ACP N°62 - ARPENTER le champ pénal
5/11/07
Lettre d’information sur les questions pénales et criminologiques
5ème année
Directeur de la publication : Pierre V. Tournier
Les comptes du lundi. Prisons. « Communiquer » ne suffit pas, il faut agir...
D’après les dernières données dont nous disposons, la situation de la population sous écrou pourrait être celle-ci au 1er décembre 2007 (France entière) : de 67 000 à 68 000 personnes sous écrou, environ 2 000 condamnés placés sous surveillance électronique fixe et environ 350 condamnés en placement à l’exterieur (sans hébergement pénitentaire). Soit de 64 500 à 65 500 personnes détenues. Et ce pour 50 700 places opérationnelles dont 1 500 non occupées. On peut donc prévoir un nombre de détenus en surnombre de 15 300 à 16 300, pour 12 000 au 1er octobre.
Le maximum historique du 1er juillet 2004 (64 813 personnes sous écrou dont 63 652 détenues) serait donc largement dépassé dès cette année.
Une telle évolution pourrait donner, après une baisse attendue en décembre, un effectif de 70 000 personnes sous écrou au 1er avril 2008.
Debattre d’une grande (sic) loi pénitentiaire dont l’objectif déclaré par le président de la République et la Garde des Sceaux, est de permettre à notre pays de respecter ses engagements internationaux en appliquant les nouvelles règles pénitentiaires du Conseil de l’Eupore (adoptée le 11 janvier 2006) devient alors un exercice de haute voltige politique [1]. « Communiquer » ne suffit pas, il faut agir, en appliquant les recommandations du Conseil de l’Europe sur « le « surpeuplement des établissements pénitentiaires et l’inflation carcérale » (30 septembre 1999) et sur « la libération conditonnelle » (24 septembre 2003).
* Rappel : Règle européenne 18.5. - « Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus. »
* Règle 18.6 - « Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter ».
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- 2. Chose lue dans Le Monde daté du 30 octobre 2007, p.27 à propos du documentaire « Prison à domicile » de Philippe Borel : « Ne passez pas par la case prison. [ l’auteur] revient sur le bracelet électronique équipant aujourd’hui 21 000 détenus qui purgent leur peine inférieure à douze mois - à leur domicile ».
Remarques :
1/ Il ne s’agit pas nécessairement « d’un bracelet », le dispositif pouvant être mis à la cheville ;
2/ Ils sont 2 071 sous PSE fixe au 1er octobre et non 21 000.
3/ ils ne sont pas « détenus » mais « placés sous écrou »,
4/ Ils purgent une peine d’un an ou moins ou un reliquat de peine d’un an ou moins.
5/ le dispositif n’est pas nécessairement placé au domicile du condamné.
6/ Par ailleurs, le titre de la brève est mal venu : « Ne passez pas par la case prison ». Le placement sous surveillance électronique fixe nécessitant une procédure d’écrou, il est nécessaire « d’y passer ! ». On peut aussi être placé après un temps de détention. Sans parler de la distinction entre placement fixe et placement mobile (GPS).
PVT
*** LE CRIME EN KIOSQUE ***
- 3. - Lettre du Centre de ressources sur l’histoire des crimes et des peines de l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire (Agen). Dans cette nouvelle lettre, le CRHCP nous invite à découvrir, entre autres, un nouveau parcours thématique consacré à Charles Lucas (1803-1889) et qui s’appuie sur les oeuvres numérisées de cet avocat, partisan de l’abolition de la peine de mort, considéré comme l’un des fondateurs de la science pénitentiaire en France au 19e siècle.
http://www.enap.justice.fr/pdf/1193405029newsletter_crhcp_09-07.pdf
- AJ-Pénal, n°10/2007, Octobre 2007. Avec un dossier sur « L’effacement des condamnations : peut-on encore parler de droit à l’oubli ? ». Contributions de Martine Herzog-Evans, Sylvie Grunwald, Virginie Bianchi, Eric Serfass. ajpenal@dalloz.fr
- Benoît Bastard et Christian Mouhanna, « Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales », Coll. Droit et Justice, PUF, 2007, 199 pages, 20€.
