mardi, 9 décembre 2003
L’avocat est assis derrière sa chaise, avec sa sacoche marron en cuir posé sur la table. Il trifouille des papiers en froncant les sourcils comme pour montrer qu’il est en train de lire avec application. Il me voit, me sourit et me salue. Quand je pense que lui, il vient de dehors, et que après, lorsqu’il aura terminé cette entretien, il retournera dehors. Et pour moi la vie continuera ici avec tous ses problèmes alors que lui, il sera assis dans sa voiture tranquillement. Je l’imagine devant un feux rouge et en train de s’impatienter. Qu’est ce que j’aimerai pouvoir être devant un feux rouge. Etre libre. Quand je pense que je m’enervais, lorsque j’étais libre, quand les feux duraient trop longtemps. Quand je sortirais, je savourerai cet instant de liberté que de rester devant un feu rouge. «
- Bonjour Monsieur Soz !
- Bonjour Maître.
J’aime beaucoup appeler les avocats ‘Maître’ et les juges ‘Monsieur le juge’. Cela me permet de me démarquer par rapports aux racailles de banlieues qui appellent les juges ‘Votre honneur’ à force de regarder des films américains traduits mot-à-mot.
- Donc comment ça se passe ici ?
- Bof... en fait je...
Il me coupe.
- Je comprends, je comprends, je vais tout faire pour que tu sortes rapidement.
Il comprend ? il comprend quoi ? Rien du tout. Il est libre, lui. Il ne peut pas comprendre. Il ne veut même pas m’écouter car il sait qu’il ne pourra rien faire. - Ouais..
Il fouille dans ces papiers.
- Alors, tout d’abord, j’ai vu tes parents que je dois appeler dès que je sors, ils vont bien et font tout ce qu’ils peuvent pour pouvoir venir rapidement au parloir. Ils attendent de tes nouvelles rapidement, ils t’aiment beaucoup tu sais.
- Oui oui je sais...
- Donc voici ce qu’il va se passer : Un expert psychiatre va te rendre visite pour établir un bilan et en déduire si oui ou non tu es dangereux pour la société. Ensuite une éducatrice viendra te voir pour déterminer de ton profil. Ils sont tous les deux désignés par le juge et ce sont ces gens qui sont la clé de ta liberté. Applique toi pour te faire passer pour un ange devant eux !
- Me faire passer..
- Oui enfin on s’est compris.
Même l’avocat me reproche les faits. Je suis sur que toute ma famille m’en veut maintenant. Mais j’espère pas, je ne suis pas assez fort pour tenir seul ici !
Il récupère ses affaires, me serre la main et s’en va.
Retour à la réalité.
Un surveillant me raccompagne jusqu’à ma cellule. Le temps est vite passé ce matin. Il est 11h00 et la promenade est en ce moment, sous ma fenêtre. J’ai une belle vue sur tous ces délinquants, à mon deuxième étage. Sur mon lit est posé la baguette de pain quotidienne, chaques jours, j’essaye de l’économiser mais je n’y arrive pas. C’est tellement agréable de manger, ici. Vivement que ma famille m’envoit un mandat pour que je puisse m’acheter de quoi manger, fumer et surtout : louer la télévision.
Je m’assied, puis décide de créer deux petits carnets, le premier d’amis et ennemis. Et le second de bricolage. Histoire de pouvoir faire le point de temps en temps.
Carnet d’affinités.
Kalidou : Ami, mais se méfier.
Aurelien : Cambrioleur-violeur Ami, ne pas s’en faire un ennemi car il est ‘auxi’, c’est un des détenus qui distribue les repas de cellule en cellule, si je veux deux biscuits secs au lieu d’un, il faut que j’en fasse un ami.
Karim : Ami, généreux en cigarettes
Chef de bande cigarette : Ennemi, à ne surtout pas croiser.
Ca fait un peu vide là ce carnet, mais bon.. Allez, maintenant place au deuxième carnet. On s’amuse comme on peut.
Carnet de Bricolage.
Le yoyo
Materiel :
- 1 savon ou une canette de coca rempli ( pour plus de puissance ).
- 1 tee-shirt ou un drap ( selon la taille du yoyo ).
- Une chaussette.
- Un sac plastique
Utilité : Passer un objet d’une fenetre à l’autre, même si la fenètre se trouve très éloigné. Fabrication : Déchirer le drap, ou tee-shirts en plusieurs lagnières. Les reconstituer de bout en bout comme dans cendrillons ( ou peut-être était-ce blanche-neige ? ). A une extrémité, accrocher une chaussette dans laquelle l’on a préalablement mis le savon. Ce sera le poids. A l’autre extrémité, accrocher le sac. Utilisation : La personne A doit envoyer un paquet de cigarettes à la personne B. A fait tournoyer le savon en sortant son bras de la fenêtre, puis le lache d’un coup sec en direction de la fenêtre de B. B qui avait le bras en attente dehors, receptionne le yoyo. Il tire et au fur à mesure A laisse filer le yoyo puis le sac dans lequelle se trouve le paquet. L’utilisation du yoyo est interdite et équivaut à 3 jours d’isolement, mais les surveillants ferment les yeux pour deux raisons : La tolérance et surtout le fait que grâce à ce procédé, ils n’ont pas besoin de jouer au facteur.
Le yoyo sous-marin
Materiel :
- Lacets de chaussures.
- Une fourchette
- Un preservatif ( non-usagé si possible ).
Utilité : Envoyer un objet à une personne se trouvant dans une cellule de l’autre côté du batiment. Fabrication : lier plusieurs lacets entre eux, il faut que cela atteigne 4 mètres. La largeur du couloir. A une extrémité, y accrocher une fourchette. Laver le préservatif non-usagé. L’accrocher à l’autre extremité. Utilisation : A veut envoyer un bout de shit à B. A se met contre sa porte et lance de toute sa force la fourchette sous la porte. B receptionne, et tire le yoyo jusqu’à avoir le préservatif contenant le trésor.
Variante : Si A se trouve dans une cellule au côté opposé du batiment de B mais pas l’un en face de l’autre, on utilisera le yoyo sous-marin puis l’intermédiaire utilisera le yoyo aérien ( ou le contraire ).
Note : Utiliser des intermédiaire peut s’avérer risquer lorsque le passeur est un grand costaud et que le butin est précieux.