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Le sort des détenus d’"Action Directe" : bien peu bénéficient de la "loi Papon"

Mise en ligne : 4 avril 2004

Texte de l'article :

Nathalie Ménigon ne saura que le 9 avril si sa demande de mise en liberté pour raisons de santé a été acceptée par la justice. Incarcérée depuis dix-sept ans avec trois autres dirigeants d’Action Directe pour les meurtres du général Audran et de Georges Besse, PDG de Renault, elle est partiellement hémiplégique suite à deux accidents vasculaires cérébraux, et a fait plusieurs tentatives de suicide. Les trois autres sont eux aussi dans un état de santé déplorable : Georges Cipriani souffre de graves troubles psychiatriques, Joëlle Aubron est atteinte d’une tumeur au cerveau et le dernier, Jean-Marc Rouillan, vient seulement d’être hospitalisé pour recevoir un traitement pour un cancer des poumons diagnostiqué il y a près de cinq mois. Rien ne dit que Nathalie Ménigon, dont la demande a déjà été rejetée, pourra bénéficier cette fois-ci d’une remise de peine.

Nous réprouvons la politique d’assassinats individuels prônée par les dirigeants d’Action Directe, contraire aux idées révolutionnaires socialistes que nous défendons au sein du mouvement ouvrier. Mais les conditions inhumaines dans lesquelles ils sont détenus (l’isolement total pendant dix-huit mois, puis partiel, les restrictions apportées au droit de visite, et surtout le manque de soins médicaux) sont révoltantes et transforment leur peine de prison en une mort lente. Et cela n’est pas dû uniquement au fait que l’appareil d’État a la rancune tenace pour qui s’en prend à ses représentants. Il y aurait actuellement en prison environ deux mille détenus malades ou très âgés dont la seule perspective est de mourir, y compris certains qui n’ont commis que de petits délits.

Pourtant, depuis mars 2002, une loi permet aux prisonniers gravement malades ou en fin de vie d’être libérés afin de se faire soigner ou de mourir dignement. Mais seuls 83 détenus ont pu en bénéficier, et les délais d’instruction sont si longs qu’on a pu voir un détenu, condamné à neuf mois d’emprisonnement, mourir avant qu’un juge n’examine sa demande. Avec les restrictions apportées par la loi Perben, ils seront encore moins nombreux à pouvoir être libérés.

Mais si des malades croupissent en prison jusqu’à leur mort, il en est cependant un qui a profité de la loi Kouchner de mars 2002 (et qui donne de façon officieuse son nom à cette loi), c’est Maurice Papon... ce qui lui a aussitôt rendu la santé, puisqu’on l’a vu descendre tout fringant de sa voiture juste après sa libération. Pour les crimes ordonnés quand il était au service de l’État, sous celui de Vichy pendant l’Occupation mais aussi sous le régime "démocratique" de la VeRépublique au cours de la guerre d’Algérie, la justice sait faire preuve d’indulgence.

Marianne LAMIRAL
Lutte Ouvrière n°1861 du 2 avril 2004