- Maurice Cusson, Benoît Dupont et Frédéric Lemieu, « Traité de sécurité intérieure », Editions Hurtubise HMH, 2007, www.crime-reg.com/tsi
- Frédéric Perri, Carrières criminelles dans le milieu marseillais, Edi Livre, 2007, 328 pages, 18,50€
- Laurent Mucchielli, Géraldine Bouchard, Véronique Le Goaziou, Paul Mignon, Jean-Marie Renouard et Delphine Saurier, « Gendarmes et voleurs », Editions L’Harmattan, collection Sécurité et Société, 2007, 312 pages, 26€.
- Hélène Bellanger, « Vivre en prison. Histoires de 1945 à nos jours », Paris, Hachette Littératures, 2007.
"Entrer en prison, c’est être confronté aux bruits, aux odeurs, à l’humiliation des fouilles, à la promiscuité. C’est perdre son identité pour devenir un numéro d’écrou ou un porte-clefs. Le choc carcéral, la perte des repères usuels sont ressentis, tant par les détenus que par les surveillants. Le système pénitentiaire français date de 1945, si l’enfermement n’a pas changé depuis lors, la réalité des prisons françaises a en revanche beaucoup évolué au cours des soixante dernières années. Le recul de l’arbitraire et l’humanisation progressive des conditions de détention sont indéniables. A la Libération, une réforme humaniste initiée par des résistants et des déportés qui avaient connu les prisons de Vichy, tente de promouvoir la réhabilitation progressive du détenus. Et la transformation profonde de la condition pénitentiaire au cours des années 1980 s’effectue après que la privation de liberté,
soit devenue la peine suprême. A l’heure où une nouvelle loi pénitentiaire est en discussion, la prison se retrouve au coeur de contradictions intenables. Outils d’amendement et de réinsertion, rempart contre la récidive, elle se révèle criminogène, déshumanisante et désocialisante, elle est confrontée à une incarcération de masse qui sert à justifier la construction de nouvelles places... De quelles histoires nos prisons sont-elles le produit ?" [présentation de l’éditeur]. L’auteure peut être contactée directement pour une présentation de son ouvrage : helene.bellanger@sciences-po.fr
- 4. - Un moteur de recherche pour mieux connaître les lois. Message de Dominique Barrela, magistrat : « Nul n’est censé ignorer la loi », tel est le célèbre adage martelé dans la tête des citoyens. Or, de plus en plus nombreux, les textes - plus de 8 000 lois et de 110 000 décrets en vigueur, sans compter les arrêtés, circulaires...- sont régulièrement modifiés et empilés, sans qu’une codification générale et accessible ait été mise en place.
Sur ce terreau naissent l’incertitude juridique, la bureaucratie, l’incompréhension et fleurissent les clercs du droit censés expliquer la loi aux citoyens tels des oracles.
A force de côtoyer au cours de ma vie professionnelle des citoyens perdus dans le labyrinthe du droit et des professionnels du droit déplorant un climat d’insécurité juridique, l’idée m’est venue avec une équipe d’informaticiens de mettre en place un moteur de recherche juridique gratuit.
Nous avons ainsi finalisé depuis un an et demi un moteur de recherche juridique : www.ejustice.fr Entièrement gratuit, il peut être très utile à tous car on ne peut écarter l’application d’une loi sous prétexte d’ignorance : citoyens confrontés à un problème de droit, professionnels du droit, associations, étudiants, chercheurs....
Classé premier moteur de recherche juridique français en volume de recherche, il permet de rechercher des textes, des définitions juridiques, de la jurisprudence, de la doctrine, des avocats, des tribunaux. Il propose également une recherche dans la presse sur les thèmes juridiques. Les recherches peuvent porter sur toutes les branches du droit : social, pénal, commercial, civil, etc.
Essayez-le en lançant une recherche sur un sujet sur lequel vous voulez avoir des informations - par exemple : loyer, licenciement pour faute, PACS, divorce, successions... et faites-moi part de vos remarques et suggestions. La démocratie commence en effet par l’accès à l’information et la transparence : alors accédez au pouvoir de la connaissance par un clic !
http://lajustice.blogs.liberation.fr/barella/2007/10/wwwejusticefr-u.html
- 5. - La psychanalyse. Points de vue pluriels. Coordonné par Magali Molinié, Editions Sciences Humaines, collection « Ouvrages de synthèse », 400 pages, 25 euros.
