Programmes construction-rénovation
1. Des établissements pénitentiaires vétustes et dégradés
Sur les 187 établissements pénitentiaires en France aujourd’hui en fonctionnement, 109 ont été construits avant 1920, dont 23 -qui accueillent encore environ 2800 détenus-, avant 1830.
- 43 ont été construits depuis 1984
- 22 entre 1961 et 1983
- 13 entre 1912 et 1960
- 108 sont antérieurs à 1912
Seuls 55 établissements construits ou entièrement rénovés depuis 1968 satisfont aux normes actuelles de détention. Il représentent la moitié de la capacité actuelle du parc.
Afin de répondre à la vétusté du parc pénitentiaire et à l’accroissement de la population carcérale, l’administration pénitentiaire a fait un effort important de modernisation puisqu’elle a fait procéder à la fermeture de 30 établissements vétustes ou inadaptés et à la construction de près d’une quarantaine d’établissements depuis le début des années 90. Entre 1989 et 1992, 25 établissements ont été construits, destinés à créer 13.000 places supplémentaires. "Le poids de l’histoire, la volonté d’occulter la prison, des crédits budgétaires toujours insuffisants parce que jamais prioritaires ont abouti, au fil des ans, à ce qu’au sein du parc pénitentiaire français, coexistent des établissements majoritairement vétustes, dégradés ou mal adaptés à leur mission, avec d’autres établissements, bien rénovés ou récents, qui offrent aux personnels et aux détenus des conditions de travail ou de vie bien différentes". Les crédits d’entretien et de rénovations n’ont jamais été suffisants pour faire face aux besoin.
Résultats : des établissements qui se dégradent.
Aujourd’hui, plus de la moitié des établissements se caractérisent par des structures traduisant des conceptions pénitentiaires dépassées et inadaptées aux régimes modernes de détention. "45 établissements sont installés dans des anciens couvents ou des casernes désaffectées. Ces bâtiments ne répondent pas aux exigences imposées par le code de procédure pénale en matière de conditions de détention : encellulement individuel des prévenus, locaux devant répondre aux exigences d’hygiène, notamment en ce qui concerne le cubage d’air, l’éclairage et l’aération, fenêtre suffisamment grandes pour permettre de lire et de travailler à la lumière naturelle et de faire entrer l’air frais" (rap.Sénat).
Extrait des rapports parlementaires (juin 2000)
La liste d’établissements, dont la fermeture est projetée, est loin de contenir tous les établissements qui devraient être fermés.
Ainsi, la maison d’arrêt de Mont-de-Marsan est dans un état tel que sa fermeture apparaît comme la seule solution viable. En effet, le programme des travaux indispensables s’élève à plus de 7,5 millions de francs, d’où la conclusion émise par la députée qui en a effectué la visite : « d’un avis général et de façon évidente pour toute personne qui entre dans ce lieu, il n’existe qu’une seule solution aux conditions déplorables de travail pour le personnel et de détention pour les prévenus : la fermeture de ce lieu. De multiples autres constatations du même ordre ont été opérées par les membres de la commission d’enquête :
- conditions d’accueil inacceptables des détenus masculins à la maison d’arrêt de Nancy où existent encore des dortoirs de 16 places dans lesquels les détenus s’isolent par des serviettes de bain.
- inadaptation des locaux de la maison d’arrêt de Compiègne, humides et détériorés, où existent des cellules surpeuplées avec jusqu’à onze lits et une surface moyenne de 3,8 m² par détenu !
- importance des travaux nécessaires à Auxerre (chauffage, murs d’enceintes)
- vétusté particulièrement marqué du quartier de semi-liberté de Belfort
- vétusté de la maison d’arrêt de Chartres dotée de cellules exiguës et surpeuplées où les travaux en cours ne permettront qu’un encloisonnement « partiel » des WC !
A la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis.5 millions de francs ont dû être débloqués dans la loi de finances pour 2000 afin d’assurer la protection des personnes au pied des façades qui s’effritent par bloc. Selon les informations obtenues par la commission d’enquête, le programme de rénovation de cet établissement a été chiffré à 1,55 milliard de francs, soit autant que sa reconstruction après seulement 30 ans d’existence ! Cet exemple illustre les effets d’une maintenance insuffisante...
Les conditions de détention qui ont été constatées dans la maison d’arrêt de Basse-Terre en Guadeloupe, ont conduit les membres de la Commission d’enquête qui s’y sont rendu à saisir sans attendre le garde des sceaux afin d’attirer son attention sur l’urgence qu’il y a à porter remède à des conditions d’enfermement proprement inhumaines.
