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Lettre d’un papy à son petit fils incarcéré

Mise en ligne : 13 juillet 2005

Dernière modification : 7 octobre 2005

Texte de l'article :

Lettre d’un papy à son petit fils incarcéré (reçue sur Ban Public) 

Je joins, ci-dessous, mon approche philosophico-sociale de la justice, pour alimenter ta propre réflexion et peut être celle d’autres personnes.... (la juge !) Je vois que tu es résigné à faire dix ans de prison du fait que tu estimes devoir payer l’infraction que tu as commise, à savoir quelques attouchements dans un moment d’égarement. Payer ses erreurs est une chose, mais à condition toutefois que le prix à payer soit proportionnel à la faute réelle, et non pas l’application bureaucratique d’un barème pénal impersonnel et déshumanisé. Il semble, hélas, à moins que je me trompe, que la justice sanctionne non pas des actes, mais le nom que l’on donne à ces actes, sans tenir compte de la gravité réelle de l’acte lui-même, car un acte de même nature et de même nom peut recouvrir des circonstances délictueuses d’impact et de gravité totalement disparates. Ainsi, le terme « agression sexuelle » va déclencher une sanction en rapport avec le terme lui-même, avec éventuellement des circonstances aggravantes mais, semble t-il, jamais ( ?) des circonstances atténuantes, que cette agression sexuelle soit constituée de simples attouchements sans impact réel sur la victime ou, au contraire, des agressions sexuelles caractérisées sur mineure avec violences physiques ou (et) morales que l’on peut facilement imaginer. Je ne sais pas si la justice s’évertue d’aller plus loin, dans sa manière d’appliquer les peines, que la condamnation pure et simple, au barème prévu pour tel délit donné et dûment répertorié, et condamne ainsi, de la même façon et avec la même sévérité, des délits différents de gravité mais considérés comme identiques en gravité du fait qu’ils portent tous le même nom, bref si la justice condamne tout délit portant le même nom au barème prévu pour le nom de ce délit. Me comprends-tu ? Je veux dire, la justice condamne t-elle de la même façon un acte de pédophilie, quel qu’il soit, au prix, par exemple, de X années de prison, sans tenir compte des nuances et des circonstances de l’acte lui-même, ne tenant compte que du nom du délit et la peine qu’il mérite. Par exemple : pédophilie = tant d’années de prison, point final. (Que l’acte pédophile soit des attouchements furtifs ou des actes accomplis dans un contexte de violence morale et pendant des mois). En effet, ces deux cas, diamétralement opposés dans leurs répercussions et atrocités, portent le même nom et, au niveau des peines, semblent identiques, ce qui offusque toute âme éprise de justice. Il faut constater que les lois répressives, en matière d’agressions sexuelles sur mineures, ont fortement été influencées par la nécessité de décourager les crimes pédophiles hideux, tels que ceux de Dutroux, ou des pédophiles d’Angers, pour ne parler que de ceux-là. Tout agresseur sexuel subit donc, dorénavant, des peines dont la sévérité est une réponse répressive spécifique aux actes de tels monstres ; et, en raison de cela, chaque condamné, en subissant des lois dont la dureté fut motivée par de telles atrocités, paie un peu, ou même beaucoup, pour les actes ignobles de ces barbares... contre lesquelles la meute populaire s’est déchaînée en réclamant, de la part des tribunaux, des sévérités exemplaires. Exigences populaires auxquelles a été très sensible Dominique Perben, en amenant celui-ci à prendre des mesures répressives d’une impitoyabilité larvée envers tout acte qui peut se placer sous la terme « pédophilie » ou agression sexuelle, sans apparemment établir des nuances significatives entre des actes justifiant le même vocable quoique de nature et d’intensité tout à fait disparates. C’est là un aspect de l’application des