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32 La parentalité et l’incarcération

Publié le dimanche 18 novembre 2007 | http://prison.rezo.net/32-la-parentalite-et-l/

DEUXIEME CHAPITRE :
LA PARENTALITE ET L’INCARCERATION

« Il faut bien des gosses de truands pour que les gosses de flics courent après. »
Nadine VAUJOUR, Fille de l’air, Paris, Edition n°1 - Michel Lafon, 1989, p. 70.

Sa responsabilité à l’égard des enfants dont les parents sont incarcérés a longtemps été absolument étrangère au système pénal, comme Mac Gowan et Blumenthal (in Crites, dir.) le rappelaient dès 1978. Or, le premier souvenir de prison de nombre de détenus est une vague
réminiscence de parloir, pendant l’enfance, avec un parent incarcéré. Rappelons que 63 200 mineurs auraient un ascendant incarcéré et que 100 à 200 000 enfants seraient concernés, chaque année, par l’incarcération d’un parent.

A. « UN ENFANT QUAND JE VEUX » ?
La prison atteint les hommes et les femmes dans leur possibilité d’avoir des enfants. Mais la femme est davantage touchée (« tota mulier in utero »), les hommes étant surtout affectés dans leur rôle moral et économique de pater familias. Si la grossesse d’une femme est souvent considérée comme participant à son insertion, on attend d’un homme travaillant en prison qu’il aide sa famille, bref, qu’il agisse en « bon père de famille ».

1. L’accès aux contraceptifs et à l’avortement
Lors de leur incarcération, certaines femmes sont enceintes depuis peu, d’autres découvrent leur grossesse à cette occasion. De plus, l’accès aux contraceptifs étant difficile en détention, des femmes peuvent tomber enceintes après des rapports sexuels au parloir. La liberté d’avorter est accordée à toutes les femmes : elles est toutefois, dans la pratique, restreinte en prison. La décision doit souvent être prise sans pouvoir en discuter avec le partenaire. Il a été également rapporté qu’à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), l’entretien avec une psychologue, préalable à l’avortement, était conduit par une religieuse. Ce fait avait été dénoncé suite au suicide d’une détenue de cet établissement, qui avait trouvé, à son retour en cellule, après avoir avorté, deux petits chaussons, un rose et un bleu, et un poème d’un groupe anti-I.V.G., intitulé « Maman, tu m’as tué ». L’idéologie « pro-life » des religieuses est prononcée : on les a vu lors d’une action anti-I.V.G. dans un reportage de l’émission Envoyé spécial (1995). D’ailleurs, à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, la présence de religieuses de la congrégation de Marie-Joseph est régulièrement attaquée par un enseignant de l’établissement, Antoine Lubrina (Le Parisien, 1er mars 2003), et des pétitions (notamment en mars 2001) de différents types de personnels (surveillants, enseignants, travailleurs sociaux, soignants, etc.). Ils réclament la fin de la convention de 1995 entre l’Administration pénitentiaire et la congrégation, permettant à ses membres d’assurer des fonctions d’ordre public. Divers observateurs ou témoins [1] ont évoqué le problème posé par les nombreuses tâches (pour lesquelles elles sont rémunérées et logées) que les religieuses assurent dans le fonctionnement des services pénitentiaires. Leur rôle est d’autant plus contestable lorsqu’elles sont infirmières. Il a été notamment rapporté des attitudes hostiles à l’égard de détenues ayant fait des fausses couches et des refus de délivrer la pilule aux femmes sortant en permission. A la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, leur retrait des préservatifs des paquetages remis par l’Administration pénitentiaire aux sortantes a été dénoncé (Dedans dehors, mai 1998, 7).
Il est difficile aux femmes détenues de se procurer la pilule en détention. Pourtant, en dehors de sa fonction contraceptive, elle apporte à beaucoup de femmes un confort physique notoire.
D’autre part, alors que, dans la plupart des établissements, l’accès aux préservatifs masculins est possible, les préservatifs féminins (ou « fémidons ») sont distribués exceptionnellement - comme, du reste, à l’extérieur. Les fémidons ne sont pas utilisés dans les rapports sexuels entre femmes, mais ils satisfont généralement les femmes davantage que les préservatifs masculins.
De plus, la mise à disposition des hommes détenus de préservatifs afin de prévenir les transmissions des maladies et infections sexuellement transmissibles (M.S.T. et I.S.T.) n’a pas d’équivalent dans les détentions de femmes. Selon un préjugé tenace, les rapports sexuels lesbiens seraient exempts de risques de contamination. Or une politique réaliste [2] nécessiterait la mise à la disposition des détenues de préservatifs masculins et de fémidons (pour les rapports hétérosexuels qui peuvent avoir lieu au parloir), mais également - puisque les relations sexuelles entre détenues sont certainement aussi fréquentes qu’entre détenus - de gants en latex, de digues dentaires (carrés de latex à usage médical) et de leurs substituts couramment utilisés par les lesbiennes (les films alimentaires notamment).

