.
En ce qui concerne les mineurs non émancipés, la décision de placement sous surveillance électronique ne peut être prise qu’avec l’accord des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale (Introduit par la loi sur la présomption d’innocence, art. 723.7 du Code de Procédure Pénale).
Une peine privative de liberté : le placement sous surveillance électronique interdit au condamné de quitter son domicile ou tout autre lieu désigné par le juge de l’application des peines en dehors des périodes fixées par celui-ci. Les périodes et lieux fixés par le juge d’application des peines tiennent compte de l’exercice d’une activité professionnelle par le condamné, du fait qu’il suit un enseignement ou une formation, effectue un stage ou un emploi temporaire en vue de son insertion sociale, de sa participation à la vie familiale, de la prescription d’un traitement médical. Le contrôle à distance du placement sous surveillance est assuré par des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire. Le contrôle d’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence d’un condamné dans le lieu désigné par le juge. Il n’y a aucune atteinte à la vie privée, dans la mesure ou le dispositif ne permet pas de suivre la trace, les faits et gestes quotidiens du condamné mais simplement de savoir si le condamné est bien dans le lieu déterminé. 10 000 bénéficiaires potentiels.
Aujourd’hui, environ 30 % des détenus (hors prévenus) sont condamnés à une peine d’emprisonnement ferme inférieure à un an. Ce qui permet d’évaluer à près de 10 000 le nombre de détenus qui pourraient bénéficier du placement sous surveillance électronique.

Intérêt du PSE
Le placement sous surveillance électronique permettrait de :
– Favoriser la réinsertion. Pour les fins de peines, le PSE permet au condamné de revenir moins brutalement à une vie sociale, familiale et professionnelle.
– Maintenir un lien social. Pour les courtes peines, le PSE évite de couper le condamné de sa famille et de son environnement social ; il lui permet de poursuivre, le cas échéant, son activité professionnelle ou de recevoir un traitement médical.
– Désengorger les prisons. 10 000 détenus peuvent aujourd’hui potentiellement bénéficier du PSE. Ce qui libèrerait de très nombreuses places dans les prisons françaises et permettrait ainsi aux autres détenus de ne plus vivre comme dans certains établissements à deux ou trois détenus par cellule, en l’état de la surpopulation des établissements.
– Faire des économies substantielles. Le coût de prise en charge (60 francs par jour, en moyenne) est nettement inférieur à celui d’une place de prison (300 à 350 francs par jour). Quant au coût de sa mise en place sur l’ensemble du territoire il s’élèverait à environ 50 millions de FF (7,62 millions d’euros).

