? retour à la case prison ?
10 décembre 2005
Journée mondiale des droits de l’homme
Parce qu’ils ont à connaître les conditions de vie imposées aux personnes privées de liberté, différents acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire ont décidé de se mobiliser, partout en France, dans le cadre de la journée mondiale des droits de l’homme, le samedi 10 décembre 2005. Ils sont magistrats, avocats, surveillants, travailleurs sociaux, militants des droits de l’homme. Tous, vous invitent à un « retour à la case prison »...
Cette démarche est initiée par plusieurs organisations professionnelles ou structures associatives : Conseil national des barreaux (CNB), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (SAF), Emmaüs France, Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP), Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI), Fédération des associations réflexion action prison et justice (FARAPEJ) et Observatoire international des prisons (OIP).
? Le samedi 10 décembre 2005, dans le cadre de l’opération « retour à la case prison », plusieurs dizaines de députés et sénateurs exerceront leur droit de visite au sein des prisons françaises. Le soir, dans le cadre d’une conférence-débat régionale où interviendront magistrats, avocats, personnels de l’administration pénitentiaire et militants associatifs, chacun d’entre eux viendra restituer publiquement les constats auxquels il aura procédé le jour même. D’une même voix, ils réclameront l’instauration d’un contrôle extérieur et indépendant des prisons. ?
La journée du 10 décembre 2005 se déroulera en trois temps...
1 / FAVORISER L’ACCÈS À L’INFORMATION DES PERSONNES DÉTENUES
? La journée des droits de l’homme : en 1950, l’Assemblée générale a invité tous les États et toutes les organisations internationales concernées à célébrer le 10 décembre de chaque année la Journée des droits de l’homme. Cette journée marque l’anniversaire de l’adoption en 1948, par l’Assemblée, de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Depuis 1997, à l’occasion de cette date symbolique, l’Observatoire international des prisons (OIP) - organisation non gouvernementale qui agit en faveur du respect du droit à la dignité des personnes détenues - suscite une démarche de solidarité citoyenne avec les personnes privées de liberté. Cette action, qui se veut concrète et publique, prend généralement la forme d’une diffusion d’ouvrages au sein des bibliothèques des prisons françaises - guides ou rapports - qui sont ainsi mis à la disposition de l’ensemble de la population détenue.
?Que va-t-il se passer ce samedi 10 décembre 2005 ?
Dans la matinée, l’ensemble des bibliothèques des prisons recevront par voie postale deux ouvrages de l’OIP, le Rapport 2005 sur les conditions de détention en France (paru le 27 octobre 2005) et le Guide du prisonnier 2004 (dont les bibliothécaires nous demandent fréquemment d’assurer le réapprovisionnement), ainsi que les Actes du colloque « Pauvreté, exclusions. La Prison en question »organisé par Emmaüs France et l’OIP France le 12 Février 2005. Au total, près de 4500 exemplaires de ces documents seront ainsi mis à disposition des personnes détenues.
2 / LES PARLEMENTAIRES EXERCENT LEUR DROIT DE VISITE DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
? L’opération « retour à la case prison » : la loi du 15 juin 2000 a institué la faculté pour les parlementaires de visiter les établissements pénitentiaires. Initiée en 2004 par différents acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire, l’opération « retour à la case prison » vise à mobiliser députés et sénateurs en les invitant à exercer ce droit de visite qui participe au contrôle effectif et à l’évaluation de l’institution carcérale.
?Que va-t-il se passer ce samedi 10 décembre 2005 ?
Dans chacune des régions françaises, tout au long de la journée, des parlementaires - députés ou sénateurs, élus ou non de la région - se présenteront devant les portes d’un ou plusieurs établissements pénitentiaires. Ils seront invités à visiter les différents quartiers de détention (homme, femme, mineur, etc.), à rencontrer les personnes détenues (en détention ordinaire, au quartier disciplinaire ou au quartier d’isolement) mais aussi les personnels (surveillants et travailleurs sociaux) et les intervenants (étudiants du Génépi, visiteurs, etc.). La journée ayant pour objectif de sensibiliser l’opinion à la nécessité d’instauration d’un contrôle extérieur et indépendant des prisons, les élus seront invités à s’enquérir auprès de leurs divers interlocuteurs de l’effectivité des contrôles exercés par les dispositifs existants (magistrats, commission de surveillance, etc.).
Vers un contrôle extérieur des prisons ?
A la suite de l’émotion suscitée par la révélation, en mai 1999, de faits graves survenus à la maison d’arrêt de Beauvais, plusieurs associations (OIP, syndicat de la magistrature, syndicat des avocats de France, ACAT, GENEPI, etc.) ont adressé le 14 juin une « lettre ouverte aux parlementaires ». Que demandaient ces professionnels du monde judiciaire et ces militants des droits de l’homme ? La première revendication, qui portait sur l’octroi d’un droit de visite des parlementaires dans les prisons de la République, a été consacrée par la loi du 15 juin 2000. la seconde revendication consistait à instaurer en France un contrôle extérieur et indépendant des prisons. Répondant à cette demande, le garde des Sceaux de l’époque, a chargé, en juillet 1999, un groupe de travail dirigé par Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, d’étudier les manières d’améliorer le contrôle extérieur des prisons. Remis le 6 mars 2000, le rapport a pour principales conclusions :
· la nécessité d’élaborer une loi pénitentiaire (missions de l’administration pénitentiaire, statut juridique du détenu, conditions générales de détention) ;
· l’uniformisation des règlements intérieurs par catégorie d’établissements pénitentiaires,
· la mise en place d’un contrôle extérieur et indépendant :
1. un " contrôle général des prisons " indépendant, confié à un contrôleur général assisté d’un corps de " contrôleurs des prisons " ; ce contrôle général aurait pour compétence le contrôle des conditions générales de détention, de l’état des prisons, de l’application du statut des détenus, des rapports entre administration et détenus, des pratiques professionnelles et de la déontologie des personnels pénitentiaires, de leur formation, de l’organisation et des conditions de leur travail, de l’exécution des politiques pénitentiaires ;
2. un corps de " médiateurs des prisons " organisé, à l’échelon des régions pénitentiaires, dans des services régionaux de médiation pénitentiaire et réunis, à l’échelon national, dans une " Conférence des médiateurs " élisant un président ; les médiateurs auraient pour compétence le traitement des requêtes déposées par les détenus, relatives à des différends les opposant à l’administration ;
3. des " délégués du médiateur des prisons ", citoyens bénévoles réunis dans un comité élisant son président ; ces délégués auraient pour compétence l’observation des conditions de détention et l’" intermédiation " dans les relations des détenus avec l’administration pénitentiaire.