2. Le désir d’enfant et les conditions de procréation
La procréation n’a jamais été un droit et le législateur n’interdit pas formellement aux personnes détenues et à leurs conjoint(e)s l’adoption ou la fécondation artificielle. Cependant, dans les faits, celles-ci leur sont défendues. Les procédures d’adoption d’enfant s’effectuent sur des critères sociaux : cela exclut, a priori, les couples dont l’un des partenaires est incarcéré.
D’autre part, l’insémination artificielle est aujourd’hui systématiquement refusée aux personnes détenues. À ses débuts, elle a certes été obtenue par quelques couples, comme Charlie Bauer (Fractures d’une vie, 1990, 367-368) et sa compagne. L’impossibilité d’adopter un enfant ou de recourir à la procréation artificielle prive donc, de fait, certains couples d’enfant, notamment lorsqu’un des partenaires purge une longue peine et/ou souffre d’infertilité. Cette situation peut d’ailleurs entraîner le ressentiment de celui/celle qui est libre, comme Fishman (1996) l’observait parmi les femmes de prisonniers de guerre, lors du dernier conflit mondial.
L’interdiction de la sexualité en prison est toute formelle, puisque naissent régulièrement des enfants conçus au parloir, d’où l’appellation de « bébés-parloir ». Les critiques formulées par nombre de détenu(e)s sur ceux-ci sont diversement étayées. Beaucoup de raisons morales sont avancées : de même que pour d’aucuns, un parloir, « ce n’est pas un baisodrome », ce n’est pas non plus un lieu pour concevoir un enfant. Ainsi, Yannick (maison centrale de Clairvaux) évoque, à propos des « bébés-parloir », un « manque de dignité ». De la même façon, Roselyne, détenue, avec son nourrisson, au centre de détention de Bapaume, a nettement précisé : « J’ai eu le bébé en permission. Sinon, j’aurais eu honte... »
Les arguments opposés aux « bébés-parloir » sont surtout d’ordre pratique : beaucoup d’hommes estiment que, détenus, ils ne peuvent remplir leur rôle de soutien de leur compagne enceinte. Etonnamment, pour ces hommes, leur impossibilité de partager le temps de la grossesse est moins un problème que leur incapacité d’assumer ce qu’ils définissent comme des « tâches d’hommes » (les courses ou le bricolage dans la chambre de l’enfant). Ainsi, Nordine (centre de détention de Bapaume) explique : « Les bébés-parloir, c’est pas bien. Moi, je voudrais être là quand ma femme est enceinte, pour m’occuper de tout. »
Plus généralement, les détenues considèrent que la prison est inadaptée aux soins qui requièrent les bébés :
Un bébé-parloir, c’est moche, ça a pas sa place en prison. Ça me choque un peu, quand même : il y a du bruit, la fumée, les malades... Moi, ça me serait pas venu à l’idée, je ne trouve pas ça bien. (Danielle, centre de détention de Bapaume)
Beaucoup de détenu(e)s ont tenu à souligner également la manipulation (du côté du conjoint incarcéré ou de l’autre) dont beaucoup d’histoires de « bébés-parloir » seraient entachées. Samir, détenu au centre de détention de Bapaume, résume ainsi la situation :
C’est stupide les bébés-parloir ! Si le père est en prison, elle va faire sa grossesse toute seule... Pfft... Y en a qui en font pour sortir plus vite de prison, y en a plein des têtes brûlées... Y en a aussi qui font ça pour se rassurer : le mec, il pense qu’elle n’ira pas voir ailleurs. Et puis y a des nanas qui se disent que comme ça, elles tiennent le mec quand il sort... Beaucoup de détenus ayant souffert d’une enfance douloureuse (absence, perte, abandon... d’un ou des deux parents) veulent éviter de reproduire des situations qu’ils estiment responsables de leur marginalisation et/ou de leur délit/crime. Ainsi, Jean-Rémi, incarcéré au centre de détention de Caen, affirme : « Le bébé-parloir... Nous nous sommes posés la question, évidemment. Mais non, surtout en raison de mon parcours... Je n’ai pas envie de faire subir ça à un enfant. » En outre, beaucoup estiment qu’il ne faut pas faire des enfants « si on ne peut pas les assumer ». L’incarcération, et la précarité qu’elle implique souvent, interdit donc d’y songer. Ainsi, Sébastien, incarcéré à la maison d’arrêt de Pau, déclare : « On va pas faire des enfants si y a pas ce qui faut. Moi, j’ai eu un manque affectif et matériel. »

3. Les « bébés-parloir »

La répression de la sexualité en prison, et en particulier au parloir, n’empêche pas la naissance, tous les ans, de ceux qu’on appelle les « bébés-parloir ». Leur existence témoigne brutalement de la transgression de l’interdiction de la sexualité en détention. Ainsi, Jean-Pierre (maison d’arrêt des Baumettes) dit, à propos de son fils, conçu en prison : « C’est un enfant particulier... Il le sait ! D’ailleurs, il dit toujours : “J’ai été conçu dans l’illégalité.” » Cette illégalité n’est d’ailleurs pas sans déplaire à Jean-Pierre :
Le bébé-parloir, on l’a fait à la Saint-Valentin, deux ans après [notre mariage]. On avait un double parloir. J’avais minuté, on avait douze minutes seuls. J’avais apporté des petits bonbons et tout... Ça s’est fait très discrètement, mais j’ai attendu d’être en centrale pour le reconnaître. Le Procureur, au début, il a refusé. Il a accepté qu’en 96... C’est-à-dire quatre ans après. [...] Les surveillants, ils ont tiqué, nous, on se moquait d’eux. Après, beaucoup de surveillants avaient peur d’être suspendus...