Une discipline en perpetuel débat . Encensée ou critiquée, la psychanalyse conserve en France un fort pouvoir d’attraction. Conjuguant des points de vue pluriels, le présent ouvrage explore la discipline tant dans ses dimensions historiques, sociologiques que dans ses contenus théoriques et cliniques. Il s’organise en quatre parties : 1. Les débuts de l’invention freudienne et ses prolongements actuels. 2. Les grandes propositions de la discipline (l’interprétation du rêve, l’inconscient, l’Œdipe), ses champs d’application (la prise en charge des névroses, la psyhanalyse de l’enfant, la clinique familiale), ses grandes figures (Mélanie Klein, Françoise Dolto, Jacques Lacan). 3. Les définitions que donnent les psychanalystes de leur discipline, la manière dont ils la défendent face aux attaques dont elle est l’objet, les mises en garde qu’ils lui adressent eux-mêmes. 4. La place qu’occupe la psychanalyse dans la société ( à l’Université, dans la culture, l’édition...)
Ont contribués à cet ouvrage : Tierry Bonfanti, Pierre Henri Castel, Maia Fausten, Alain Gibeault, Roland Gori, Didier Houzel, Serban Ionescu, Jean Laplanche, Alain de Mijolla, J-D. Nasio, Roger Perron, Michel Plon, J.-B. Pontalis, Elisabeth Roudinesco, Serge Tisseron, Michel Tort et Daniel Widlöcher.
*** PARIS, RIVE GAUCHE, RIVE DROITE ***
- 6. - PARIS. Jeudi 29 novembre 2007. 19h - 21h. Conseil d’administration de l’association Tétra « Criminalité, délinquance, justice : connaître pour agir ». Réunion ouverte à tous. Sous la présidence de Pierre Pélissier, délégué national.
Ordre du jour proposé
1°/ Election du représentant légal de Tétra. Candidature enregistrée : Alexis Saurin.
2°/ Election d’un responsable des finances
3°/ Examen de la situation administrative des membres du CA et éventuelles nominations de nouveaux membres (art. 10 et 15 des statuts)
4° / Discussion sur le 1er thème abordé dans le texte présenté lors de l’AG, par Alexis Saurin : « Le constat d’une recherche criminologique sous dimensionnée ».
5°/ Questions diverses.
- Lieu : Au siège de la FARAPEJ, 66 / 68 rue de la Folie Régnault, Paris XIe (métro Père Lachaise).
* Contact : pierre.pelissier@club-internet.fr
*** CELA SE PASSE EN FRANCE ***
- 7. - PARIS. Jeudi 13 décembre 2007. 9h - 16h30. « La prison se réforme » (sic) 4èmes rencontres parlementaires sur les prisons présidées par Philippe Houillon, député du Val d’Oise (UMP) et Marylise Lebranchu, députée du Finsitère (PS), ancienne Garde des Sceaux. Programme provisoire :
Table ronde n°1 - « Réduire la population carcérale en limitant la détention provisoire ».
Table ronde n°2 - « Préparer la réinsertion par le travail et la formation ».
Table ronde n°3 - « Les réformes en cours ».
- Lieu : Maison de la Chimie, Paris.
* Contact : Agora Europe, 3, rue des caves du roi, 92 310 Sèvres.
*** A l’EST ***
- 8. - RAPPEL. COLMAR. Vendredi 9 novembre 2007. 20h30. « Réformes pénales et pénitentiaires. Nicolas Sarkozy avance à vive allure, mais vers quoi ? » Conférence de Pierre V. Tournier, organisée par l’association « Espoir ».
- Lieu : Koïfhus, salle de la Décapole, 29, Grand rue à Colmar.
* Contact : www.association-espoir.org,
gabrielle@association-espoir.org
- 9. - METZ. 8, 9, 10 novembre 2007. « Qualifier / requalifier des lieux de détention, de concentration et d’extermination". Colloque organisé par le Centre de recherches sur les médiations, UFR Sciences humaines et Arts, Université Paul Verlaine-Metz. Sous la responsabilité scientifique de Béatrice Fleury et Jacques Walter.
Jeudi : Histoires et mémoires du camp de la Neue Bremm (de 1943 à nos jours)
Vendredi : Problématiques en émergence
Samedi (matin) : séminaire sur la poursuite du programme de recherche.
- Lieu : Salle de séminaire de la MSH Lorraine.
* Contact : crem@univ-metz.fr
*** INTERNATIONAL CONFERENCES ***
- 10. - INTERLAKEN (Suisse). Mardi 5 mars au vendredi 7 mars 2008. « Nouvelle violence ou nouvelle perception de la violence ? » Congrès annuel du Groupe suisse de criminolgie.
