Proposition 3 : "Libérer les mourants"
par Bernard Kouchner [1]
COMBIEN de malades en fin de vie croupissent en prison ? Combien de grabataires ? On ne peut ignorer ces souffrances, parfois non soulagées. La maladie ne peut servir de punition ou de rédemption. S’entêter contre les détenus malades ne sert en rien la sécurité.
La loi du 4 mars 2002 [dite loi Kouchner, NDLR] leur permet pourtant d’obtenir une suspension de peine. Comme dans tout pays civilisé, cette loi prévoit que les détenus bénéficient d’"une qualité et d’une continuité des soins équivalant à ceux offerts à l’ensemble de la population". Egalité devant la souffrance ! Nous savions que les personnes atteintes de sida, les cancéreux et autres "phase terminale" ne pouvaient être pris en charge en prison. Nous avons voté, à la quasi-unanimité des deux Chambres, pour qu’ils soient soignés ailleurs.
Deux commissions médicales indépendantes statuent sur les demandes des détenus dont le « pronostic vital est en cause ». Elles se sont prononcées pour la sortie de Maurice Papon et de Joëlle Aubron. Je n’avais pas à m’y opposer. Constituaient-ils une menace pour l’ordre public ? Non.
Plus de 150 détenus ont pu, grâce à ces dispositions, bénéficier des conditions de traitement nécessaires. Et voilà que l’Assemblée veut revenir sur cette loi ! L’acharnement répressif du gouvernement est pathétique. Sommes-nous encore le pays des droits de l’homme ? Si oui, libérez les mourants !
Source : Le Nouvel Obs