lois qui révolte forcément tout être épris de justice. On ne punit plus seulement un agresseur sexuel, mais un Dutroux à travers toute condamnation de délit sexuel. C’est du moins ce qu’il me semble et je serais fort soulagé d’avoir une infirmation de ce constat. On se pose légitimement la question : juge t-on encore un prévenu en vue de décourager en lui tout risque de récidive de sa part, en tenant compte, dans ce cas, de son fonds moral et social réels ? Ou, au contraire, tout prévenu ou condamné pour agression sexuelle, même mineure en intensité, doit-il être amalgamé à un Dutroux par des lois dont l’implacabilité a justement trouvé sa raison d’être dans les actes de tels sinistres individus ? Comme si, de nos jours, on ne commettait plus d’agression sexuelle, mais des actes Dutroux, entraînant la nécessite de sanctionner tout agresseur sexuel comme s’il était réellement un Dutroux, la force des lois répressives envers toute agression sexuelle étant inspirée en fonction de criminels du registre Dutroux, car on ne peut le nier, le régime répressif contre les agressions sexuelles, tel qu’il est devenu ces dernières années, est en rapport direct avec les Dutroux qui sévissent un peu partout, et il n’est plus guère possible qu’un condamné pour ce qu’on nomme un crime sexuel, n’échappe dans la sévérité du verdict qu’il subit, à une condamnation sous-jacente à la place d’un Dutroux, puisque justement la dureté des lois qu’il subit a été dictée par de tels individus, comme expliqué en amont. On ne peut contester que la justice soit tissée de bonnes intentions humanistes ; nombre de ses acteurs éprouvent un réel intérêt actif pour la société et désirent sincèrement contribuer à la défendre de ceux qui lui sont hostiles, mais un tel pouvoir que celui qu’ils ont entre leurs mains peut exercer de profondes souffrances, dont la pertinence mériterait bien un débat ! Il ne reste plus qu’à espérer qu’ils jugent et condamnent un prévenu avec, pour seul but, la recherche du plus grand profit pour lui et la société, sans amalgamer, dans leurs réactions répressives, les actes justifiables du même nom quoi qu’ils soient sans commune mesure entre eux ! Par exemple, nous souffrons autant que toi de ton incarcération ; nous aussi nous sommes emprisonnés dans nos insomnies, confinés dans la cellule étroite de notre souffrance, et la détresse que tu ressens en toi s’achemine jusqu’à nous pour nous pénétrer et nous envelopper. La justice ne sanctionne jamais qu’un seul individu, elle frappe aussi, et avec la même sévérité, ceux dont le coeur est rempli d’affection pour le condamné. Ne devrait-elle pas en tenir compte comme s’il s’agissait d’une peine supportée à plusieurs, et en diminuer d’autant la longueur et parfois l’inutile, voire invalidante sévérité ? Même la « victime », ta soeur Cheyenne, chez qui on veut à tout prix découvrir un traumatisme inexistant mais qui justifierait ta peine, est dans la détresse la plus totale en raison de ton absence. O en profite pour tout aire afin de nous la retirer, nous n’avons plus de pouvoir parental, quand surgit une affaire de ce type dans une maison, le procureur est le juge acquièrent tout pouvoir sur l’enfant et les parents sont privés de tout recours contre leurs agissements ! Cheyenne, en effet, ne cesse de gémir, de se lamenter, de s’accrocher désespérément à nous en nous suppliant à chaque instant d’aller te chercher ! Nous sommes devant une enfant qu’on ne peut consoler et qui, réalisant que tu n’es peut-être pas prêt de revenir, laisse se creuser en elle un profond traumatisme aux conséquences bien plus lourdes que l’hypothétique traumatisme de quelques attouchements qu’elle a ressentis comme si anodins qu’elle n’y a jamais fait allusion. Le véritable « traumatisme » de la victime commence maintenant, en raison de ton absence, alors pourquoi la justice se fait elle croire à elle même et aux citoyens