Les détenus, en l’absence totale d’activité sont confinés 20 heures par jour, dans des cellules très mal aérées, sans aucune possibilité de s’asseoir ou de s’attabler. Les dortoirs peuvent comprendre jusqu’à 12 lits superposés, les cours de promenade y sont exiguës, se réduisant pour l’une d’elle à un sombre corridor. Le fonctionnement de l’unité de soins y est également alarmant. Lorsque des locaux, par nature utilisés 24 heures sur 24, tout au long de l’année, accueillent un nombre de détenus bien supérieur à leur capacité, leur usure sera vite considérable. Ceci explique, pour une part, que l’état de dégradation constatée n’épargne pas des établissements relativement récents.
La maison d’arrêt de Bois-d’Arcy construite en 1980 qui connaît des problèmes de maintenance très importants, a accueilli pendant les 10 premières années de son fonctionnement environ 1 500 détenus alors que sa capacité n’est que de 550 places. La cause principale de ce bilan réside dans le fait que les crédits d’entretien n’ont jamais été d’un montant suffisant pour faire face aux besoins, d’autant qu’aucun programme de maintien à niveau des immeubles n’a été mis en oeuvre de 1940 à 1964. Le faible montant des crédits obtenus pour l’entretien des bâtiments est constant. Selon l’estimation de l’administration pénitentiaire, le déficit de maintenance peut être évalué à 140 millions de francs par an, c’est à dire 2 milliards de francs pour les quinze dernières années. Cette pénurie budgétaire est aggravée par les insuffisances criantes en personnels techniques chargés de l’entretien et qui encadrent les détenus effectuant des travaux de maintenance dans le cadre du service général.
(Rap. A.N)
Les crédits destinés à rénover le parc existant ont de nouveau été réduits à partir de 1987 afin de mobiliser les ressources financières au profit du programme 13 000, amplifiant le retard d’entretien des bâtiments et leur mise en conformité au regard des normes techniques et sanitaires.
Le rapport de la Cour des comptes de 1991 sur la gestion du patrimoine immobilier du ministère de la justice a dénoncé le faible niveau des crédits du titre III consacrés à l’entretien des bâtiments. En 1998, ils s’élevaient à 57 francs par m2 pour le parc classique contre 120 francs par m2 pour le parc 13 000. Une étude menée par la société Ingérop a évalué à 133 francs par m2 le coût de la maintenance du patrimoine pénitentiaire.
En conséquence, les crédits du parc classique sont essentiellement consacrés à une maintenance corrective alors que ceux du parc 13 000 sont utilisés à 60 % pour une maintenance préventive.
L’augmentation des moyens financiers destinés à l’entretien des bâtiments ne sera efficace que si l’organisation humaine de la maintenance est revue sérieusement.
Il apparaît donc urgent de lancer une réflexion sur le rôle des personnels techniques en fonction des options de gestion retenues.
En effet, si la maintenance continue d’être assumée en régie directe, un effort important de recrutement devra être accompli.
Si l’entretien est externalisé, il faudra plutôt former les personnels techniques au contrôle des actions menées par des entreprises privées chargées de la maintenance.
(Rap. Sénat)
Gestion publique Gestion déléguée
D’une manière générale, la visite des établissements à gestion publique laisse une impression d’abandon : les peintures sont écaillées, les grilles rouillées, le matériel dégradé n’est pas remplacé, les cours sont en terre battue ou bétonnées, il n’y a pas d’espaces verts. Seuls les quartiers des femmes tranchent dans cette grisaille. Les cellules sont parfaitement nettoyées et en très bon état malgré la surpopulation, les sols sont lavés, même les oeilletons des portes sont briqués.