Devenir parent en prison est évidemment très différemment vécu par les hommes et par les femmes. Chez les hommes, la naissance d’un « bébé-parloir » peut passer inaperçue. Chez les femmes, c’est impossible et cela suscitera forcément des demandes d’explication du personnel de surveillance (et les commérages). Or tomber enceinte suite à un parloir provoque généralement un sentiment de honte chez les femmes détenues.
Les femmes qui ont vécu une grossesse en prison se plaignent quasi unanimement des conditions de celle-ci : alimentation, suivi gynécologique, etc. De plus, l’incarcération a des conséquences sur la santé des personnes (Gonin, 1991). Martine Willoquet (in De, 1980, 30) raconte ainsi comment, brutalement, confrontée à une péripétie judiciaire, son lait maternel s’est tari. Beaucoup de femmes demandent d’ailleurs des permissions de sortir pour consulter un médecin dehors et donc avoir, contrairement à dedans, le choix du praticien. C’était par exemple le cas de Roselyne, détenue à Bapaume :
J’ai été suivie par le gynéco en perm. Je demandais à la JAP des permissions exceptionnelles. [...] Je ne supportais pas le regard des autres sur mon ventre... J’ai eu une permission pour l’accouchement. Toute la famille était là. J’ai passé quinze jours à la maternité, et le retour a été difficile... Aïe, aïe ! Mais on n’a pas le choix.
Du côté des pères de « bébés-parloir », la venue de l’enfant est vécue bien différemment, à distance, et même, pour certains, comme un événement un peu irréel, dans lequel, finalement - mais peut-être pas moins que s’ils étaient libres ? - ils s’engagent assez peu. Ainsi, Renald (maison centrale de Clairvaux), très peu impliqué dans sa relation avec sa conjointe, déclare, à propos de sa dernière grossesse (qui s’est intégralement déroulée pendant qu’il était incarcéré) : « Sa grossesse, je l’ai vécue comme les autres... » D’ailleurs, il évoque la venue de l’enfant en ces termes :
Le dernier, eh oui ! C’est un bébé-parloir. La réaction des autres, ça était plutôt : « Ah ! T’as tiré ton coup ! » Pourquoi avoir honte de faire un acte tout à fait naturel ? Mais c’est quand même un accident. Elle m’avait pas prévenu qu’elle prenait pas la pilule.
Au contraire, Frédéric, incarcéré à la centrale de Clairvaux, bien plus proche de son épouse, insiste sur la difficulté à vivre la naissance de son enfant quand on ne peut pas être présent. Toutefois, étant incarcéré dans un établissement pour peines, il a pu, grâce à l’accès au téléphone, parfaitement « suivre » l’accouchement.
Quand ma femme a été enceinte, c’était il y a neuf ans... J’étais pas dans le même état d’esprit... C’était un souci et une joie permanente, c’était mêlé par le fait que j’étais obsédé par retrouver ma liberté. Ça faisait beaucoup de conflits entre tout cela... A la naissance, j’étais à A***. J’appelais régulièrement... Il paraît même que j’étais agaçant, car j’ai été surpris : je croyais qu’un accouchement, c’était plus rapide. J’arrêtais pas d’appeler. Ça a duré pendant des heures, j’avais sa mère au bout du fil...
Frédéric a donc fait connaissance avec son bébé, âgé d’à peine deux mois et demi, au parloir :
J’ai vu ma fille au parloir. Avant même le parloir, je l’entendais pleurer... Elle a pleuré pendant tout le parloir. Moi, j’en avais plein les oreilles, et plein les yeux. Et puis il y avait aussi son odeur, une odeur nouvelle pour moi, une odeur de bébé.

