L’organisation actuelle des soins en prison est régie par la loi du 18 janvier 94, qui a transféré la prise en charge sanitaire des personnes détenues des services publics pénitentiaires vers les services publics hospitaliers ; l’objectif de cette réforme est d’assurer aux personnes incarcérées, une qualité et une continuité de soins équivalents à ceux offerts à l’ensemble de la population. Cette organisation prévoit notamment la mise en place d’actions d’éducation pour la santé. Dix ans après, le dispositif d’éducation sanitaire en prison laisse un bilan mitigé. Pourtant, la prise en charge des personnes détenues représente un réel enjeu en terme de santé publique : de nombreuses pathologies telles que le VIH et les hépatites - notamment celle due au virus C - sont surreprésentées, la prévalence du VIH-Sida est trois à quatre fis supérieure parmi les personnes incarcérées tandis que le rôle de la santé dans une démarche d’insertion sociale ne fait plus aucun doute.
Une démarche de prévention de soi
La prévention du VIH et des hépatites en milieu carcéral, s’inscrit dans une conception plus large de promotion de la santé qui vise à améliorer le bien être physique, psychologique et social des personnes incarcérées en leur permettant de développer une démarche globale de santé et de préservation de soi de qualité. Au-delà des freins et des limites du dispositif actuel, nous nous attacherons aux perspectives qui peuvent être retenues aujourd’hui en terme de prévention et de réduction des risques de transmission du VIH et des hépatites en prison.
De nombreuses propositions ont déjà été émises, essentiellement pour soutenir le respect du principe d’équivalence dans une approche de santé globale, elles visent notamment la généralisation de l’accès au matériel et aux messages de prévention et de réduction des risques.
Prévention et réduction des risques
En terme de prévention, il est prévu que le CDAG [1] assurent le dépistage des personnes incarcérées ou délèguent cette activité aux unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA). Une rencontre avec un membre de l’équipe médicale est prévue au moment de l’incarcération et donne lieu à une proposition de dépistage, mais le moment de l’arrivée en prison n’est pas toujours le plus propice pour cette démarche.
Il est également prévu que des préservatifs soient accessibles librement au sein de l’UCSA et pour les personnes qui sortent ou qui bénéficient de permissions de sorties. Malgré tous les efforts des équipes, les lieux d’accès manquent parfois de discrétion. Aujourd’hui, il s’agit principalement de permettre l’accès aux dépistages à d’autres moments qu’à l’arrivée en détention, d’élargir l’accès aux préservatifs avec lubrifiant au-delà des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) et du moment de la sortie et des permissions, d’organiser les conditions d’une sexualité qui permettent aux personnes d’envisager d’adopter des mesures de préservation de soi, notamment en généralisant le dispositif d’Unités de Visite Familiale (UVF).
En terme de réduction des risques liés à l’usage de drogues, on constate avant tout une grande disparité, d’un établissement à l’autre ; les Services médico-psychologiques régionaux (SMPR) et les UCSA se partagent la responsabilité de la délivrance des traitements de substitution. Si les traitements en cours peuvent généralement être pursuivis, il n’est pas toujours possible d’initier un suivi en détention. De même, certains établissements ne délivrent que du Subutex ou seulement de la méthadone. Des centres de soins spécialisés aux Toxicomanes (CSST) peuvent assurer le suivi des usagers de drogues, certains assurant une présence quotidienne au sein des établissements.
Il est également prévu que l’eau de Javel à 12 volumes soit distribuée au moment de l’entrée en prison puis tous les quinze jours. Mais sa distribution n’est pas accompagnée de message concernant son utilité et ses limites quant à la désinfection de matériel ayant été en contact avec le sang ; le protocole de désinfection, notamment, n’est pas explicité. Il s’agit aujourd’hui, d’homogénéiser l’accès aux traitements de substitution, d’accompagner la distribution d’eau de javel d’un message clair, de soutenir la mise en œuvre explicite de groupes d’autosupport [2] et la réflexion autour des programmes d’échange de seringues.
D’une manière générale, il est nécessaire de valoriser la coordination des acteurs et la mise en place d’actions de soutien et d’éducation par les pairs qui permettent de délivrer des messages plus proches des préoccupations des personnes tout en valorisant leurs compétences en terme de préservation de soi.
Questionner nos propres représentations
Les freins que rencontre la mise en œuvre de ces actions sont en partie relatifs à la surpopulation pénale, au manque de moyens, au contexte carcéral et à la grande diversité des acteurs concernés (personnes détenues, personnel pénitentiaire, personnel sanitaire, acteurs de la lutte contre le sida, chacun d’entre nous). Ces obstacles soulèvent également des questions plus générales qui mettent en jeu nos représentations respectives des personnes incarcérées, de la santé, de la prison du rôle social de la prison et du rôle du soin en prison notamment en termes d’accès aux droits des personnes détenues. C’est en approfondissant ces réflexions que nous pourrons soutenir le développement d’une politique de prévention et de réduction des risques de transmission du VIH assumée et cohérente.
Malvina Roussin
Chargée de mission "Prisons", Sidaction