En comparaison, certaines maisons d’arrêt à gestion déléguée constituent un modèle en matière de maintenance. Certes, elles sont plus récentes puisque leur construction a débuté en 1989. Toutefois, la délégation a visité d’autres établissements datant de la même époque qui étaient déjà dégradés. C’est notamment le cas du bâtiment D des Baumettes, construit en 1989. Des infiltrations d’eau sont régulièrement constatées sans qu’il y soit remédié, un contentieux opposant l’administration et l’entreprise qui a assuré les travaux. En réalité, les établissements à gestion privée disposent de deux atouts : des crédits de maintenance suffisants, gérés par des professionnels en nombre suffisant. Par conséquent, non seulement les travaux sont réalisés sans délais, mais ils sont également planifiés. L’introduction de la gestion déléguée s’est par ailleurs révélée un facteur très positif, malgré les réticences de départ. La plupart des intervenants entendus par la commission d’enquête ont souligné les avantages de la gestion déléguée : le ministère de l’économie et des finances a dû tenir compte du coût réel de l’entretien et de la maintenance des établissements et dégager les moyens nécessaires. Ainsi, M. Jean-Luc Aubin, secrétaire général de l’UFAP, a déclaré qu’" à l’usage, c’est une bonne chose et la gestion déléguée a apporté un plus aux établissements pénitentiaires. C’est incontestable. Il a fallu le faire admettre au personnel pénitentiaire et à l’ensemble des gens qui intervenaient comme une petite révolution. Après presque 10 ans de fonctionnement, l’équipe du privé est très bien intégrée et personne n’entre plus dans ce débat idéologique de la privatisation. " De même, M.Michel Beuzon, secrétaire général du syndicat national pénitentiaire FO-Personnels de direction, a reconnu que " ce programme a été très controversé, alors qu’aujourd’hui, le bilan de fonctionnement est satisfaisant. (...) Que ce soit sur la maintenance et l’intendance pour le fonctionnement des cuisines, nous avons beaucoup appris sur le fonctionnement et le partenariat privés. "
(Rap. Sénat)
2. Les programmes de construction
La programmation de la rénovation des prisons existantes et de la construction de prisons nouvelles est très en deçà des besoins réels.
a/ Le programme "4000"
Le 27 juillet 1999, la Garde des Sceaux, Elisabeth Guigou a annoncé une nouvelle fois la construction de six prisons. Déjà annoncé, prévu et engagé sous le gouvernement Balladur lors du lancement du plan pluriannuel pour la justice, ce programme est insuffisant compte tenu du surnombre de détenus.
Dans la suite du programme « 13000 » d’Albin Challandon (1987-1991) qui a vu la construction de 25 établissements à gestion mixte, le programme engagé sous le gouvernement Balladur par Pierre Méhaignerie avec la loi du 6 janvier 1995, programme « 4000 » (1995-1999), comportait trois volets. Sur 6 ans, 3 milliards ont été alloués à la construction de nouveaux établissements.
-La construction de deux maisons centrales à effectifs réduits (120 places) d’un coût de 220 millions de francs. Leur mise en service prévue en 1998, a été repoussée à l’an 2000.
-La construction de 4000 places de détention avec 6 nouveaux établissements (1,9 milliards). Les maisons d’arrêt de Lille (Sequedin, 645 places), de Toulouse (Seysses, 605 places) et le centre pénitentiaire d’Avignon (Le Pontet, 610 places) ne pourront entrer en service qu’en 2002. Quant aux trois autres établissements - le centre pénitentiaire de Liancourt (600 places), les maisons d’arrêt de Meaux (Chauconin-Neufmontiers 600 places) et de Toulon (La Farlède, 600 places) - leur mise en service est prévue en 2003.
Le budget 2000 consacre 150 millions de francs pour financer le solde des opérations prévues par la loi de programme 1995.
Compte tenu des fermetures d’établissement, le solde net de places crées avec la construction de 6 nouveaux établissement sera de 2545 places supplémentaires.
-La construction de 1200 places de centre de semi-liberté. D’un coût de 200 millions de francs, cette réalisation devrait s’échelonner entre 1998 et 2000 à un rythme dépendant de celui des acquisitions des terrains ou des immeubles nécessaires à leur création.
b/ Un nouveau programme de construction
Entre 1996 et 1998, 4 nouveaux projets ont été lancés : un centre de semi-liberté à Lyon et trois centres pénitentiaires dans les départements d’outre-mer (centre de Baie Mahault en Guadeloupe, de Ducos en Martinique et de Remiré-Montjoly en Guyane). Lors de la discussion de la loi de finances pour 2000, Le Garde des Sceaux a annoncé la construction d’un nouvel établissement à la Réunion et la fermeture de celui de Saint-Denis à l’horizon 2002-2003. La loi de finances rectificative pour 2000 a dégagé 800 millions de francs en autorisation de programme pour la construction de trois nouvelles prisons dont une à Lyon et une autre à Nice. Le Garde des Sceaux a annoncé le remplacement des prisons de Nice et de Lyon (Saint Paul et St Joseph) compte tenu de leur état.
Résumé de la programmation des constructions d’établissements pénitentiaires
10 établissements seront fermés, leur remplacement intervenant d’ici 2003 : Lyon (St Paul et St Joseph), Nice, Meaux, Melun, Avignon, Toulouse, Toulon, Saint-Denis de la Réunion, Liancourt.