B. LES MAMANS DETENUES ET LEURS NOUVEAUX-NES
La question des mères incarcérées avec leur enfant relève du thème des relations familiales des personnes détenues : elle mériterait même une recherche à part entière. La rareté des cas rencontrés invite à considérer nos observations avec précaution. Nous n’avons interrogé qu’une femme (en présence, d’ailleurs, de son bébé d’une quinzaine de jours) dans cette situation : Roselyne, détenue au centre de détention de Bapaume. Cet entretien, les récits d’autres détenues, la lecture de témoignages, nous incitent toutefois à formuler certaines remarques. Le maintien des enfants en détention avec leur mère pose toutefois de nombreux problèmes. Tout d’abord, les lieux de détention ne sont pas conçus pour recevoir de jeunes enfants et rien n’est prévu pour empêcher d’éventuelles conséquences traumatiques sur l’enfant. Les textes soulignent que l’enfant n’est pas détenu. Il en subit néanmoins les conditions, notamment les fouilles à chaque entrée et sortie de la détention, mais surtout le temps d’enfermement quotidien, relativement long en maison d’arrêt. Ceci explique probablement la tendance, soulignée par beaucoup de chercheurs (et notamment des psychologues), des femmes incarcérées avec leur enfant à se muer en « mère kangourou » (Charron, 1977, 858). La propension de la relation entre la mère et le bébé à être fusionnelle ne signifie toutefois pas que les liens soient riches.
Il nous paraît indispensable de maintenir le lien [entre la mère et l’enfant] au cours des premières années de vie de l’enfant, mais il n’est pas suffisant pour cela de garder la mère avec son bébé. (Lavault, Lecamp, 1995, 68)
En outre, les détenues qui ont gardé leur bébé en détention évoquent le problème de la cohabitation avec les autres détenues, qu’elles aient ou non aussi un bébé. Elles pointent leur fréquente volonté de s’immiscer dans les soins (surtout si la détenue est mère pour la première fois), en donnant leur avis ou en critiquant les gestes de la mère. Lorsqu’il y a plusieurs mères avec leurs bébés, il a été souvent noté l’importance de l’emprise du « groupe des mères » (Charron, 1977, 857) sur les détenues. Les détenues enceintes ou incarcérées avec leur bébé sont souvent mal à l’aise avec les autres détenues, notamment parce que certaines sont incarcérées pour infanticide ou maltraitances d’enfant(s). Leur présence, à proximité d’enfants considérés, par essence, comme purs et innocents, est particulièrement mal vécue par les mères. Beaucoup d’entre elles s’isolent donc et évitent au maximum les contacts avec les autres détenues. Mounia, incarcérée au centre de détention de Bapaume, fait partie de ces détenues tenues à l’écart par les mères. Elle a finalement intériorisé son statut d’« intouchable ».
Les bébés-parloir, tant qu’ils ont à manger, qu’ils sont changés, petits, ça va. Après, bof... Il y en a ici des bébés, mais moi, je ne peux pas prendre un enfant dans mes bras. Pour moi, j’ai du sang dans les mains. Lui, un enfant, est innocent...
Certes, garder son bébé en détention confère, à une femme incarcérée, un certain nombre d’avantages, notamment en termes d’aménagements de la vie quotidienne et de régime disciplinaire. La situation n’en demeure pas moins difficile et on considérerait à tort que ces mères gardent leur bébé par égoïsme. Monique Boiron (1995, 39) explique ainsi :
Dans cet univers policier, il incarnait pour moi les traits de l’innocence, vertu que l’on s’était permis de lui contester en m’entravant de la sorte. Pendant trois mois, Damien n’a d’ailleurs jamais existé : le juge refusait que l’état civil pénètre dans l’enceinte carcérale pour le reconnaître... Les premiers mots que j’ai eu pour lui furent donc très durs : « Ne te fais pas de soucis, ils paieront pour tout le mal qu’ils ont fait. » J’ai échafaudé plein de chimères autour de Damien ; il symbolisait mon combat contre l’institution. [...] Du jour où je l’ai eu, je me suis fait un devoir de ne jamais m’incliner face à l’adversité.
D’autre part, la solution de garder un enfant en détention est une décision prise faute de mieux - en l’occurrence faute d’être libre. Il ne faudrait pas sous-estimer la culpabilité de ces mères de se rendre, à leur corps défendant, complice de l’enfermement de leur enfant. C’est ainsi que nous interprétons le témoignage de Monique Boiron (idem, 42) :
La présence de mon fils me comblait mais n’égayait pas mon quotidien. Il m’était insupportable de ne pouvoir lui offrir plus que quatre murs hermétiques comme espace de vie et de liberté. Damien est né captif. J’en garde une immense culpabilité.
