La critique TV de télérama du 09/06/2012
3T
Infatigable arpenteur des territoires d’ordinaire dérobés au regard, mais qui en disent long sur l’état de notre société, Didier Cros signe une mise à nu cinglante du système carcéral français, de la lâche relégation dans laquelle la République oublie, sans vrais moyens et sans vraie réflexion sur la délinquance, la misère, le chômage, la maladie, détenus et gardiens.
Cros, c’est sa patte, filme là où d’habitude la caméra ne s’immisce pas. Par indifférence ou parce que la loi s’y oppose. Après avoir poussé les portes d’un cabinet de recrutement pour son formidable La Gueule de l’emploi, il est parvenu, fait unique dans le documentaire, à s’inviter un an durant entre les murs du centre de détention de Châteaudun.
Sans commentaire, riche de ces plans jamais anecdotiques qui attestent l’infinie présence aux autres du réalisateur, le film dévide le quotidien du personnel pénitentiaire, racontant aussi, par ricochet, les parcours des détenus, saisis de profil ou de dos. Loin de tout manichéisme, Didier Cros montre le dénuement parallèle des deux univers : celui des condamnés en quête de réinsertion, mais que l’illettrisme, la violence enracinée, l’âge ou les troubles psychiatriques semblent condamner ; celui des surveillants, socialement stigmatisés, peu considérés et qui s’escriment à gérer au moins mal l’indigence. Par menues touches, le film explore les inévitables zones de recouvrement : l’incursion de la bienveillance, la solidarité, l’inquiétude de voir l’autre sur le point de sombrer, l’humanité pas encore tarie. Jusqu’à la sidérante scène finale, qui prouve que l’habit ne fait pas forcément le salaud. Esquissant une salutaire réflexion sur la prison que la société se veut. — Marie Cailletet
Sous surveillance a reçu le Fipa d’argent, catégorie grands reportages, à Biarritz en 2012.
Marie Cailletet