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Les assassines négligences

Publication originale : 11 décembre 2001

Dernière modification : 2 décembre 2004

Texte de l'article :

A Poissy, le 1er janvier 2001

Monsieur le Procureur,

Des événements terribles se sont déroulés à la Maison Centrale de Poissy dans la nuit du 31 décembre 2000 au 1er janvier 2001. Aux alentours de 0h50, le détenu MORITZ, cellule 315 a été pris d’une crise d’angoisse. Des cris ont montrant que le détenu avait perdu le contrôle de lui-même. Ensuite il a cassé des verres ou son miroir, occasionnant un grand vacarme. Puis un grand bruit suivi de cris violents de désespoir... il appelait à l’aide. A ce moment précis il est 1h02. En commençant par son voisin de cellule puis le voisin du dessus, progressivement, quasiment tous les détenus se sont mis à frapper avec violence dans les portes et crier aux fenêtres. Ceci, dans le but d’alerter les agents présents dans les miradors, mais aussi les gens dans les immeubles d’en face.

Les cris d’agonie du détenu MORITZ ont duré de très longues minutes puis, plus Bien entendu, les coups dans les portes et les appels à l’aide aux miradors ont redoublé d’intensité. Chacun se doutant de la fatalité du silence du détenu MORITZ. Les détenus n’ont cessé d’appeler à l’aide et frapper dans les portes jusqu’à l’intervention du premier surveillant qui est arrivé sur place à 1h22 très précisément. Suite au vacarme provoqué par les autres détenus, un ou plusieurs surveillants qui devaient effectuer leur ronde, ont constaté par l’œ ;illeton que le détenu MORITZ était déjà la proie des flammes. Ces derniers n’ont pu intervenir car ils ne possédaient pas la clef pour ouvrir la porte. Il a fallu attendre l’arrivée du brigadier à 1h23.

Une fois la porte ouverte et les premiers coups d’extincteur donnés, un détenu dont la cellule se trouve en face de celle de MORITZ, a entendu le brigadier interdire à un surveillant, qui se proposait d’entrer dans la cellule de MORITZ pour lui porter un éventuel secours, l’accès de celle-ci se contentant seulement d’appeler MORITZ à deux reprises par son nom. Le tout, suivi de l’impératif "sors, sors" !

Bien entendu, le malheureux ne pouvait plus répondre. Pendant ce temps, la fumée dégagée par le feu, s’est évacuée vers la cellule du dessus. Ceci, Monsieur le Procureur, sont les faits vus et constatés par des détenus voisins de la victime. Des événements très présents chez chacun. Des détenus encore plus proches auront, quant à eux, d’autres détails à fournir et se tiendront donc à la disposition de la Justice. Des plaintes seront déposées auprès des services compétents pour :

"Non-assistance à personne en danger"

A ces actes, peuvent être ajoutés des mauvais traitements. En effet, le détenu MORITZ, au moment des faits précités, était en cellule de confinement. Cette mesure répressive a été prise par la direction de l’établissement au cours d’une procédure disciplinaire engagée contre le détenu MORITZ. Ce dernier est passé au prétoire. Le détenu MORITZ ne pouvait être mis au "mitard" ou en cellule disciplinaire car son état psychologique ne le permettait pas. Conscient de la fragilité du détenu, la direction de l’établissement décide une mesure de confinement, le tout durant les fêtes de fin d’année. Le détenu MORITZ, fragilisé par l’enfermement, isolé par le confinement, n’a cessé d’appeler à l’aide. Devant l’indifférence générale de l’Administration pénitentiaire, la direction de l’établissement, des services sociaux et médicaux, le détenu MORITZ est à ce jour mort. Si nous parlons de mauvais traitements, c’est que le détenu MORITZ n’a jamais été perçus par tous ces services comme un homme et traité en conséquences, mais plutôt comme un détenu systématiquement puni et humilié. A l’indifférence s’ajoute l’incompétence des surveillants et des cadres présents au moment de la catastrophe.

En effet, outre des temps d’intervention extrêmement longs, ne laissant aucune chance au détenu MORITZ, les surveillants ont totalement paniqué. Panique, elle-même révélatrice de personnes non formées au sauvetage d’êtres humains en danger. Des exercices contre le feu ne sont jamais effectués. Les dispositifs anti-incendie d’alerte et de lutte sont inexistants ou inaccessibles rapidement. Personne ne sait qui prévenir, personne ne sait où se trouve la clef du cadenas pour accéder aux dispositifs anti-incendie et personne ne sait où se trouve la clef pour ouvrir les cellules. Les erreurs répétées, l’incompétence, la panique et la négligence ont une fois de plus tué un homme. Le manque d’humanité dont on fait preuve les surveillants, à travers leurs actes et leurs propos, seront abordé dans les plaintes déposés par des détenus présents ou proches de la cellule du détenu MORITZ. Les détails, présents dans tous les esprits seront autant de preuves suffisantes pour servir la vérité, d’autant plus terrible qu’un homme est mort alors que tous connaissaient l’état de fragilité du détenu MORITZ.

Fragile, ne supportant pas l’enfermement, le détenu MORITZ a sans arrêt appelé à l’aide. Sur place, il aurait pu être pris en charge par du personnel compétent. Paradoxalement, les personnels de la Maison centrale de Poissy, censés protéger les individus faibles, se sont acharnés par des mesures disciplinaires inadaptées, arbitraires et inhumaines sur le détenu MORITZ, se transformant donc en bourreau. Loin de tout regret, l’Administration n’a voulu évoquer que sa non responsabilité dans les faits.

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Procureur, nous portons à votre attention les faits tels qu’ils se sont déroulés dans la nuit du réveillon, nuit du 31 décembre 2000 et du 1er janvier 2001. Nul doute que l’Administration pénitentiaire cherchera à se disculper ;il n’en reste pas moins qu’ils sont coupables de négligences maintes fois répétées. D’autre part, aucun voisins ou très peu n’a fait l’objet d’une visite médicale. Aucun détenu n’a été évacué en raison des risques encourus (le feu aurait pu se propager dans le reste du bâtiment). Des fumées toxiques ont envahi certaines cellules sans que l’occupant soit évacué. Le détenu au dessus de la cellule 315 a même failli s’étouffer à cause des fumées dégagées. On lui a ouvert la porte qu’après 1h30. Aucune information n’existe sur les mesures à prendre en cas d’incendie, aucune note n’a été distribué aux détenus sur des conditions éventuelles d’évacuation. Les matériels de lutte étaient trop inaccessibles. L’accident de cette nuit aurait pu être fatal à plusieurs personnes (le feu est un élément échappant à tout contrôle).

Nous souhaitons donc, Monsieur le Procureur, votre intervention afin que seule la vérité persiste. Des exemplaires de cette lettre seront adressés aux hautes instances de la République dont vous, Monsieur le Procureur, aux médias, aux avocats. Des plaintes seront déposées auprès des services compétents par des détenus. La famille de la victime sera également informée. Tout ceci, Monsieur le Procureur, dans un souci de vérité et de respect des droits de l’homme mais également afin d’éviter que de telles négligences ne se répètent plus jamais.

Recevez, Monsieur le Procureur, l’expression de nos sentiments les meilleurs

Les détenus de la centrale de Poissy