Les conséquences sur l’enfant de sa détention, pendant son bas âge, n’ont pas été clairement établies. Le dilemme est celui-ci : les effets négatifs de la vie en détention sont-ils compensés par le bénéfice de ne pas séparer l’enfant de sa mère ? Il n’existe pas de réponse ferme à cette question. Il est toutefois incontestable que le comportement de l’enfant est influencé par la détention. Martine Willoquet (in De, 1980, 32-33) raconte ainsi :
Quand Willy a un peu grandi, dès qu’il voyait les sœurs qui fermaient les portes, il se sauvait, courait dans le couloir. Il refusait de rentrer dans la cellule. Chaque fois qu’il le pouvait, il s’enfuyait. Dès que la clef tournait dans la serrure et qu’il entendait le bruit du chariot apportant la nourriture, il se cachait dans un coin et s’engouffrait dans la porte entrebâillée. [...] Tous les jours, le sous-directeur venait dire bonjour. C’était le seul homme que les enfants voyaient. Ils en avaient peur et ils se cachaient.
La question du « risque » à élever un enfant dans un univers non mixte est souvent posée, notamment actuellement à l’occasion de débats sur l’homoparentalité. Aux préjugés souvent homophobes d’une telle question (« à force d’être dans les jupons de sa mère, il deviendra pédé »), nous pouvons répondre que les parents d’homosexuels sont généralement hétérosexuels. En outre, « l’art d’être parent » est un art, par définition, imparfait : ce qui a été « manqué » par les parents permet aussi aux enfants de se construire. Gageons donc que les relations maternelles pathogènes sont aussi nombreuses à l’extérieur qu’en détention, toutes choses égales par ailleurs.

C. ETRE PARENT ET DETENU
La question de la parentalité des personnes incarcérées est généralement brouillée par deux préjugés (contradictoires) : la nécessité, pour protéger les enfants, de les séparer de leurs parents (« mauvais », puisque délinquants) et les effets, forcément pathogènes, de cette séparation. Il faut pourtant se souvenir que longtemps, notamment aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’éducation des enfants des classes bourgeoises et aristocratiques passait par la mise en nourrice, puis le départ au couvent et en pension. En outre, à la même époque, l’allaitement des nouveaunés était délégué à des nourrices dans toutes les couches de la société urbaine (Badinter, 1980, 54 sqq.). Les préceptes pédagogiques sont, on le sait, culturellement marqués. Or nous verrons que les effets de l’incarcération d’un parent sur l’enfant sont incertains et dus moins à l’absence elle-même qu’à la condamnation sociale qui l’entoure.
La nécessité de séparer les enfants de leurs parents délinquants s’est nourrie de l’hypothèse de la répétition trans-générationnelle des abus sexuels, appuyée par de nombreux travaux : ainsi, selon Cohen (1997, 45), en cas d’abus sexuels intrafamiliaux, un tiers des agresseurs auraient subi des violences sexuelles dans leur enfance. Toutefois, cet auteur (ibid., 41, 47) souligne que le maintien des liens familiaux est, en France, plus souvent vu comme « un mythe, incompatible avec la protection des enfants maltraités et victimes d’abus sexuels », alors que d’autres pays, comme la Belgique, recourent à une moindre pénalisation de l’inceste, visant essentiellement à résoudre le dysfonctionnement familial. Pourtant, les affaires de pédophilie et d’inceste ont pris, médiatiquement, une telle place (le procès d’Outreau, en juin 2004, en a donné la mesure) que se pose automatiquement la question de l’utilisation possible d’accusations mensongères. Le Conseil de Sécurité Intérieur du 13 novembre 2000 a mis en place un groupe de travail sur les « allégations d’abus sexuels sur mineur dans un contexte de séparation parentale conflictuelle ». Selon son rapport (ministère de la Justice, 2001), 42% des agressions sexuelles et 56% des viols sur mineurs seraient commis dans le contexte familial. Or on estime calomnieuses 35 à 60% des dénonciations d’inceste en cas de séparation du couple (Cohen, 1997, 40-41). Le phénomène n’est toutefois ni nouveau, ni limité au contexte familial : dans Les Risques du métier (Cayatte, 1967), inspiré de l’ouvrage des époux Cornec (1962), un enseignant était victime d’une dénonciation calomnieuse de pédophilie.

1. La valorisation des enfants
Certes, personne ne dira qu’il n’aime pas ses enfants. Ainsi, beaucoup de femmes détenues signalent les circonstances dramatiques de leurs grossesses, tout en manifestant la plus grande affection pour leurs enfants. C’est par exemple le cas de Mounia (incarcérée à Bapaume) :
K*** vient d’un inceste, mais il ne le sait pas. C’est compliqué. Y a une distance. G***, j’étais consentante, mais il n’était pas désiré. C’est un enfant de la prostitution. Mais quand je dis que je ne les ai pas voulus, ça ne veut pas dire que je ne les aime pas !