*Contact : fabienne.vogler@unifr.ch, www.criminologie.ch
- 11. - NEUCHATEL (Suisse). 13-14 mars 2008. “What Works : Sharing Experience to Improve Practice” Conférence européenne de la probation (CEP), en collaboration avec l’Association suisse de probation (ASP)
* Contact : andre.claudon@pom.be.ch (inscription avant le 15 décembre 2007)
- 12. - BARCELONE. July 20-25, 2008. « Crime and Criminology : Research and Action ». 15th World Congress of ther international Society for Criminology (ISC).
*Contact : www.worldcongresscriminology.com
*** EMPLOIS ET STAGES, RECHERCHES ET PROPOSITIONS ***
- 13. - Sarah Dindo, auteur de l’étude de la CNCDH "Sanctionner dans le respect des droits de l’homme - Les alternatives à la détention" (documentation française, 2007), responsable des publications de l’Observatoire international des prisons (section française) entre 1996 et 2002, recherche un nouveau poste ou une nouvelle mission en tant que responsable éditorial, chargée d’étude ou rédactrice, dans une association ou autre structure. Outre les questions pénales, elle s’intéresse aux problèmes de pauvreté, de discriminations et aux démarches de développement durable. Elle est capable d’assumer une réalisation de qualité de toute publication de A à Z. Diplôme de journaliste et DEA de sociologie politique. CV à disposition. sa.dindo@yahoo.fr
*** MILITANCES - DÉBATS ***
Avertissement. La rédaction d’ACP ne partage pas nécessairement le positionnement politique des personnes physiques ou morales citées dans cette rubrique « militante ». Par la diffusion de ces informations, elle souhaite simplement favoriser le débat d’idées dans le champ pénal, au delà des travaux scientifiques que cette lettre hebdomadaire a vocation à faire connaître.
- 14. - Paris. Mardi 6 novembre 2007. 19h. Réunion du Groupe multiprofessionnel des prisons (GMP) sur « La loi pénitentiaire », animée par Antoine Lazarus.
- Lieu : Maison des sciences de l’homme 52-54 Bd Raspail 75006 Paris. En face de l’Hôtel Lutétia ; Métro Sèvres Babylone et Saint Placide. Les portes d’entrée sont fermées un peu après 20h (pendant environ une heure).
* Contact : Tél. 01 48 38 76 84 lazarus@smbh.univ-paris13.fr
- 15. - Communiqué du Syndicat des avocats de France (SAF) sur le projet de loi pénitentiaire (25 octobre 2007).
Le 15 juillet dernier, Madame Rachida DATI, Garde des Sceaux, installait un Comité d’Orientation restreint (COR) de 27 membres, présidé par Monsieur Jean-Olivier VIOUT, procureur général de Lyon, afin de réfléchir en quelques mois à une grande loi pénitentiaire qui sera présentée à la représentation nationale avant la fin de l’année 2007.
Le SAF s’est félicité qu’une initiative de cette nature et de cette ampleur voit enfin le jour après l’abandon en 2002 de la grande loi pénitentiaire préparée sous l’égide de Madame LEBRANCHU, alors Garde des Sceaux.
Le SAF souligne néanmoins la contradiction pour un gouvernement à présenter une loi qui permettrait de « porter un regard serein et apaisé sur la prison » dans le même temps où sont votées les lois récidive et peines planchers dont on sait qu’elles vont mathématiquement remplir les établissements pénitentiaires.
A la lecture du rapport d’étape présenté par le COR le 22 octobre dernier, le SAF a constaté l’avancée réelle que représenterait, si elle était effective, la mise en oeuvre des 50 premières propositions : encellulement individuel, encadrement des critères d’affectation dans les établissements, accès au RMI ou à une allocation d’insertion, droit à l’expression collective, limitation du droit à la fouille corporelle, diminution du maximum possible en
matière de sanction disciplinaire, ...
Le SAF ne peut que regretter la tiédeur avec laquelle ces propositions, visant pourtant à être en adéquation avec les règles pénitentiaires européennes, ont été commentées par Madame DATI qui n’a pas souhaité répondre à la question de l’allocation d’insertion des détenus et n’a surtout -alors que cela faisait partie du programme Justice de l’UMP-pas estimé possible avant 2012 une politique d’encellulement individuel pourtant prévue de longue date par notre Code pénal.
