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Maison d’arrêt de Nanterre : maintenu au quartier disciplinaire en dépit de troubles psychiatriques importants, un détenu s’est donné la mort.

Mise en ligne : 15 avril 2008

Dernière modification : 12 août 2008

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Texte de l'article :

La section française de l’OIP informe des faits suivants :

Maintenu au quartier disciplinaire en dépit de troubles psychiatriques importants, P.A, un jeune polonais de 23 ans, s’est pendu dans la nuit du mercredi 26 au jeudi 27 mars à la maison d’arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine).

P.A avait été placé au quartier disciplinaire, trois semaines auparavant, suite à l’agression d’une surveillante. Il avait déjà tenté de mettre fin à ses jours durant sa détention, mais les médecins ne s’étaient pas opposés à son placement en cellule disciplinaire et n’avaient pas diagnostiqué de problème particulier lors de l’exécution de la sanction jusqu’au mardi précédant le suicide. Ce jour-là, une maladie psychiatrique grave pouvant déboucher sur une procédure d’hospitalisation d’office a été décelée chez P.A. Cependant, le diagnostic étant, selon le service médical, rendu « particulièrement difficile, voire impossible » par le fait que le jeune homme ne parlait pas français et seulement un peu anglais, les médecins ont préféré attendre que celui-ci soit confirmé lors d’un second entretien en présence d’un interprète fixé au jeudi. En attendant, malgré son état, le jeune homme a été laissé au quartier disciplinaire.

Interrogé par l’OIP sur la raison de ce maintien, le directeur de l’établissement reconnaît que « le risque de retournement de sa violence contre lui n’a peut-être pas été suffisamment pris en compte », mais que « si même lui directeur avait reçu des avis lui conseillant de le faire sortir, il n’aurait peut-être pas pris cette décision car le jeune homme « était jugé dangereux » et que « priorité devait être donnée à l’intégrité physique [du] personnel ». « Le risque s’il sortait était la violence sur agent » et « on n’avait pas les moyens d’y faire face », explique la direction. Celle-ci justifie également sa décision par le fait que le quartier disciplinaire est le lieu où P.A pouvait être le plus surveillé.

L’OIP rappelle :

  • les articles D.398 du code de procédure pénale et L.3213-1 du code de santé publique selon lesquels « les détenus atteints [de] troubles mentaux [qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public] ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire ».
  • l’article D.251-4 du code de procédure pénale selon lequel « la sanction [disciplinaire doit être] suspendue si le médecin constate que son exécution est de nature à compromettre la santé du détenu ».
  • l’Etude sur les droits de l’homme en prison de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, rendue publique en mars 2004, rappelant que « le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention » et que la « sursuicidité au quartier disciplinaire implique que les autorités lui substituent d’autres formes de sanction ».
  • le rapport de mission du Professeur Jean-Louis Terra sur la prévention du suicide des personnes détenues, publié en décembre 2003, déplorant le fait que « le placement de personnes détenues au quartier disciplinaire ne [fasse] pas l’objet d’une réflexion suffisante sur l’existence ou non d’une crise suicidaire sous-jacente », et rappelant que « les détenus dont la crise suicidaire prend le masque de l’agressivité ne peuvent pas être mis au quartier disciplinaire sans risquer d’accélérer la progression de leur détresse ».
  • le rapport du Commissaire aux droits de l’homme sur le respect effectif des droits de l’homme en France, rendu public en février 2006, soulignant que « le nombre de malades mentaux en prison pose d’énormes problèmes, tant au niveau de la prise en charge de ces détenus qui sont avant tout des malades, qu’au niveau de la gestion de ce type de prisonniers [notamment lorsque] certaines pathologies donnent lieu à des manifestations de violence » et déplorant « le manque de moyens flagrants de la psychiatrie en prison ».