En juin 2000, à l’issue des travaux de leurs commissions d’enquête sur les prisons françaises, le Sénat et l’Assemblée nationale ont souhaité l’instauration d’un tel contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. En avril 2001, à l’unanimité, les sénateurs ont voté une proposition de loi visant à la création d’un contrôleur général des prisons. Le projet de « loi pénitentiaire » élaboré par le ministère de la Justice en 2002, intégrait une telle disposition.
Cette proposition de loi votée par le sénat est depuis juillet 2002 sur le bureau du président de l’Assemblée nationale. Une telle réforme a fait l’objet de multiples propositions de loi ou dépôt d’amendements depuis cette date. En mars 2004, au terme de son étude sur les droits de l’homme en prison, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, a également rappelé la nécessité de mettre en oeuvre les préconisations de la commission Canivet. Enfin, la France a signé le 16 septembre 2005 le protocole facultatif à la convention contre la torture des Nations unies. Elle doit désormais ratifier ce texte qui prévoit que des inspections régulières et inopinées des lieux de détention seront menées par deux organismes. L’un sera international et composé d’experts sous l’autorité des Nations unies, l’autre sera français et composé de personnes qualifiées, indépendantes du gouvernement.
3 / LES ACTEURS DU MONDE JUDICIAIRE ET PÉNITENTIAIRE ET LES PARLEMENTAIRES TÉMOIGNENT DE LA PRISON D’AUJOURD’HUI
? La prison, parlons-en ! : périodiquement dénoncées par les instances internationales, européennes ou nationales, les conditions de détention dans les prisons françaises viennent de faire l’objet de nouvelles et vives critiques. « Les prisons françaises sont parmi les pires d’Europe », a estimé Alvaro Gil-Robles, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’issue de sa visite en France en septembre. Les professionnels de la justice et du monde carcéral, les personnes concernées de près ou de loin par la détention ou, plus largement, les citoyens préoccupés par le respect des droits de l’homme seront invités à prendre la parole.
Que va-t-il- se passer ce samedi 10 décembre 2005 ?
En soirée, dans le cadre d’une conférence-débat régionale où interviendront magistrats, avocats, personnels de l’administration pénitentiaire et militants associatifs, chacun d’entre eux viendra restituer publiquement les constats auxquels il aura procédé le jour même. D’une même voix, ils réclameront l’instauration d’un contrôle extérieur et indépendant des prisons.
Conditions d’hygiène déplorables, surpopulation, taux de suicide élevé... Le rapport de l’Observatoire international des prisons (OIP), rendu public jeudi 20 octobre 2005, fait état de conditions de détention qui se sont aggravées au fil des ans. Une dégradation qui, selon l’organisation non gouvernementale, « ne doit rien à une fatalité qui résulterait de la dangerosité des personnes qui y sont détenues. Elle résulte de choix politiques qu’il serait honnête d’assumer comme tels ». Au 1er octobre 2005, la population carcérale était de 57 163 détenus pour une capacité d’accueil de 51 144 places, soit une densité de près de 112 %. Un taux à mettre en parallèle avec l’augmentation du nombre des incidents collectifs qui a crû de 155 % en cinq ans. L’OIP note une disparité des soins médicaux et une inadaptation des soins psychiatriques, qui ne permet pas d’assurer correctement la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiques, une population qui augmente d’année en année. D’après l’OIP, l’emprisonnement des usagers de drogue accroît leur vulnérabilité sociale. Selon une étude de 2003 sur la mortalité des sortants de la maison d’arrêt de Fresnes, le risque de décès par overdose des 15-35 ans serait multiplié par plus de 120 par rapport à la population générale. L’offre de travail en prison s’est, elle aussi, réduite de près de 30 % ces cinq dernières années. Seul un tiers des détenus exercent une activité rémunérée. Même constat pour les formations générales qui, selon l’OIP, frisent l’indigence, notamment en matière de lutte contre l’illettrisme. Concernant la préparation à la sortie de prison, le rapport souligne que « la prise en charge des sortants continue de se faire a minima » et que « la prison demeure un facteur de précarisation sociale et partant de récidive ».
... les acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire se mobilisent
Organisations participant à l’opération « retour à la case prison »
Conseil national des barreaux (CNB), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (SAF), Emmaüs France, Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration Pénitentiaire (SNEPAP), Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI), Fédération des associations réflexion action prison et justice (FARAPEJ) et Observatoire international des prisons (OIP).
Coordination nationale « retour à la case prison »
OIP : 01 44 52 87 90
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