Le SAF redoute que la belle ambition affichée n’accouche d’une souris médiatiquement correcte, crainte fondée sur les conditions mêmes d’élaboration de la future loi pénitentiaire, le COR qui devait en être le moteur s’apercevant, mais un peu tard, que la Chancellerie avait, avant même la mise en place du COR, une proposition déjà construite.
Le SAF déplore également que cette loi pénitentiaire, si elle voit le jour, laisse de côté nombre de problématiques liées à l’emprisonnement : croissance exponentielle du nombre de personnes incarcérées, et en particulier en détention provisoire, difficultés de prononcé et de mise en oeuvre d’aménagements de peines pourtant seuls garants d’une réelle lutte contre la récidive, incarcération de populations qui relèvent davantage d’un traitement social ou psychiatrique, allongement de la longueur des peines prononcées et effectuées, ...
Le SAF réaffirme avec force la nécessité d’une vraie grande loi pénitentiaire, qui, compte tenu des enjeux, ne doit pas être élaborée dans la précipitation, et qui surtout, doit englober l’ensemble des problématiques liées à la peine et à l’exécution de la peine.
Cette grande loi pourrait faire partie de la grande réforme du droit et de la procédure pénale qui nous avait été annoncée après le scandale d’Outreau, et que le SAF appelle toujours de ses voeux !
* Contact : SAF, 34, rue Saint Lazare 75009 PARIS, Tél. 01 42 82 01 26 Fax. 01 45 26 01 55, saforg@club-internet.fr www.Lesaf.org
- 16. - Communiqué de l’Association « Ban Public », « La dérive de la politique pénale et pénitentiaire (octobre 2007).
La surenchère des derniers mois en matière de propositions de lois et de déclarations d’intention laisse la curieuse impression d’une politique pénale et pénitentiaire à la dérive. Pas moins de 3 lois ont été votées ou bien sont en cours de discussion ou d’élaboration : la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, la loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, la "grande loi" pénitentiaire. Quant aux déclarations du gouvernement sur de possibles évolutions législatives, elles ont le plus souvent suivi de très près les faits divers.
Le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, a été déposé dès juin 2007 au parlement, alors que la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, n’a pas encore été évaluée. Il est à noter que les décrets et arrêtés relatifs au placement sous surveillance électronique mobile, introduit par la loi de décembre 2005, n’ont été pris pour certains qu’en septembre 2007... donc après le vote de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Comment, dans ces conditions, prendre une nouvelle mesure qui aurait vraiment un sens par rapport à une mesure antérieure ? Comment, dans ces conditions, imaginer que de nouvelles mesures puissent avoir une autre logique que celle de satisfaire l’opinion publique, ou plus exactement les intentions que l’on veut bien prêter à cette opinion ? De la même façon, il n’y a aucun recul sur l’application de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui pourtant, par certains de ses aspects, concorde avec les objectifs poursuivis par la loi de cet été.
Le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté a été déposé au sénat le 11 juillet ; le projet initial était peu ambitieux et ne laissait pas augurer que ce contrôle serait ni très indépendant ni très efficace. La loi, définitivement adoptée le 18 octobre, offre peu de garanties quant aux moyens mis à disposition, et les pouvoirs d’injonction du contrôleur sont limités.
Le chantier sur la "grande loi" pénitentiaire a été ouvert au même moment (le 11 juillet) ; le comité d’orientation restreint, chargé de donner des orientations, s’est notamment heurté à un problème de calendrier extrêmement serré, les travaux devant être remis fin octobre (des préconisations d’étape ont été remises le 22 octobre). Comment mener une vraie réflexion de fond en si peu de temps ? En outre, quel sens a une loi pénitentiaire si elle ne se rattache pas à des considérations pénales, s’agissant notamment de la longueur des peines ?
Concernant les déclarations d’intention, qui ont presque systématiquement fait suite à des faits divers, elles sont alarmantes. Le 20 août, le président de la République a proposé d’enfermer à vie, dans des "hôpitaux prisons", les personnes auteurs d’infraction à caractère sexuel, présentant un risque de récidive à leur sortie de prison. Enfermer une personne au motif qu’elle présenterait un risque de récidive revient à prendre une décision sur la base de supputations et non de faits, ce qui semble contraire au droit. Il s’agirait, selon des déclarations faites le 26 octobre, de mettre en place une "rétention de sûreté" dans le cadre de "centres socio-médico-judiciaires de sûreté".
