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OIP 2001 : Rapport moral

Mise en ligne : 9 décembre 2002

Texte de l'article :

Observatoire international des prisons pour le droit à la dignité des personnes détenues

Nantes, le 25 mai 2002

La question pénitentiaire est passée de mode. L’enthousiasme réformateur auquel s’étaient livrés sans retenue un ensemble de parlementaires et d’hommes politiques de tous bords est retombé comme un soufflé. Le projet de loi pénitentiaire a été mis au rancart, la lutte contre l’insécurité est devenue une priorité de tous les partis de gouvernement et dans les jours précédent le premier tour de l’élection présidentielle, il ne s’est trouvé personne parmi les candidats crédibles (mais rappelons-nous qu’avant le 21 avril le candidat Le Pen était beaucoup moins crédible que le candidat Jospin) pour se déclarer favorable à une réduction de la longueur des peines.

L’élection de Jacques Chirac, la perspective d’élections législatives dont la préparation sera influencée par le prurit sécuritaire, contribueront à rendre notre action encore plus difficile.

Ces circonstances superficielles ne sont pas de nature à nous décourager. La lutte contre la prison ne sera jamais populaire mais elle retrouvera la place qu’elle mérite aussi rapidement qu’elle a perdue. Cependant, l’arrivée probable d’un gouvernement de droite ne sera pas un obstacle supplémentaire. Au contraire.

Au cours de l’année écoulée, l’OIP a montré sa capacité à dénoncer publiquement des faits d’une extrême gravité survenus en particulier à la Maison d’arrêt de Gradignan. Il a également prouvé sa vigilance dans le domaine de l’exécution des peines où des anomalies illicites ont été révélées et soumises à l’examen des tribunaux administratifs.

Dedans Dehors a publié un dossier sur la situation des malades mentaux en prison qui servira de base à toutes les réflexions à venir sur cette question devenue essentielle.

Les nouveaux statuts adoptés en 2001 instaurent un nouveau type de relations permettant de renforcer les liens entre les groupes locaux et le secrétariat national et d’assurer une bonne coordination des efforts. Désormais, nous disposons d’une structure statutaire solide et cohérente qui va faciliter l’action de ceux, nombreux en particulier chez les jeunes juristes, qui veulent nous rejoindre. Nos permanents ont retrouvé la disposition que ce gros travail, derrière nous, avait diminuée.

Nous avons devant nous de nombreux chantiers mais deux d’entre eux doivent retenir plus particulièrement notre attention.

D’abords, nous devons surmonter des difficultés financières endémiques qui constituent une menace pour notre existence, créent un climat d’incertitude et réduisent nos possibilités d’action. Les solutions ponctuelles mises en place font appel à des contributions individuelles et n’ont pas de caractère durable. L’O.I.P. dispose en droit pénitentiaire d’un savoir-faire d’une grande valeur. Il doit se doter des moyens d’en faire une source de revenus régulière à travers, notamment, un site à péage à créer. En quelques années, grâce à l’action de notre association, l’idée neuve que les détenus conserveraient tous les droits que les juges ne leur avaient pas retirés s’est imposée à tous. De ce fait, l’outil juridique est devenu l’un des moyens les plus sûrs de changer la vie en prison malgré la persistance d’un pouvoir pénitentiaire insuffisamment limité et contrôlé. Si nous parvenons à mettre à la disposition de tous les détenus, de leur entourage et de leurs conseils l’ensemble des informations et des techniques juridiques nécessaires à la protection de leurs droits, nous rendrons un service et nous aurons un financement.

Au-delà de la question financière et des urgences qu’elle génère, nous avons à répondre à l’attente de tous ceux qui, comme nous, récusent le principe même de l’incarcération. Un débat et une réflexion approfondie doivent commencer. Nous sommes armés pour démontrer que la prison ne remplir aucun de ses objectifs mais nous sommes incapables d’affronter l’objection récurrente de ceux qui nous demandent quel sort réserver aux gens dangereux. Nous ne pouvons pas différer davantage l’examen de cette question. Chacun d’entre nous, s’appuyant à la fois sur les données statistiques disponibles ainsi que sur les différentes approches de la notion de dangerosité, doit prendre une position claire et contribuer ainsi, à l’occasion d’une discussion collective enrichie par des apports extérieurs, à une meilleure définition de nos buts.

Nous ne dépendons de personne qui puisse limiter notre liberté de penser. Sachons nous en servir sans craindre aucune audace et sans perdre non plus le contact avec la réalité.

Thierry Lévy