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Réinsertion en prison ou l’école de la haine

Mise en ligne : 12 janvier 2004

Dernière modification : 28 décembre 2010

Texte de l'article :

Réinsertion : (nf) Action de réinsérer
Réinsérer : (vt) Insérer de nouveau ; Réintroduire quelqu’un en particulier dans un groupe social

 « Réinsertion » quel grand mot que celui là pour un futur condamné. Nous l’entendons, tout le temps de la procédure : par la police (ou gendarmerie), le procureur, le Juge d’Instruction, le Juge du tribunal correctionnel ou le Président de la cour d’assise. C’est le mot magique dans notre société employé par des gens soit disant bien pensant : ministre de la justice, de l’intérieur et autres. Mais ce mot employé dans leur bouche n’est là que pour cacher le désintéressement complet du sort futur d’un détenu. Il y a beaucoup d’associations militant et de débats à la télévision ou dans les médias, mais tous évitent de parler de la réinsertion. Ils parlent de beaucoup de thèmes sur la prison : la surpopulation carcérale, le manque d’effectif du personnel pénitentiaire et d’autres sujets, mais pas du plus important la réinsertion. Car la réinsertion d’un détenu devrait dans notre société passer en priorité, et non le fait de savoir combien ils sont en cellule ou s’il manque du personnel. Les médias parlent souvent de la récidive d’anciens détenus, mais c’est une suite logique aux conditions de détention et du système carcéral qui ne permet pas une bonne réinsertion sociale. En prison, il n’est mis en place qu’un système qui favorise la récidive, nous ne sommes pour eux et la justice qui se désintéresse complètement de l’après jugement, de futurs clients potentiels. Car il ne faut pas oublier qu’un établissement carcéral n’est qu’une entreprise publique qui fonctionne sur les impôts des gens et qu’il faut qu’elle soit rentable. D’où l’apparition de certaines prisons privées, ou semi privées qui fonctionnent avec des capitaux privés où tout est hors de prix. Le mot réinsertion à une valeur certaine quand nous sommes hors des murs d’une prison, mais une fois à l’intérieur il n’existe plus, on pourrait penser que la détention n’a pas ce mot dans son dictionnaire ou son vocabulaire.

Je vais vous parler en toute franchise, et même si cela doit me retomber dessus, de ma détention, depuis que j’ai été jugé, dans trois établissements pénitentiaires. Je fus jugé en Juin 2000 à 9 ans de prison, actuellement il me reste 3 ans et 8 mois à faire.

Du 21 juin 2000 au 26 mars 2001 à la maison d’arrêt de R…

Je suis rentré avec soulagement le 21 juin 2000 à la maison d’arrêt de R…, après avoir passé 2ans ½ dans l’angoisse de l’attente de mon jugement. Cela est une épreuve supplémentaire dans le cycle de la procédure judiciaire, avant le jugement. J’ai eu à faire à un exemple du surveillant qui, malheureux dans sa vie ou dans sa peau, profite de son statut et du notre, pour être un tortionnaire moral et physique. Ses exactions sont de toutes natures : privation de repas, de laver sa cellule, son linge, insultes, mais le pire c’est que lui seul peut décider de privé un détenu de parloir, pour son bon plaisir. Quand on sait ici l’importance d’un parloir, il faut imaginer la réaction que cela peut provoquer au fond de soi. Il a agit envers moi pendant trois mois, malgré mes rendez-vous et courriers au directeur pour me plaindre de son comportement. Il fut même inquiété par a direction et la police, suite à des coups porté à un de mes amis, avec des bleus sur le corps de la taille d’un gros œuf, de la tête au pied. Mais il a fallut que le 14.09.2000, je dépose plainte pour que ce surveillant pendant un laps de temps fût écarté de tous contacts avec les détenus. Ma plainte fut entendue par le doyen des juges d’instruction, après avoir été déboutée par le Procureur de la République. La fin de l’instruction a été eu lieu le 12.09.2003, trois ans après mon dépôt de plainte. C’est fou comment la justice peut être longue dans le cas où c’est un détenu qui porte plainte contre un représentant de l’administration pénitentiaire. Cela aurait été l’inverse, je serais passé en comparution immédiate et pour la moitié de ce que j’ai subi, j’aurai pris entre un an et deux ans. Selon mon avocat, il n’y aura pas de suite donné à l’affaire, alors que nous sommes plusieurs à avoir déposé plainte contre ce surveillant. Mais j’ai décidé de ne pas m’arrêter ici, je ferai appel, cassation et si cela n’aboutit pas, j’irai jusqu’à la Cour Européenne. Le pire, c’est qu’il y a eu une confrontation, et que le seul argument qu’il a eu pour se défendre, « c’est que si j’ai déposé plainte contre lui, ce n’est que parce que je veux lui soutirer de l’argent et que je suis anti-sémite, vu ses origines juives ». Si je comprends bien, tout ce qu’il m’a fait subir et aux autres, il l’explique par une question de racisme envers lui. C’est fou comme il peut se défendre, car j’ai appris comme les autres ses origines le jour de la confrontation. Pour me faire comprendre que je n’aurais pas du porter plainte contre un surveillant, on m’a transféré, alors que j’ai toute ma famille à R…, à la maison d’arrêt de N… Alors que j’avais vu le sous-directeur la veille de mon transfert qui m’avait assuré que j’allais au centre de détention de N…

Du 26 mars 2001 au 26 septembre à la maison d’arrêt de N…

L’arrivée dans ce nouvel établissement était emprunt de colère envers l’administration pénitentiaire qui c’était encore une fois joué de moi, comme avec le surveillant en couvrant ses exactions. J’ai commencé par partager la cellule avec trois autres détenus, mon lit était par terre et la promiscuité était quotidienne. Ensuite, une place en cuisine me fut proposée, je l’acceptais pour m’occuper et surtout pour enfin avoir un vrai lit. Cela ne dura pas bien longtemps avant que mon passé avec le surveillant me rattrape. Cela je le ressentis par le discours que me tenait le chef des cuisine, qui, pour lui, mon acte est le pire. Alors ce qui devait arriver arriva, on me déclassa des cuisines comme un chien, sans respecter les lois qui régissent le travail en prison. On me signifia mon déclassement du jour au lendemain, alors que le règlement impose une mise à pied et un passage au prétoire pour confirmer la sanction ou pas, là rien. Je me suis retrouvé à cinq détenus en cellule. J’avais perdu par la même occasion ma rentrée financière. J’ai donc encore une fois été dans l’obligation de faire valoir mes droits en déposant un recours auprès du tribunal administratif pour faire annuler ce déclassement. J’attends de passer dans les mois qui viennent.

Je finirai la fin de mon témoignage dans un autre courrier, pour des raisons personnelles et pour éviter de refroidir les gens à lire mon récit en longueur…

Franck