que tout sera fait dans l’intérêt des deux parties du cas présent, alors qu’elle est en passe de faire tout l’inverse, et peut-être en toute bonne foi ? Pour sanctionner un traumatisme que tu aurais censément infligé à la victime, le système judiciaire, qui clame son désir de tout faire au mieux des intérêts de l’enfant, va remplacer le traumatisme inexistant de ta soeur par celui de la séparation d’avec toi, séparation qui conduit cette victime non traumatisée par les événements que l’on condamne, à subir un traumatisme qui nécessitera sans doute des soins médicaux et psychologiques sans rapport avec les actes incriminés. Pourquoi une justice au prix de deux injustices ? Cheyenne pleure sans cesse, gémit la nuit, elle est inconsolable et suffoque de désespoir, et ce n’est pas le suivi « psychologique » qui va changer quelque chose à cela. Le vrai traumatisme commence seulement maintenant, il est infligé par la séparation que lui impose la justice, curieusement pour faire payer un traumatisme purement virtuel. Pourquoi détruire la vie d’un gamin comme toi par une condamnation au long cours que tu franchirais sans doute pas, et dont l’issue éventuelle ne peut être qu’une existence gâchée ? Est-ce là la justice ou un système mécanique ou bureaucratique d’application de peines selon un barème pré établi et impersonnel, et qui s’est endurci en vue de faire face à des crimes comme ceux des Dutroux et consorts ! Pour un traumatisme hypothétique qu’il aurait infligé à sa soeur, par des attouchements tabous, ou du moins par des tentatives d’attouchements, on envoie un gamin à peine sorti de l’adolescence, purger une peine exemplaire sur des décrets et lois dont la sévérité est uniquement la réponse à l’émeute populaire (et certes légitime) du public face aux monstruosités qui retentissent trop souvent dans la presse. Or, à cause de cette condamnation, on inflige à la "victime" son véritable traumatisme. Elle aussi paie son lourd tribut, non pas celui que l’on croit, mais celui de l’insoutenable séparation d’avec son frère. Si tu devais subir une longue peine, nous qui te connaissons bien et connaissons la nature profonde des actes qui te sont reprochés, alors nous serions envahis d’une inconsolable détresse et d’un sentiment exacerbé d’injustice à laquelle nous n’accorderions plus crédit. Nombreux, en effet, sont les cas, qui, dans les médias apparaissent, exposant les crimes révoltants d’asociaux ayant exercé sur autrui des turpitudes innommables et qui s’en tirent pour moins que ce qu’on t’a annoncé pour ton délit ! Sans nier les actes que la justice te reproche, ne te laisse quand même pas envahir par un sentiment de culpabilité qui t’honore et qu’on veut rétribuer par une peine irréaliste et hors de propos, alors que d’aucuns sans scrupules, sans remords et sans gêne, voient leurs crimes infâmes faire l’objet d’indulgences insupportables Je le répète, il est pertinent et rationnel, de la part de la justice, de décourager à jamais, chez tout auteur de délits, le moindre désir de renouveler ses actes. Cette exigence est louable et mérite le soutien des justiciables. Pourtant, est-il pour autant nécessaire d’en rajouter, de brûler la maison sous prétexte de la chauffer ? Si la juge savait ta détresse et le désarroi d’actes qui viennent de toi mais que tu ne comprends même pas toi-même, alors il serait superflu de la convaincre que tu es déjà purgé à jamais de toute velléité de la moindre récidive ! Le rôle que la justice est censée vouloir atteindre en te condamnant est donc, en ce qui te concerne, déjà atteint ; l’incarcération a déjà fait son oeuvre définitive en toi, et il n’y aura pas besoin de rappel. En outrepassant ce but par une punition plus sévère que celle que tu as déjà subie, la justice annihilerait tout simplement tout le résultat qu’elle a déjà obtenu et qui, censément, est celui qu’elle prétend rechercher.

Bise Papy.