L’un des quatre premiers Centres Educatifs Fermés a été ouvert à Valence au début de l’année 2003. Mais jamais, le débat sur la « punition éducative » n’a été abordé ; certainement pour conforter une notion digne du XIXe siècle. Il nous semble important et surtout nécessaire que chacun d’entre nous se positionne clairement et dénonce activement, d’une part les effets sociaux d’une politique « ultra-sécuritaire » qui s’attaque aux populations les plus fragilisées par « l’insécurité sociale », et d’autre part cette notion de « punition éducative » dont la fonction essentielle est de soumettre ces populations et de leur faire accepter les régressions sociales par la force ou par le « formatage social ».
HISTORIQUE DE L’EDUCATION SURVEILLEE
« Les établissements fermés sont des échecs et des dépotoirs… L’action éducative nécessite pour les plus jeunes du temps, des zones de libertés, elle n’est pas conciliable avec le milieu fermé. »
Rapport du président du Tribunal pour enfants de Paris au Garde des Sceaux ’ 1974
Jacques Bourquin, président de l’association pour l’histoire de l’éducation surveillée et la protection judiciaire des mineurs, nous donne un petit cours d’histoire sur l’ambivalence des politiques à l’encontre de la délinquance des jeunes dans un article intitulé « Jeunes délinquants entre éducation et punition ’ le fantôme des maisons de redressements », paru dans le Monde Diplomatique du mois de juin 2002. Il nous apprend, ou nous rappelle, que depuis « le XIXe siècle toutes les expériences d’enfermement ont échoué » et que « les lois ont oscillé entre peine et éducation, suivant le regard porté sur les jeunes, parfois considérés comme des enfants coupables à punir plutôt que comme des enfants victimes à protéger et à insérer ».
D’ailleurs son article débute par cette interrogation qui est l’axe de « l’intervention auprès des mineurs où la tentation des centres fermés réapparaît régulièrement ». « Quand on parle de protection de l’enfant, s’agit-il de se protéger contre le jeune plutôt que de le protéger lui-même ? ». Et, je rajouterai ne doit-on pas, avant tout, protéger les jeunes de la violence sociale qui sévit et qui s’accentue ces temps-ci ?
Ces divers politiques de l’éducation en milieu fermé à près de 200 ans. En effet, « Dès la Révolution Française, la législation est centré sur la peine éducative » avec l’ouverture en « 1836, dans le souci de séparer les mineurs des majeurs, [qui jusqu’à lors se côtoyaient dans des établissements pénitentiaires] de la maison d’éducation correctionnelle de la Petite-Roquette à Paris ». « Le vœux du législateur de 1791 est réalisé : lier la peine à l’éducation ».
Puis, « l’image de l’enfant pauvre et vagabond est remplacée par celle de l’enfant criminel. En 1860, l’heure n’est plus aux projets d’éducation, il n’y a plus que le châtiment et l’enfermement dans les colonies pénitentiaires publique ». Et le directeur de l’administration pénitentiaire en 1890 dit « Il faut soumettre l’enfant … s’il continue à fauter, c’est que la discipline n’est pas suffisante ».
« La révolte dans la colonie de Belle-Iles-en-Mer, en 1934 sera à l’origine de vigoureuses campagnes de presse et amèneront le législateur à dépénaliser en 1935 le vagabondage des mineurs et à prévoir des mesures d’assistance éducative ». « Et l’ordonnance du 2 février 1945, repose sur la priorité donnée à la mesure éducative sur la mesure pénale, qui reste exceptionnelle. Un pas semble avoir été franchi : il n’y a plus d’ambiguïté entre la peine et la mesure d’éducation ».
Et ce mouvement de balancier entre enfermement et éducation se poursuivra jusqu’à aujourd’hui. En effet, l’année 1958 sont créés les centres spéciaux d’observation de l’éducation surveillée qui fermeront en 1979, en 1970 c’est la création des centres d’observation de sécurité qui fermeront en 1976, en 1997 c’est la création des centres d’éducation renforcée et en 1999 les centres de placement immédiat.
Au moment de la fermeture des centres spéciaux d’observation de l’éducation surveillée en 1979, un rapport d’inspection conclut que « 40 % des mineurs passés dans ces centres auraient pu être observés ailleurs » et témoigne « du danger de l’existence des centres fermés ».
En 1974, c’est un rapport du président du tribunal pour enfants de Paris au garde des sceaux qui conclut que « Les établissements fermés sont des échecs et des dépotoirs … L’action éducative nécessite pour les plus jeunes du temps, des zones de libertés, elle n’est pas conciliable avec le milieu fermé ».