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Billets d’humeur

Prison sans âme ni conscience

Publication originale : 11 août 2010

Texte de l'article :

Ce week-end, un détenu a succombé à la suite de coups violents portés lors d’un affrontement entre plusieurs individus.
Encore une fois, la prison, où la société enferme les gens pour se protéger de leur violence délictuelle ou criminelle pour les rééduquer, pour leur « réinsertion » et où le système est censé faire preuve de sauvegarde de l’être humain, est encore un échec.

Il ne s’agît pas là de jeter la faute sur tel ou tel comportement des uns et des autres mais de plutôt analyser les causes directes et indirectes avant leurs conséquences, de porter un regard depuis l’intérieur ; ni d’un texte moralisateur, étant moi-même pas totalement blanc-bleu.

Mais force est de constater, et cela ne vaut que de ma parole de détenu, un « ancien » dans le jargon taulard, que depuis plusieurs années, la politique judiciaire dans le domaine carcéral (l’Administration Pénitentiaire dépend directement des directives législatives du Ministère de la Justice), de part des privatisations continuelles des divers services gérés autrefois par l’Administration Pénitentiaire, a laissé place à une politique de sécurité des « biens » au lieu de celle des personnes. En ce sens qu’elle a perdu tout contrôle sur la gestion du détenu, comme être humain, pour une gestion d’écrou, des murs et des barbelés. Les services sociaux, de probations, médicaux et scolaires ne communiquent plus entre eux, comme de vrais étrangers. Ce n’est plus le patron qui dirige mais des patrons se connaissant à peine. Le divorce est prononcé pour limiter les frais ; le côté « face » pernicieuse pour une application plus juste des RPE sans rogner le budget. Difficile dans ce cas de définir les besoins de chacun des détenus à titre individuel, socialo-médico-judiciairement parlant.

Elle est loin, aussi, l’époque où les catégories de détenus, selon le profil des dossiers, étaient affectés dans les mêmes ailes d’un bâtiment, dans des sections « réservées ». Aujourd’hui, tout le monde se mélange aux uns aux autres, en toute liberté intra-muros et cela conduit forcément à des clashs violents, des rackets, des dominations, des coteries et à un homicide, dimanche, par lynchage. Et demain, des pendaisons publiques en cours de promenade ?

A cela, l’Administration Pénitentiaire répond par une répression immédiate sans autres procédures en amont pouvant amener à conclure que la tension se ressentait. La création, il y a quelques années, du GROUPE ERIS ; (http://prison.eu.org/spip.php?page=...), en est la preuve et son moyen légal d’intervenir en interne en tenue de combat, façon GIGN. Difficile de me faire admettre que ce genre de moyen est dissuasif lorsque l’on sait que, par exemple d’actualité, que même les cars de CRS ne le sont pas dans les cités. Bien au contraire, ils « encouragent » à la haine, à la violence et à la vengeance. La prison est vraisemblablement la seule cité de non-droit, l’expression d’une réalité extérieure.

L’autre raison imputable aux causes de tant de violence, ce sont les mentalités corporatives du détenu qui se sont dégradées et pour ainsi dire éteintes au fil du temps, au grand désarroi de toutes les autres parties. Les voyous, les vrais avec leur mental, sont en voie de disparition, place aux délinquants sans morale, ni mental. Aujourd’hui, l’effet de groupe prédomine ; le voyou n’est plus « un » mais un amalgame hétéroclite de délinquances diverses où chaque élément constitutif peut se perdre, cacher sa personnalité derrière les autres, la masse, de manière à lui éviter des désagréments ou que l’on s’attarde trop sur son propre dossier, sur le réel motif de son incarcération. Tant qu’il suit la vague, il fait partie de la caste, on ne se pose pas de questions. Et ne me parlez pas de fraternité communautaire ! C’est fini l’époque du soutien traditionnel entre membre d’une même communauté. Aujourd’hui, la coutume c’est un prêté pour un rendu, avec intérêt d’usure. Si t’as besoin de rien, demande, sinon sors les cantines !
La règle actuelle est la pratique de la soumission par la domination, le harcèlement moral, des plus faibles…. « faible » parce que seul, par choix ou pas. On accepte facilement de son pote des « ouêch bâtard » pour se dire bonjour, mais venant d’un autre, d’un proscrit, c’est une réelle déclaration de guerre, tout comme le fait de refuser de prêter son briquet ou de jeter une gamelle sous une fenêtre.
L’effet de groupe l’emporte aussi dans les règlements de compte. Fini le tête à tête entre bonhommes, nous sommes à l’ère du 10 contre 1, au minimum 2 contre 1, en guet-apens !

Maintenant, prenez cela, mettez le tout dans un shaker et voyez le goût, je vous en donne la couleur : une famille endeuillée pleure aujourd’hui un enfant, un fils, un frère, un père, un mari, puni par la justice et guillotiné par les « siens » !

Je compatis sincèrement à la douleur de cette famille qui n’aura plus la joie de revoir son enfant le sourire aux lèvres, le jour de sa libération, franchissant les portes de la liberté !



         Le 11 Août 2010 à St Mihiel,
         Michel SERCEAU-FILIPPEDDU
         Michel-ZonzonBD@hotmail.fr