Nous avons déjà évoqué l’importante ressource, dans la vie en détention, constituée par un lien avec l’extérieur. Rostaing (1997) utilise même l’expression d’« identité désincarcérée » à propos des détenues enceintes. Les enfants seraient davantage que les maris des éléments constitutifs de l’identité de ces femmes, comme Spedding (1999, 15) le suggère à propos des prisonnières en Bolivie. Les femmes détenues (et dans une moindre mesure les hommes) évoquent souvent leurs enfants, parmi les vicissitudes de leur parcours, comme les « rattachant à la vie ». Les enfants sont souvent le plus grave souci des mères incarcérées et seraient, selon Liebling (1994), la principale cause de leur suicide. Chez les femmes détenues, comme Rostaing (1997) le signale, les enfants sont donc extrêmement valorisés, assurant à la mère des qualités présentées comme typiquement féminines (douceur, gentillesse, etc.). Ainsi, Mounia, détenue à Bapaume, déclare : « J’ai une étiquette de caïd, alors les autres, elles sont étonnées quand elles voient que j’ai des enfants. » D’ailleurs, dans les vies, fréquemment chaotiques, de nombreux détenus, l’enfant représente une pureté, compensant une insatisfaction existentielle. A Dany, détenue à Bapaume, qui déclare ne « vivre que pour [ses] enfants », font écho les paroles de Patrice (détenu dans la même prison) : « La seule chose que j’ai bien fait dans ma putain de vie, c’est mes trois enfants. [...] Ça va peut-être vous choquer, mais je préfère mes enfants à une femme. »
La valorisation du lien parental passe souvent par un combat (sur lequel le parent détenu insiste généralement longuement) pour récupérer soit l’autorité parentale, soit un droit de visite (s’il en a été déchu, avant ou après son incarcération). D’ailleurs, beaucoup de parents s’inquiètent de leurs droits parentaux lorsqu’ils sont incarcérés. Les personnes détenues peuvent difficilement exercer leur droit de visite, puisque la venue de l’enfant au parloir dépend de l’exconjoint ou de la personne ayant la garde de l’enfant. Certains ex-conjoints feraient de l’enfant un objet de chantage : peut-être pas plus que lorsque les personnes sont dehors, mais sans doute avec plus de facilité.
Or l’opposition de l’autre parent à la venue de l’enfant au parloir est très mal vécue, car elle rappelle au détenu son impuissance à faire respecter sa volonté et/ou son droit. Les procédures sont souvent longues et peu suivies d’effets.
Les détenus sont donc réduits à proférer de vaines menaces, à l’instar de Hocine, détenu à la maison d’arrêt de Pau, qui jure : « Si la mère de mon fils refusait qu’il vienne au parloir, ce serait la misère pour elle. »
Le père de ma fille, il refuse qu’elle aille au parloir. Mais elle sait tout. Il a peur de la choquer, il veut la préserver. J’aimerais la faire venir au parloir. Je passe devant le JAP tous les ans. Depuis 96, je me bats pour avoir un permis de visite pour ma fille. Elle réclame déjà de venir me voir. (Valéry, centre de détention de Bapaume)
Paradoxalement, l’extrême valorisation des enfants explique aussi le souhait de beaucoup de parents détenus de les préserver, redoutant de les « contaminer » (avec le monde carcéral ou avec leur délit/crime). Ainsi, Emma, une multirécidiviste aujourd’hui en liberté, constate :
Moi, si je suis en prison, je ne vais pas en plus penser à mes enfants. Je suis dans ma merde, et ils ont rien à y faire, ils peuvent rien pour moi et moi, je peux rien pour eux. C’est pas quand t’es en prison que d’un coup tu vas te réveiller en te disant que tu f’rais bien quelque chose pour tes gosses !
Les visites des enfants sont particulièrement importantes pour leurs parents détenus, car le courrier (ou même le téléphone) sont souvent d’un accès plus difficile pour les enfants. Les parents sont souvent inquiets de ne pas « voir grandir » leurs enfants, d’où certainement l’importance donnée aux photographies. Les détenus considèrent certes les parloirs comme des moments privilégiés du maintien du lien parental, mais ont également souvent conscience de leur aspect pesant, voire traumatisant pour l’enfant. Beaucoup de détenus préfèrent donc, plutôt que de les y contraindre, que leur enfant décide de ses visites, à l’instar de Mounia (centre de détention de Bapaume) : « C’était dur de voir mes enfants en prison. K*** ne veut plus venir. Moi, je ne veux pas le bousculer. »
Beaucoup de parents détenus se culpabilisent (encouragés par le « sens commun »), en attribuant à leur incarcération des perturbations de leur enfant. Les propos tenus par Yvon (détenu à la centrale de Clairvaux) sont significatifs :
Ma fille est venue deux fois l’année dernière, de L*** [à plusieurs centaines de kilomètres de Clairvaux]. C’est la vie. Je ne peux rien faire... Cet été, j’ai écrit deux, trois fois, j’ai pas eu de réponse... Peut-être que je l’embête... Peut-être que je la perturbe un peu plus... [...] Je lui ai pas dit la vérité, à chaque fois, je lui dis que je sors dans deux ans...