Extrait du rapport d’enquête de l’Assemblée Nationale

"La vigilance s’impose s’agissant de l’expérimentation du placement sous surveillance électronique. La loi du 19 décembre 1997 permet en effet d’offrir à des détenus ayant une peine ou un reliquat de peine inférieur à un an de l’effectuer en dehors de la prison avec un bracelet électronique. « Un autre point important est de savoir dans quel créneau se situera le bracelet électronique parce qu’en France, à la différence peut-être des pays qui l’ont implanté (et c’est une remarque qui nous est faite par un certain nombre de personnels), de nombreux dispositifs existent déjà à la fois dans le cadre du prononcé d’une peine (je pense notamment au sursis avec mise à l’épreuve qui implique un suivi social) et dans le cadre de l’exécution des peines, que ce soit le placement à l’extérieur, la semi-liberté, la libération conditionnelle et d’autres mesures auxquelles le bracelet électronique viendra s’ajouter. Si le bracelet électronique venait empiéter sur la liberté, nous constaterions dans ce cas-là un échec et ce n’est évidemment pas ce que nous souhaitons. Nous devons être extrêmement vigilants et veiller à bien définir le bracelet électronique comme une peine de substitution à un emprisonnement ferme et non comme une alternative à la libération conditionnelle ni surtout au placement à l’extérieur. Notre vigilance doit être extrêmement forte sur ce point".
Deuxième point : les expériences étrangères nous montrent que ce système de bracelet électronique concerne généralement des publics très spécifiques. La Suède a assez bien développé le système mais de manière relativement modérée : 591 personnes ont été placées sous bracelet électronique en 1998 pour une population de 8,8 millions d’habitants. C’est un ratio dont nous avons à tenir compte. En Suède, 57 % de personnes sont condamnées pour conduite en état alcoolique. En France, les personnes condamnées pour conduite en état alcoolique (leur nombre est important) ne sont pas forcément incarcérées à l’intérieur d’établissements pénitentiaires. On retrouve ainsi le risque de toucher un public qui, pour l’instant, n’est pas incarcéré. J’insiste sur ce point. [...] Nous avons ce souci de veiller, d’une part, à une mise en place progressive, d’autre part, à bien cibler les publics et à ne pas mordre sur des publics qui ne rentreraient pas, en l’absence de bracelet électronique, en détention. » (M. Eric Lallement, sous-directeur de l’organisation du suivi social et du fonctionnement des services déconcentrés à la direction de l’administration pénitentiaire) La réussite du bracelet électronique repose donc sur la bonne appréhension du dispositif par les magistrats. Elle implique également un encadrement social important : « ...il est nécessaire de mettre en place un accompagnement social fort pour répondre au véritable souci de réinsertion et de prévention de la récidive. Un certain nombre de pays qui ont mis en place le bracelet électronique ont un travailleur social pour dix personnes placées sous bracelet électronique. Un suivi social extrêmement fort et développé est nécessaire pour répondre aux trois objectifs de la mise en place réaliste et pertinente du bracelet électronique, les trois objectifs étant de réduire le nombre d’incarcérations ou la durée d’incarcération et donc de permettre à nos établissements pénitentiaires d’avoir des espaces un peu plus larges pour ceux qui restent incarcérés. Il faut, en outre, éviter la récidive et prévenir. La réinsertion nécessite cet accompagnement social extrêmement fort. » (M. Eric Lallement, sous-directeur de l’organisation du suivi social et du fonctionnement des services déconcentrés à la direction de l’administration pénitentiaire).Cet accompagnement social devra notamment veiller à ce que des centres d’hébergement ou des associations soient à même d’accueillir des personnes sans domicile placées sous surveillance électronique. Faute de quoi, le bracelet électronique, qui exige un domicile fixe et une ligne téléphonique, se verra réservé à une « délinquance en col blanc » ; l’iniquité qui en résulterait entre les personnes assez aisées pour garantir un cadre d’accueil au dispositif électronique et les autres, condamnées faute de moyens suffisants à l’incarcération, irait à l’encontre de l’objectif poursuivi. Sous ces réserves, le bracelet électronique est susceptible de jouer un rôle dans le désencombrement des maisons d’arrêt ; trois sites pilotes ont été préalablement choisis pour mener l’expérience, au regard du chiffre de surencombrement des maisons d’arrêt : « Sur un plan technique, le ministère de la Justice a donc, dans un premier temps, choisi d’expérimenter ce bracelet électronique sur trois sites. Ces sites ne sont pas encore choisis à la date d’aujourd’hui. Nous avons soumis à Mme la garde des sceaux une liste de onze sites qui répondent à la priorité devant être développée par le bracelet électronique qui est de réduire la surpopulation carcérale en évitant l’incarcération des personnes qui seraient condamnées à de courtes peines d’emprisonnement ou, au contraire, en aboutissant à une libération anticipée avec un contrôle par le biais du bracelet électronique d’une personne qui a été préalablement condamnée. On a donc défini les possibilités au regard de la surpopulation carcérale des établissements pénitentiaires après une consultation qui a été faite auprès de nos directions régionales. Nous avons défini ces onze sites à partir de là. Ils sont aujourd’hui soumis à la concertation sociale. Nous avons réuni les organisations professionnelles des personnels de surveillance, de direction et des travailleurs sociaux de l’administration pénitentiaire et ceux-ci doivent nous faire part de leurs observations d’ici une quinzaine de jours. Nous aurons aussi prochainement une réunion avec l’ensemble des juges d’application des peines, directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation et chefs d’établissement de ces onze sites pour voir avec eux le degré de faisabilité sur ces onze sites et, à la suite de ces consultations, Mme la garde des sceaux sélectionnera les trois sites qui recevront cette expérimentation pour une durée que nous avons évaluée à neuf mois. » M. Eric Lallement, sous-directeur de l’organisation du suivi social et du fonctionnement des services déconcentrés à la direction de l’administration pénitentiaire) Finalement, le nombre de sites choisis s’élève à quatre qui sont : Lille, Aix-en-Provence, Agen et Grenoble. Les postes de surveillance seront situés en établissements pénitentiaires avec un poste à la maison d’arrêt de Loos, un à la maison d’arrêt d’Aix Luynes, un à la maison d’arrêt d’Agen et un au centre de semi-liberté de Grenoble. La généralisation du système doit être conduite prudemment, et s’accompagner notamment d’un effort de pédagogie en direction du grand public. En l’absence de communication, le système peut, comme en Angleterre en 1989, aboutir à l’échec. (La France face à ses prisons, T1, p.254, juillet 2000)

Extrait d’une lettre adressée par un détenu de Luynes à Démocratie Libérale
Proposition du rapport de la commission d’enquête du Sénat
"Après avoir adressé plusieurs lettres au ministre de la Justice restées sans réponse, nous sommes intervenus auprès du Conseil d’Etat, du Premier ministre, du secrétaire général du Gouvernement, du Président de l’Assemblée nationale et finalement, grâce à leur démarche nous avons enfin reçu le 16 novembre 1999 une réponse du Ministre de la Justice nous indiquant :"S’agissant de la mise en oeuvre de la loi N°97-1159 du 19 décembre 1997 relative au placement sous surveillance électronique, je vous indique qu’aucun calendrier n’est fixé à ce jour quant à la publication du décret d’application de cette loi. En effet, une réflexion et les études techniques nécessaires à la mise en oeuvre du dispositif technique sont toujours en cours".
Cette réponse, compte tenu de l’ancienneté de la loi est peu satisfaisante, alors que la mise en application de ce texte rapidement aurait certainement évité de nombreux suicides en prison en 1998 et 1999"."Accélérer la mise en oeuvre de la loi relative au placement sous surveillance électronique.
Le placement sous surveillance électronique, prévu par la loi du 19 décembre 1997, présente plusieurs avantages : il constitue un instrument de prévention de la récidive en évitant la rupture des relations familiales ou la perte d’un emploi, il est un instrument moins coûteux que la prison ; enfin, il peut permettre de lutter contre la surpopulation dans les maisons d’arrêt. Ce dispositif pourra être désormais utilisé non seulement à l’égard des condamnés à de courtes peines, mais aussi à l’égard des prévenus. Les premières expérimentations doivent débuter très prochainement ; il convient d’accélérer la mise en oeuvre d’une loi votée depuis maintenant deux ans et demi. "

Sept 2000