Le Sénat a adopté hier le projet de réforme pénale, après en avoir substantiellement modifié le contenu. Résultat : des avancées importantes mais aussi de nets reculs auxquels il appartient désormais à la commission mixte paritaire de remédier.
Parmi les avancées, l’OIP salue la disparition de l’extension exorbitante des mesures de contrôle et de surveillance que l’Assemblée avait souhaité imposer aux sortants de prison (géolocalisation, écoutes téléphoniques, surveillance judiciaire accrue, supervision de l’exécution des peines par des représentants du préfet ou de la police, etc.) Susceptibles de porter atteintes aux libertés fondamentales, ces mesures étaient en outre de nature à aboutir à des stigmatisations et des pressions pouvant mettre en péril les processus de réinsertion.
L’OIP se félicite également de la simplification des dispositifs de suspension de peine ou de remise en liberté pour raisons médicales, avec notamment la prise en compte du critère de la santé mentale, la suppression de l’exigence d’une double expertise et l’extension de ce dispositif au-delà des seules personnes dont « le pronostic vital est engagé ».
Si le sort des personnes condamnées à des longues peines reste désespérément absent du projet, l’OIP accueille avec satisfaction l’intégration du placement extérieur parmi les mesures probatoires à une libération conditionnelle pour les longues peines. Ce dispositif qui combine hébergement, accompagnement social et aide à l’insertion professionnelle est le plus adapté aux personnes les plus désocialisées.L’OIP salue en outre l’initiative du Sénat d’avoir fait un premier pas pour sortir d’un système où la prison est la seule peine de référence en faisant de la contrainte pénale la peine principale pour certains délits. Il est fortement déplorable cependant qu’il ait, dans le même temps, cantonné son champ d’application aux délits passibles de cinq ans d’emprisonnement. Ce nouveau retour en arrière entame la cohérence de cette peine qui, bien qu’applicable à des délits de moindre importance que le sursis avec mise à l’épreuve (qui concerne tous les délits), est conçue comme plus contraignante.Les sénateurs ont par ailleurs introduit une confusion sur les champs de compétence respectifs du milieu associatif et des services pénitentiaires d’insertion et de probation en ouvrant la possibilité aux associations d’assumer l’évaluation et le suivi des personnes condamnées à une contrainte pénale : si la société civile a un rôle fondamental à jouer dans la socialisation des condamnés, elle ne saurait en revanche se substituer au travail des professionnels qui doivent être formés pour proposer une prise en charge et un suivi complet et adapté à la situation de chacun. Il ne saurait être question de privatiser l’exécution des peines.Par ailleurs, en proposant de revenir aux dispositifs prévus par la loi pénitentiaire de 2009 en ce qui concerne les aménagement de peine, les sénateurs ont certes allongé les possibilités d’aménagement ab initio (pour les peines allant jusqu’à un an pour les récidivistes et deux ans pour les autres), mais ils ont ce faisant réintroduit la distinction entre délinquants primaires et récidivistes. Il s’agissait pourtant d’une avancée essentielle dans l’approche de la désistance. L’OIP rappelle que la multiplication des obstacles à l’individualisation des peines des condamnés en récidive nuit à leur sortie de délinquance : ce sont eux au contraire qui ont le plus besoin d’un suivi personnalisé et adapté à leurs problématiques.Enfin, en rejetant la proposition de sa commission des lois de supprimer la rétention de sûreté, le Sénat a raté un rendez-vous important, reléguant encore une fois à un futur incertain la réalisation de cette promesse présidentielle.
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