Le 24 août, le président de la République a demandé au garde des Sceaux d’engager une réflexion sur l’organisation de procès pour les personnes ayant commis une infraction, alors que leur discernement était aboli. Comment juger pénalement une personne qui est avant tout malade ? Quel sens pourrait avoir cette parodie de procès ? A qui profiterait-elle ?
La souffrance des victimes est mise en avant pour justifier de telles propositions. Mais, il s’agit sans doute plus d’une politique spectacle où la souffrance des victimes est instrumentalisée et non pas véritablement respectée. Traiter dignement les victimes ce n’est pas apporter des réponses dans la précipitation, dont on sait qu’elles sont davantage un effet d’annonce que la garantie de vraies mesures productives. Il est facile d’exploiter l’émotion populaire suite à des faits divers, assurément douloureux pour les victimes et leurs proches, mais tel n’est pas le devoir d’un gouvernement.
- 17. - Contribution du Syndicat de la magistrature (SM) à la réflexion sur le projet de loi pénitentiaire.
L’état des prisons françaises unanimement dénoncé, de même que l’adoption, en janvier 2006 des nouvelles règles pénitentiaires européennes fondées sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et sur les recommandations du CPT, rendent indispensable l’adoption en France d’une loi pénitentiaire. Le futur projet de loi pénitentiaire aura donc notamment pour objectif de traduire en droit français les règles européennes. Mais ce projet intervient dans un contexte sans cesse accentué de durcissement et d’inflation des lois pénales répressives dont la loi du 10 août 2007 sur la récidive des majeurs et des mineurs en est l’illustration la plus manifeste. Ce contexte répressif a comme corollaire l’inflation carcérale qui s’accentue et aggrave les conditions de détention notamment en maison d’arrêt. Ainsi, pour le SM, aucune réforme pénitentiaire ne peut se concevoir sans réflexion sur le sens de la peine, ni remise à plat de notre système d’échelle des peines.
L’article 132-24 de notre code pénal fixe aujourd’hui les objectifs de la sanction pénale (Loi nº 2005-1549 du 12 décembre 2005 art. 4 Journal Officiel du 13 décembre 2005) (Loi nº 2007-297 du 5 mars 2007 art. 68 Journal Officiel du 7 mars 2007) (Loi nº 2007-1198 du 10 août 2007 art. 4 Journal Officiel du 11 août 2007) : Dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d’amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction. La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions.
Pour le SM, il est primordial que la future loi pénitentiaire affirme que l’objectif de réinsertion est une finalité prioritaire de la peine. Il serait à ce titre indispensable que les objectifs de la peine soient fixés dès l’article 132-1 au lieu d’être relégués dans une section du chapitre sur le régime des peines.
De la même façon, la future loi pénitentiaire doit traduire en droit français la recommandation du Conseil de l’Europe concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale adoptée le 30 septembre 1999 [2] selon laquelle : « La privation de liberté devrait être considérée comme une sanction ou mesure de dernier recours et ne devrait dès lors être prévue que lorsque la gravité de l’infraction rendrait toute autre sanction ou mesure manifestement inadéquate ».
*** DANS LA CITÉ ***
- 18. - 15 ans déjà. Vient d’être publié la Lettre blanche n°46 de Pénombre, octobre 2007, 20 pages. De source bien informée, Pénombre naquît le mardi 28 octobre 1992, en fin de matinée, quelque part entre Paris et Lausanne. Depuis, l’association s’est considérablement renouvelée, puisque l’on ne trouve plus aucun des fondateurs parmi les membres du conseil d’administration actuel. Signe de vitalité ou évolution quant aux objectifs et/ou aux façons de les poursuivre ?
A chacun de juger : http://wwww.penombre.org
* Arpenter le Champ Pénal. Directeur de la publication : Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne).
pierre-victor.tournier@wanadoo.fr
Diffusion directe : 3 000 destinataires répertoriés, en France et à l’étranger. http://www.sciencespo-toulouse.fr/
Pour mémoire - Les « ACP » sont mis en ligne sur le site du groupe GENEPI de la prison de la Santé (Paris) : Celles et ceux qui parfois ne reçoivent pas l’envoi du lundi pourront s’y reporter :
http://www.eleves.ens.fr/home/saurin/genepi/la-sante