Convaincu que « pour éviter la récidive, le meilleur moyen est l’aménagement de peine » et que se préoccuper de sa santé peut contribuer à favoriser la réinsertion, Éric Martin met en place, au centre de détention d’Argentan, plusieurs formules visant à faciliter des projets de soins. Témoignage.
« Rien n’interdit, dans le code de procédure pénale, de fonder des aménagements de peine ou des sorties temporaires sur un projet de santé ! Nous avons donc mis en place au centre de détention, avec le Spip et grâce au soutien du parquet, divers types de permissions de sortie - pour les personnes qui y sont accessibles - en lien avec la réduction des risques. C’est intéressant car cela permet de raisonner davantage en termes de personnes malades détenues que de personnes détenues malades.
Des personnes condamnées sortent ainsi le matin de la prison pour participer, à Argentan ou Alençon, à des groupes de parole liés aux dépendances, animés par l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, et reviennent le soir. En 2005, nous en avons octroyé une cinquantaine (sur 900 permissions). J’accorde aussi des autorisations de sortie afin que les détenus bénéficient de prises en charge psychologique ou psychiatrique en milieu libre. Cette décision en fait partie d’un constat logistique : à l’Ucsa, ils étaient mis sur liste d’attente et six mois passaient avant qu’ils obtiennent un premier rendez-vous ! Nous étendons de plus en plus ces permissions à diverses consultations externes. Les personnes se rendent ainsi seules à l’hôpital sans escorte pénitentiaire et ne sont pas entravées, c’est moins stigmatisant. À titre d’exemple, je viens de signer 40 ordonnances de permissions pour un détenu afin qu’il bénéficie des séances de kinésithérapie correspondantes dont il a besoin après son opération. Rares sont les incidents. Sans doute, parce que les personnes sont étonnées d’obtenir ce type de permission, qu’on touche à de l’intime, à la santé, et qu’alors un rapport de confiance se noue.
Nous tentons également de développer des formules d’aménagements de peine liés à des projets de soins : suivis en centres de cure ou de postcure, relais en appartement thérapeutique, soins ambulatoires ou avec prise en charge par le secteur psychiatrique du lieu du domicile... Cela exige un lourd travail en amont si l’on veut donner toutes leurs chances aux projets. En tout cas, mieux vaut penser en termes d’aménagement de peine que de suspension de peine pour raison médicale. Car aujourd’hui, vidée de sa substance, celle-ci est en train de mourir de sa belle mort ! »
Florence Raynal