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Le droit des malades non respecté

Mise en ligne : 1er août 2007

Dernière modification : 28 décembre 2010

Texte de l'article :

Lettre ouverte

Le 26 janvier 2006, Dominique PASQUALAGGI est incarcéré à la prison de la Santé, dans le cadre de la tentative d’attentat contre la Trésorerie d’Aix-en -Provence.

L’instruction étant toujours en cours, ce qui implique, outre la détention, des interrogatoires par le juge d’instruction, des confrontations, une reconstitution des faits etc... Ainsi que de nouvelles mises en examens qui se traduisent au préalable par des gardes à vue. Celles-ci durent quatre jours et ce dans un laps de temps très rapproché durant lesquelles il a subi des pressions psychologiques : manque de sommeil, intimidations, négation de la personne humaine. L’une d’entre elle s’est déroulée au mois de mars 2007 ; l’autre au mois de juin s’est conclue par un événement tragique : une « défenestration » dans des conditions pour l’heure inconnues.
C’est le journal télévisé d’une chaîne nationale qui permet à notre mère d’être informée de la situation et de l’admission de son fils aux urgences de l’hôpital de la PITIE SALPETRIERE. Sous le choc, l’information fait vite le tour de la famille et le 14 juin 2007 au soir, commence alors le parcours du combattant.
Pendant plus de 72 heures d’angoisse, et en dépit des déclarations du chef de la police, nous avons été maintenues sans nouvelles ! Blocage des informations, impossibilité d’accès dans l’aile sécurisée où il se situait, au motif que les autorisations n’étaient pas arrivées de la prison de la Santé. Ce n’est qu’après un premier bras de fer, aidées de la presse, qu’au bout de ce périple, nous avons pu le voir le samedi 16 juin pendant 5 minutes et constater par nous-mêmes qu’il était encore en vie...
D’ailleurs, durant trois longues semaines, le pronostic vital était largement engagé, en raisons des nombreuses lésions : hémorragie interne ayant nécessité 16 culots de sang par transfusion, fracture du bassin, sacrum en miette, fractures de différentes apophyses, de L1, du coude droit, de la cheville gauche, perforation des deux poumons, sternum enfoncé, côtes cassées, contusion du foie et de la rate, section de l’artère fémorale.
Dans cette période d’incertitude où chaque minute passée était une minute gagnée, l’espoir et le courage étaient de rigueur ; d’autant qu’il était difficile de lui apporter notre soutien. En effet, seules les personnes bénéficiant d’un permis de visite étaient autorisées à le voir 3 fois par semaine, le lundi, le mercredi et le samedi à raison d’ 1/2h par personne. Pour agrémenter le tout, nous ne pouvions pas téléphoner pour avoir des nouvelles, nous devions donc nous déplacer à chaque fois pour éventuellement avoir la chance de croiser un médecin.
Dans ces conditions, une demande de remise en liberté a été déposée mais, néanmoins refusée.
Cependant, grâce à l’équipe médicale de la réanimation de l’hôpital de la Salpetrière, et après des moments de doute, dûs à une fièvre et à une infection pulmonaire, l’état de Dominique, qui était plongé dans un coma artificiel, et avait subi une trachéotomie, a commencé doucement à s’améliorer.
Son état étant alors stable, il a était transféré vers le service d’orthopédie et le 15 juillet 2007, il a subi une 1ère opération sur la colonne et le sacrum, longue de 4 heures, ce qui devait être la première d’une longue série. Lors de cette intervention, il a été constaté que certains nerfs avaient été sectionnés, à savoir les nerfs qui commandent les sphincters, ainsi que ceux des orteils et qu’un risque de paralysie au moins sur une des jambes, suite à la section de l’artère fémorale, n’était pas exclu.
Le moral de Dominique se trouve alors très affecté, mais on nous rassure, en nous expliquant qu’avec des opérations en urologie, de la rééducation quotidienne, avec les avancées médicales et beaucoup de temps, 8 à 10 mois, son état devrait se trouver amélioré.
Dès le lendemain, après ce traumatisme post-opératoire, et sans considération de son état physique et psychologique, l’appareil judiciaire « humain », tel qu’on s’évertue à vouloir nous le présenter, repasse au premier plan. En effet, se déplacent à son chevet le Juge des libertés et de la détention, son greffier ainsi que le Procureur de la République. Ils constatent l’état de Dominique, mais lui annoncent le rejet d’appel de mise en liberté qui avait été formé. Cependant, ils reconnaissent que ce même état n’est pour l’instant pas compatible avec une DETENTION. Et, devant la détresse de Dominique, ils nous accordent à maman et à moi-même (sa sœur) un droit de visite élargi sans contrainte, ni d’heure, ni de jour, comme tout patient.
Le 18 juillet, nous rendons visite à Dominique, qui reprenait confiance, heureux de nous voir enfin à son chevet, on évoque, le temps de la rééducation, les opérations à venir. Il nous précise que le kiné vient déjà, de même que sa rééducation neurologique et urologique. Cela sera long, il devra réapprendre à marcher différemment et pour son bassin, il doit dans un premier temps rester allongé pendant 45 jours. Ces informations ont été confirmées par le médecin rencontré ce jour là. De plus, n’ayant que le bras gauche valide, il doit être aidé pour les gestes vitaux, comme boire et manger. Il est massé 3 fois par jour et mis sur le côté pour éviter la formation d’escarres.
Le 19 juillet 2007, alors que notre mère se rendait à l’hôpital pour rencontrer le médecin et discuter avec lui des suites à venir, elle voit son fils qui après avoir passé une radio pour son coude, est directement transféré vers la prison Hôpital de Fresnes. Surprise, elle demande les raisons de ce transfert et on lui répond que pour l’instant comme il ne doit pas être opéré de suite, Fresnes dispose d’un service adéquat. Néanmoins, pour faire passer cette nouvelle pilule, on nous a rassuré sur la continuité des soins. D’ailleurs, sachant que l’une des innovations de la loi KOUCHNER était d’introduire une éthique de soins en prison reposant sur l’égalité et l’indépendance, nous étions plus ou moins confiantes. Mais force est de constater que cette loi qui affirme le droit d’accès aux soins des personnes incarcérées est loin d’être appliquée à Dominique.
Sur le plan administratif, on nous a rassurés en nous précisant que tout allait suivre, permis de visite, autorisation exceptionnelle de le voir chaque jour.
Mais la réalité est toute autre. Nous nous sommes heurtées à un nouveau refus de visite et à de nouvelles difficultés administratives, et de fait un retour aux horaires imposés et, naturellement, l’annulation du pseudo privilège qui nous avait été accordé.
Aux termes de ce nouveau périple, notre mère a pu le voir le 23 juillet 2007, soit 5 jours après son transfert, et là l’horreur lui tombe dessus. Elle, si réservée, si respectueuse, du haut de ses 73 ans, et forte de son expérience dans les hôpitaux de Paris pendant plus de 30 ans, elle était infirmière, puis surveillante, elle n’était pas préparée à une scène d’une telle atrocité.
Détenu dans une chambre-cellule fermée, un plateau repas posé devant lui, mais inaccessible, son premier constat est que la sécurité prime sur les soins.
Il n’y a pas de kiné, donc pas de rééducation des membres inférieurs, rien... L’hygiène relève certainement du domaine du luxe, un détail dont un détenu peut se passer, étant donné que l’on n’a aucune considération et reconnaissance de la dignité humaine.
 
