Santé en prison : un rapport accablant du Comité d’éthique
Un plaidoyer pour changer le regard de la société sur l’univers carcéral.
Il y a aujourd’hui en prison sept fois plus de suicides que dans la population générale, et 20 % de malades mentaux sous les verrous, dont 8 000 atteints d’une psychose avérée et 4 000 schizophrènes.
« C’EST l’avis le plus solide mais aussi le plus accablant jamais délivré par le Comité d’éthique », a prévenu en préambule le président du Comité consultatif national d’éthique, (CCNE), le professeur Didier Sicard, en rendant hier le rapport sur la santé et la médecine en prison. « C’est une interpellation vive et précise du retentissement de l’incarcération sur la santé physique, mais aussi mentale des détenus, souvent passée sous silence. »
Dossier explosif s’il en est puisque la France a été condamnée tout récemment par la Commission nationale consultative des droits de l’homme en 2006 pour non-respect élémentaire de la personne en prison. Ce sont d’abord les plus vulnérables qui sont incarcérés. Ils appartiennent à une population jeune, marginalisée, pauvre et désinsérée sur tous les plans. Près d’un tiers des 85 000 entrants (pour l’année 2005) est toxicomane, 10 % vivent dans un domicile précaire, 5 % sont sans abri, plus du quart a quitté l’école avant 16 ans, plus de 15 % sont illettrés.
Mais surtout, le Comité d’éthique insiste sur le fait qu’il y a aujourd’hui sept fois plus de suicide que dans la population générale, (122 en 2005 mais 950 tentatives) et qu’il y a 20 % de malades mentaux sous les verrous - 8 000 atteints d’une psychose avérée et 4 000 schizophrènes. Alors que ces personnes ne sont absolument pas à leur place dans un tel lieu et qu’elles mettent en péril la sécurité et la santé de leurs codétenus. Elles devraient bien évidemment bénéficier de soins en hôpital psychiatrique.
Certes, la politique massive de fermeture des lits a provoqué cette défausse massive. « Mais il y a aussi une réticence croissante de notre société à accepter de soigner les personnes ayant commis des infractions par déraison », analysent les « sages ». Ils insistent aussi sur la surpopulation carcérale, source de promiscuité intolérable (quatre détenus dans 9 m² et une seule toilette), mais aussi responsable de l’exposition des plus faibles à la violence des codétenus, de la difficulté d’accès aux soins d’urgence, de la mise à mal du secret médical, en un mot du non-respect de la personne. Ils stigmatisent le recours au menottage pendant les consultations médicales et l’hospitalisation, « traitement inhumain et dégradant, mettant en péril la relation de confiance entre le médecin et le malade ».
Manque de formation
Ils s’interrogent aussi sur le manque de formation des surveillants à qui l’on confie un rôle auquel ils ne sont pas préparés. « Leur souffrance et la perte de sens de leur métier ne sont pas assez prises en compte et comprises », relèvent-ils. Du côté des infirmiers et des médecins, les rapporteurs soulignent leurs difficultés, partagés qu’ils sont entre leur rôle de soignants et leur appartenance au monde carcéral obsédé par la sécurité et dont le seul souhait est que le médecin soit un prescripteur de psychotropes. Pour avoir la paix et le silence.
« Une opinion publique, sensible aux seuls impératifs sécuritaires, finit par méconnaître le fait que la sécurité passe plus par un traitement carcéral digne des personnes que par l’indifférence, le mépris ou la vengeance », concluent les « sages ».
Source : Le Figaro