Les personnes détenues conservent leur autorité parentale sur leurs enfants [3]. Cependant, lorsque les deux parents sont incarcérés et/ou si personne ne peut prendre en charge l’enfant, celui-ci est placé. Le parent qui est libre n’est effectivement pas toujours en mesure de s’occuper de l’enfant. Cela semble être le cas pour les enfants de Patrice, détenu au centre de détention de Bapaume :
Il y en a un en foyer, deux qui sont placés dans des familles... Mon ex, elle a dit ne pas pouvoir s’en occuper. Son problème, c’est qu’elle les aime petits, mais quand ça grandit, elle n’en veut plus.
Le placement n’est pas synonyme d’un retrait de l’autorité. Mais ces décisions sont souvent perçues comme particulièrement humiliantes, et peuvent susciter des réactions violentes.
Mes gosses, ils sont placés. La juge m’a dit comme ça la dernière fois : « Monsieur P***, votre autorité, elle est sur la balance. » Moi je lui ai répondu : « Vous aussi, Madame la Juge, vous êtes sur la balance. » Bah ouais, ça, je ne l’accepterais pas qu’on me retire mes gosses. (Patrice, centre de détention de Bapaume)

2. Toute vérité est-elle bonne à dire ?
Dire ou non la vérité (l’incarcération et sa cause) aux enfants fait partie des dilemmes qu’ont à résoudre la plupart des parents détenus. Charlie Bauer (1990, 387) en posait ainsi abruptement l’enjeu :
Qu’est-ce qui est plus important pour toi ? Ton plaisir à serrer ton enfant durant une demi-heure, la rendre heureuse pendant ces minutes, mais qu’elle souffre le vide de ta présence tout le reste de la semaine ? Ou bien t’effacer et ne pas lui imposer cette déchirure de la séparation, ce poids de l’attente, cette écorchure de l’absence ? Choisi, en allant à l’essentiel pour cette enfant en la préservant de ce que vous, adultes, vous avez à subir, à combattre.
Néanmoins, à travers les propos de certains parents, on peut souvent imaginer que leurs enfants n’ont guère été épargnés :
Mes gosses, bien sûr qu’ils savent pourquoi je suis en prison. Quand j’étais dehors, ils savaient quand je rentrais plein sang après une baston ! Et puis, quand j’ai tranché les trois doigts de mon beau-frère, c’est mon fils qui les a ramassés, alors... (Patrice, incarcéré au centre de détention de Bapaume)
C’est laborieusement que beaucoup de parents expriment à leurs enfants la vérité : celle-ci est pourtant largement reconnue comme une vertu, un devoir et un objectif. Les parents sont souvent gênés par un discours qu’ils estiment contradictoire : reconnaître la légitimité de la punition (sans laquelle ils considèrent que leur rôle éducatif serait contesté), simultanément au chagrin de la séparation (preuve de leur amour parental). De plus, certains actes sont particulièrement difficiles à expliquer. Tout le monde ne peut faire croire à son enfant que « Papa est en voyage d’affaires » ou que « la vie est belle », pour reprendre les titres des films de Kusturica (1984) et de Begnini (1998). La dissimulation de l’incarcération aux enfants dépend des ressources propres au milieu social : d’aucuns inventent des problèmes de santé, d’autres la prolongation du séjour au pays natal. C’est d’ailleurs parfois avec la complicité du personnel de surveillance que certains parents mentent sur leur détention.
Les enfants ne savent pas, pour eux, je suis au travail. Mon fils, il m’a dit : « Mais c’est la prison, ça ! » Moi je lui ai dit : « Je travaille en prison ! » Quand la surveillante est venue, je lui ai fait un clin d’œil et je lui ai dit : « Hein, je travaille en prison ? » Elle n’a rien dit ! Et lui, il me dit : « Maman, arrête de travailler. Viens, on rentre à la maison ! » C’est trop dur pour les gosses. (Jena, maison d’arrêt de Pau)
La question de dire (et comment le dire ?) les raisons et la durée de l’incarcération se pose lorsque les enfants connaissent l’incarcération de leur parent. Si les enfants posent ordinairement des questions impertinentes, celles-ci sont particulièrement difficiles à entendre pour les parents lorsqu’elles portent sur l’incarcération. Les propos de Mounia, incarcérée au centre de détention de Bapaume, suggèrent cette crainte de la « juste mesure » (éviter d’en dire « trop » et savoir en dire « assez ») :
- Ils savent que je suis en prison, mais pas ma peine. Le plus grand, ça le perturbe. Mais le plus petit, il n’a pas peur.
