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Novembre 2001 - 2ème recours hiérarchique contre une sanction disciplinaire auprès de la Direction régionale de l’Administration Pénitentiaire de Paris

Mise en ligne : 13 juin 2002

Texte de l'article :

Monsieur le Directeur
Direction Régionale de
l’Administration Pénitentiaire
de Paris
3, av. de la Division Leclerc
94261 FRESNES Cedex

LRAR

 

Boulogne, le 13 novembre 2001

 

Recours hiérarchique contre une sanction disciplinaire du 9/11/2001 - commission de discipline MA Fresnes prise à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM

 

Monsieur le Directeur,

 

Conseil de Monsieur Michel GHELLAM, actuellement détenu à la maison d’arrêt de Fresnes sous le numéro d’écrou 898413, j’ai l’honneur de formuler un recours hiérarchique conformément à l’article D 250-5 du Code de Procédure Pénale à l’encontre de la décision de la commission de discipline du 9 novembre 2001 qui a prononcé une sanction à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM de 6 jours de cellule disciplinaire et révoqué le sursis prononcé le 8 novembre 2001.

La qualification des faits reprochés à Monsieur Michel GHELLAM et retenue par la commission de discipline porte sur un refus de se soumettre à une mesure de sécurité définie par les règlements et instructions de service .

 

A titre liminaire, il convient de souligner que les faits reprochés à Monsieur Michel GHELLAM se sont déroulés alors que celui-ci venait d’être sanctionné par la commission de discipline le 8 novembre 2001 à 8 jours de cellule disciplinaire dont 6 avec sursis.

A l’issue d’une première commission de discipline, Monsieur Michel GHELLAM a pu s’entretenir avec son conseil puis les agents pénitentiaires ont tenté de lui infliger une fouille intégrale consistant en une dénudation complète avec examen de l’anus en le faisant se pencher et tousser.

La demande des services de l’administration pénitentiaire traduit, à ce titre, le peu de considération pour le conseil de Monsieur Michel GHELLAM, dont la prétendue dangerosité a été appréciée après qu’il ait pu s’entretenir avec lui (sic) …

En résumé, un détenu est plus dangereux après un parloir avocat !

L’argument avancé dans le rapport d’enquête concernant les faits, objet de la procédure disciplinaire, est que Monsieur Michel GHELLAM ait eu un parloir avec son avocat pour ainsi justifier le bien fondé de cette fouille intégrale.

Monsieur Michel GHELLAM a naturellement refusé d’obtempérer à un tel traitement inutile, dégradant, inhumain et contraire à la dignité inhérente à la personne humaine.

Pour seule justification de sa décision, la commission de discipline énonce dans sa décision en date du 9 novembre 2001 les dispositions de la circulaire AP 86 12-61 du 14 mars 1986.

Or, cette fouille intégrale au demeurant inutile et humiliante est contraire aux dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, laquelle prohibe de façon absolue, en son article 3, les traitements inhumains et dégradants.

A ce titre, les termes de la circulaire AP 86-12 GI du 14 mars 1986 ne sauraient déroger à la prohibition absolue des traitements inhumains et dégradants énoncés à l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

En tout état de cause, il est jurisprudence constante qu’une circulaire n’a pas de valeur réglementaire et ne peut donc pas s’imposer aux justiciables.

De surcroît, la motivation de la décision du 9 novembre 2001 est éminemment critiquable et doit être censurée.

 

 

Monsieur Michel GHELLAM a justement refusé de se soumettre à une fouille "intégrale" dans la mesure où il se trouvait placé dans une situation contraire à la dignité humaine.

Cette atteinte à l’intimité corporelle de la personne et plus encore sa dignité est contraire à la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au "respect du corps humain", notamment l’article 16-1 du code civil qui énonce que "chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable".

De son côté, le Conseil d’Etat a clairement inséré, dans de nombreux arrêts, aux côtés d’autres principes celui de la dignité.

Je vous rappellerai également que l’article 7 du Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ratifié par la France par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 stipule "Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants".

Concernant les fouilles corporelles, l’article D 275 alinéa 3 du code de procédure pénale, issu du décret n° 85-836 du 6 août 1985, dispose : " les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant l’efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ".

Dans ces conditions, le code de procédure pénale impose impérativement aux fouilles effectuées par les agents le respect des libertés individuelles et surtout expressément le respect de la "dignité inhérente de la personne humaine".

Le concept de dignité s’impose aussi à l’administration pénitentiaire même s’il n’est malheureusement pas admis.

La fouille intégrale et l’exigence du détenu de "se pencher et tousser" porte nécessairement atteinte à l’intimité et la dignité de la personne et constitue l’inadmissible.

C’est pourquoi la commission de discipline de la maison d’arrêt de Fresnes ne pouvait à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM retenir un refus de soumettre à une mesure de sécurité définie par les règlements et instructions de service ni lui infliger une sanction disciplinaire.

Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir réformer et annuler la décision du 9 novembre 2001 de la commission de discipline de la maison d’arrêt de Fresnes.

 

Je profite également de la présente pour vous faire part de mes craintes pour la sécurité de Monsieur GHELLAM dans la mesure où il a déjà fait l’objet dans cet établissement pénitentiaire de Fresnes de graves et cruels sévices en 1993 et 1994 de la part du personnel pénitentiaire.

C’est dans le cadre de mon devoir d’avocat que j’entends vous interpeller sur les traitements cruels et inhumains dont Monsieur Michel GHELLAM fait notamment l’objet depuis son évasion de Clairvaux (sévices corporels, psychologiques, mises en isolement…) dans le cadre de l’exécution de ses peines.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments distingués.

 

 Françoise LUNEAU