Novembre 2002 à Fresnes
En tout premier lieu, je tiens à vous dire que vous faites un travail extraordinaire. Et je peux que vous dire combien je suis admiratif du travail de l’association Ban Public qui veille à ce que les citoyens du pays fondateurs des droits de l’homme sachent qui elles sont les véritables conditions de détention pour les personnes incarcérées. D’autre part, il est bien de dire que les détenus ont du mal à retrouver du travail une fois qu’ils retrouvent leurs libertés. Je ne peux que vous dire merci pour le temps et l’énergie que vous déployez afin d’aider à la réinsertion des personnes comme moi. Car sans vous, les conditions de détention ne seraient pas meilleures et ce serait un véritable calvaire dans cet état de non droit. Donc je peux vous dire que je suis de tout cœur avec vous et j’espère qu’un jour le gouvernement sera tiré profit de vos démarches et du travail que vous faites pour le respect des droits de l’homme.
Je dois vous dire que j’ai lu avec la plus grande attention votre bulletin numéro 1. Déjà je peux vous dire que sur le plan de la sécurité sociale, même si tous les détenus sont systématiquement couverts par les assurances maladie ; il faut que vous sachiez que lorsqu’un détenu est malade et qu’il ne peut pas travailler. C’est que les soins ne sont pas gratuits d’une part et il est extrêmement difficile de se faire soigner en maison d’arrêt étant donné qu’il faut attendre entre un et deux mois pour aller chez le dentiste lorsqu’il y en a un. Or, il se trouve que depuis deux mois, il n’y a plus de dentiste ici. De plus un détenu qui est en arrêt maladie n’est pas payé durant les jours de sa convalescence. Donc entre les droits et la réalité, il y a un immense fossé.
Pour ce qui est du code du travail, il faut savoir que les détenus ne gagnent même pas les cinquante pour cent du SMIC horaire en vigueur alors que la vie en détention coûte excessivement cher et qu’il paye des tas de charges qui vont tout droit dans les poches de la prison. Il y a également le problème du prix des cantines qui sont abusés. Car ils mettent des produits de sous qualités qu’ils vendent du prix fort. Et lorsqu’un détenu n’est pas assisté comme moi. Ce n’est pas avec sa misérable paye qu’il peut manger à sa fin ou se procurer des vêtements ou le nécessaire à l’hygiène. Comme vous le savez, rien n’est gratuit en prison et il faut payer pour tout. Je me demande bien quand est-ce que la France va se mettre aux normes européennes en donnant la télé gratuite et en allouant une somme d’argent mensuelle à ceux qui n’ont rien, car très franchement entre ces murs, c’est la loi du plus fort. Celui qui a de l’argent peut tout avoir et celui qui n’a rien crève la bouche ouverte.
Quant à l’allocation adulte handicapé (AAH), je me dois de vous dire que j’ai un problème à l’avant bras gauche ce qui fait que j’ai perdu en supination et en spination. Ce qui veut dire que je ne peux plus tourner la paume de ma main fasse à mon visage. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que j’ai ma demande d’AAH au début de mon incarcération auprès de l’établissement pénitentiaire avec une assistante sociale. Mais ils m’ont dit que si je pouvais faire du sport et travailler. Je n’ai pas besoin de l’AAH. Pourtant si je fais du sport, c’est pour renforcer mon avant bras gauche et pour ne pas perdre de ma mobilité au poignet. De ce fait, j’ai arrêté mes démarches, mais j’aimerai bien les refaire car je ne peux pas tout faire et je ne sais pas comment faire très exactement étant donné que le service social ne tient pas à m’aider. Peut-être que vous serez me conseiller pour faire mes démarches auprès des services compétents.
D’autre part, il y a un autre sujet qui me tient à cœur. C’est que, dans toutes les prisons européennes, les détenus qui ont une femme ou qui vivent en concubinage, ils aient le droit à des parloirs intimes afin de garder les liens affectifs d’une part et d’autre part, parce qu’ils ne sont pas privés d’amour, mais simplement du droit de se déplacer. Mais ce qui m’intrigue le plus, c’est que depuis quatre ans maintenant, le ministère de la Justice parle de mettre en place des UVF (Unités de Vie Familiale) au sein des centrales et des centres de détention. Or il se trouve qu’ils n’ont toujours rien fait alors que tout le monde sait. Que l’équilibre psychologique du détenu passe par les liens familiaux et par la relation homme femme dans la vie de tous les jours. Je ne peux pas croire que nous ne soyons privés de cet amour essentiel à tout être humain. Mais ce qui est encore plus difficile, c’est pour quelqu’un comme moi qui a bien conscience que l’accès à l’information est du plus difficile. Et bien, malgré tout, j’ai une grande passion pour les jeunes femmes asiatiques et pour l’Asie en général. D’ailleurs, je voudrais tant vivre avec une asiatique et avoir des enfants avec elle mais il s’avère qu’en ces lieux, nous n’avons même pas l’accès aux annonces adéquates pour ça. Mais surtout, on ne peut pas passer d’annonce. C’est comme pour moi, je vais avoir vingt neuf ans au mois de janvier et très franchement, je pense à mon avenir car j’ai envie de former une famille et d’avoir une femme et des enfants. Ici il n’est pas possible d’avoir la libre expression et le moyen de faire la connaissance d’autres personnes. Mais peut-être que toi, tu serais me dire comment je dois faire pour pouvoir avoir la chance de pouvoir rentrer en contact avec une ou plusieurs femmes. De plus, je ne pense avoir besoin de te dire qu’au bout d’un moment, ça commence très sérieusement à peser que de devoir être vingt quatre heures sur vingt quatre heures avec des hommes. Surtout qu’ils ne pensent qu’à une seule chose, c’est de faire le con et de parler tout le temps de la même chose Donc je me permets de vous demander s’il vous serait possible de m’aider dans toutes ces démarches de recherche de l’âme sœur.
J’ai une autre préoccupation. C’est que normalement dans un peu plus de trois ans. Je pourrai faire ma demande de conditionnelle mais il s’avère que j’ai un problème de taille. C’est que pour faire cette démarche, il faut être assister d’un avocat. Et malheureusement, j’ai appris qu’il fallait payer l’avocat car ils ne sont pas commis d’office. Et puis si je n’ai pas d’avocat, il y a de grandes chances pour qu’elle me soit refusé. D’autre part, je ne sais même pas quelles sont les garanties demandées pour pouvoir obtenir cette conditionnelle. Ce qui serait bien, c’est que Ban Public fasse un bulletin sur les permissions de sorties et les conditionnelles afin de nous tenir informer de nos droits. Mais ce n’est qu’une idée.
Maintenant, je pense vous laisser car je ne veux pas accaparer votre temps qui vous est si précieux. De plus, je n’ai pas grand chose à vous dire, si ce n’est que je fais tout pour avoir de l’esprit aussi libre que possible et le plus loin possible de ces murs. Mais je reste à votre disposition au cas où vous voudriez d’autres informations.
Je vous souhaite plein de force et persévérance dans votre lutte et je vous prie de bien vouloir croire en plus sincères salutations.
« Anonyme »