Entre l’achèvement du programme "4000" et la nouvelle programmation du garde des Sceaux, la construction de dix nouveaux établissements est prévue :
Six établissements doivent être livrés en 2002 - 2003 :
- MA de 645 places dans le département du Nord sur le territoire de la commune de Sequedin (Lille)
- CP de 610 places dans le département du Vaucluse sur le territoire de la commune du Pontet (Avignon)
- MA de 605 places dans le département de la Haute-Garonne sur le territoire de la commune de Seysses (Toulouse)
- CP de 605 places dans le département du Var sur le territoire de la commune de La Farlède (Toulon)
- CP de 600 places dans le département de l’Oise sur le territoire de la commune de Liancourt - MA de 605 places dans le département de Seine-et-Marne sur le territoire de la commune de Choconin Neufmontiers (Meaux)
La construction de 4 autres établissements a été programmée :
- Un établissement dans le département de la Réunion
- Un établissement dans le département du Rhône en remplacement des prisons de Lyon,
- Un établissement dans le département des Alpes-Maritimes en remplacement de la maison d’arrêt de Nice
- L’implantation du 4ème établissement reste à déterminer (entre les régions de l’Ouest, du Nord et la région parisienne).
A ce jour, la capacité de ces 4 établissements n’est pas définie.
3. La rénovation et l’entretien du parc actuel
Deux programmes de réhabilitation-restructuration ont été prévu par le Garde des Sceaux :
- Un programme de rénovation des 5 plus grandes maisons d’arrêt (qui regroupent 19% des détenus avec un taux d’occupation de 110%) sur quatre ans : Fleury-Mérogis, Fresnes, la Santé, Les Baumettes, Loos, dont le coût est estimé à 3,4 milliards de francs. 50 millions de francs ont été inscrits dans le loi de finances 2000.
- Un programme de rénovation du reste du parc classique visant à remettre aux normes techniques le patrimoine immobilier et à réaliser des aménagements destinés à garantir l’hygiène, la sécurité et la dignité des conditions de détention. Son coût a été estimé à 3,2 milliards de francs par un cabinet d’audit. "On ne peut manquer de s’interroger sur ce montant comparé au 1,6 milliards nécessaire à la rénovation de la seule prison de Fleury-Mérogis. Cette évaluation ne concerne pas les 5 grandes maisons d’arrêt, ni les établissements du programme 13000 ni l’Outre mer ; il n’inclut donc pas la rénovation ou la construction d’un nouvel établissement à Basse-Terre. 15 établissements ont déjà été ciblés pour pouvoir procéder à des travaux urgents et une enveloppe de 70 millions de francs est inscrite au budget d’équipement pour 2000. A ce rythme, il faudrait des dizaines d’années pour procéder à la rénovation du parc".
(Extrait du rapport de l’Assemblée Nationale, 2000)
Le coût d’une rénovation : 13 milliards de francs
Selon l’étude de la société Ingérop, le coût total de la rénovation des établissements pénitentiaires (à l’exclusion des cinq grandes maisons d’arrêt) s’élève à 3,32 milliards de francs. Ce montant ne comprend que les améliorations et remises en état et n’intègre pas le coût de l’encellulement individuel. La rénovation des cinq grands établissements est évaluée à 3,5 milliards de francs. Par ailleurs, le coût de l’encellulement individuel est estimé à 6,2 milliards de francs selon le calcul suivant : le parc actuel comporte 39.000 cellules. Il doit être augmenté de 12.500 cellules pour permettre l’encellulement individuel des prévenus. Le coût moyen d’une cellule est de 500.000 francs. Au total, le montant des autorisations de programme du titre V nécessaires à la rénovation des établissements pénitentiaires se monte à 12,9 milliards de francs. Parallèlement, les crédits de fonctionnement (titre III) des établissements pénitentiaires doivent également être augmentés puisqu’aujourd’hui, l’administration n’est pas en mesure d’assurer correctement l’entretien et la maintenance de son parc immobilier. Celle-ci devrait consacrer la somme de 133 francs par m2 pour ce genre de dépenses, soit environ 300 millions de francs par an en tenant compte de l’entretien des cinq grandes maisons d’arrêt. Le tableau ci-après montre que les crédits affectés à la maintenance, malgré une hausse sensible, sont loin d’atteindre cette somme.
Dépenses de maintenance au titre III19951996 1997 19981999
Entretien immobilier 80.098.830 80.098.83096.760.000122.901.367119.749.595
Contrats de maintenance29.658.898 29.716.04234.367.16736.364.03238.678.079
Total109.757.728 109.814.872 131.127.167159.265.399158.427.674
Il apparaît ainsi que près de 150 millions par an supplémentaires seraient nécessaires pour assurer l’entretien correct des établissements pénitentiaires.
(extrait du rapport de la Commission d’enquête du Sénat, juin 2000)