Les preuves des conditions difficiles réservées à Dominique s’amoncellent en une seule visite et sans qu’il s’en plaigne.
De plus, en raison de sa fracture au coude droit, il ne peut pas accéder au bouton de la lumière, et ne vit qu’à la lumière du jour de sa lucarne.
Les opérations prévues pour améliorer sa situation, au niveau des sphincters ne sont plus au programme. On l’a de nouveau sondé. Et, malgré le fait qu’il n’ait que le bras gauche valide, il va par la force des choses apprendre à se sonder seul ; quant au reste, couches et laxatifs seront les solutions.
Il est couvert de mycoses, très amaigri, fatigué au bout du rouleau, il a peur...
Je vous passe les détails quand à l’insalubrité ambiante, moisissures aux murs, l’hygiène n’est elle non plus pas de mise.
Je vous rappelle qu’en raison d’une fracture du bassin, sur lequel il n’y a pas eu d’intervention, on attendait, il doit rester allonger pendant 45 jours, pas de position assise, ni semi assise autorisé suite à l’opération de la colonne.
A la sortie de sa visite, quoi de pire pour une mère que de constater et d’affirmer que les mouroirs existent encore et que l’un d’entre eux est réservé à son fils !!!
Où sont la qualité et la continuité des soins égales à ceux offerts aux personnes non incarcérées et que l’on nous avait garanties ?
L’association de toutes ces difficultés sanitaires, psychologiques fait que Dominique se trouve aujourd’hui dans une grande précarité et la reconstruction de sa personnalité paraît très difficile.
Pour couronner le tout, comme cela a été très bien orchestré, nous nous trouvons en période de vacances judiciaires. Que faire ? Désemparées, face à cette situation nouvelle et tout simplement inhumaine, nous invoquons l’aide de toute personne qui pourrait nous apporter soutien et conseils...

Face à notre désarroi, nous avons tenté d’agir au mieux des intérêts de Dominique ; une mobilisation sans précédent s’est mise en place, pétitions de soutien, interventions radiophoniques de ma mère sur des radios locales corses, manifestation de soutien le 29 juillet 2007 à Corte.
 
De plus le 26 juillet paraissait dans le Quotidien le Monde un article, concernant sa situation, à la lecture de cette article il semblerai que la mobilisation c’est faite autour de lui, on prenait enfin en compte sa présence au sein de l’HOPITAL de Fresnes, il a notamment été, suite à une série de radiographies, découvert une nouvelle fracture du genoux droit, nouvelle fracture qui l’handicape un peu plus, un amaigrissement alarmant, soudain des nouvelles dispositions ont été prises, régime alimentaire adapté, pose d’une attelle, soins quotidiens, mais il nécessite une prise en charge de plus de 2h30 le matin, et cela aux détriments des autres prisonniers/patients....Il a toujours les fils au niveau de la cicatrice suite à l’opération du sacrum, je rappelle qu’il a été transféré 4 jours après une opération délicate qui a durée 4h, et bien évidemment la cicatrisation était en cours.
 
Il est évident que sa place n’est pas là, mais qui décide, qui fait quoi...

Mmes PASQUALAGGI Joséphine et Bernadette