- Vous pensez leur dire un jour ce qui vous a conduit en prison ?
- Y a un âge à tout... Je le ferais quand y z’auront la tête sur les épaules
.
Pour les parents, l’âge des enfants justifie souvent de ne pas leur parler de la prison et/ou du délit/crime : « Il y a un âge pour le dire. » Il faut, de plus, « trouver la bonne version », comme le dit Jena, incarcérée en préventive à Pau : « J’expliquerais au grand, mais j’attends la sortie pour lui dire la vérité. Faut que je trouve la bêtise que j’ai faite pour lui dire. » Le témoignage d’Hocine, incarcéré aussi à Pau, est révélateur de la reconnaissance de la vérité comme valeur pédagogique et de la difficulté à la mettre en œuvre :
A mon fils, je vais essayer de tout lui expliquer. Pour l’instant, je lui explique pas. Il comprendrait pas, c’est trop dur. Tu peux pas expliquer ça à un enfant. Mais je lui cacherais jamais rien.
Confronté à la médiatisation, Jean-Rémi (centre de détention de Caen) pense : « Si j’ai un enfant plus tard, je lui dirais. Au moins pour qu’il ne l’apprenne pas par un autre. C’est mieux de dire les choses plutôt que de ne pas en faire état. » Beaucoup de parents détenus pensent qu’il est important de dire soi-même, avec ses propres mots, les raisons de son incarcération.
Mes enfants savent que je suis en prison. Mais ma sœur, elle leur a donné une version qui me rend plus coupable. J’ai demandé à voir mes enfants un par un pour leur expliquer, mais seulement aux plus grands, de A à Z... Ils m’ont dit : « Tata nous a pas dit ça. » Les deux petites ne savaient pas que j’étais en prison. Je leur ai dit moi-même... Elles savent pas depuis longtemps... Elles croyaient que j’étais à l’hôpital. Ça m’a foutu un coup de leur dire. La plus grande, elle trouvait les surveillants bizarres. C’est dur, parce que maintenant, elles peuvent penser que leur mère est presque une menteuse... (Dany, centre de détention de Bapaume)
Une recherche américaine (Kiser, 1991, 59) avançait la proportion d’un quart des enfants de femmes détenues ignorant la détention de leur mère. Selon P. Morris (1965), 40% des parents cacheraient la vérité, et dans 24% des cas, seuls les enfants les plus âgés la connaîtraient. A la prison de San Quentin (Californie), Wilmer et al. (1966) estimaient que la moitié des parents cachaient la vérité aux enfants. Selon eux, trois raisons expliqueraient ce « besoin de tromper » (« need to deceive ») : la volonté de conserver une image positive du père, la peur du rejet de l’enfant (car les parents croient que « les bons parents font les bons enfants ») et la dépendance du père à sa femme pour le maintien des liens familiaux (le mensonge de la mère à ses enfants diminuant le risque qu’elle le dénigre et donc le quitte).

3. Le lien parental et l’éducation
Selon Bertaux et Delcroix (1991, 103-111), 54% des enfants dont les parents sont séparés perdent contact avec leur père ou n’ont plus avec lui que des rencontres épisodiques. D’ailleurs, traditionnellement, s’occuper des jeunes enfants revient toujours aux femmes, du reste avec la caution des plus grands vulgarisateurs de la pédopsychiatrie, comme Winnicott (1971). La présence paternelle peut n’être que épisodique, le principal étant qu’il y ait un « père symbolique » et une distinction des rôles parentaux, comme l’ont enseigné Dolto (Lorsque l’enfant paraît, 1977-79) et, plus récemment, Aldo Naouri (Une place pour le père, 1985).
Dedans, les pères incarcérés ont davantage de difficultés que dehors à faire respecter le droit de visite. Celui-ci devient théorique en l’absence de bonnes relations du détenu avec ses proches.
Beaucoup de parents incarcérés ne voient donc plus, ou rarement, leurs enfants : il est en effet difficile de les faire venir au parloir si le conjoint libre (ou la personne à qui ils sont confiés) ne le fait pas. Le détenu est particulièrement blessé lorsque l’enfant ne le reconnaît pas ou semble avoir reporté son affection sur un autre membre de la famille. Ainsi, Mourad (centre de détention de Caen) évoque péniblement ses relations avec son fils, que son ex-épouse refuse d’amener au parloir : « La première fois, ça faisait trois ans qu’il ne m’avait pas vu, il ne se rappelait même plus de mon visage. » Quant à Dany (centre de détention de Bapaume), elle raconte :
Ça faisait six mois que j’étais en prison quand mes enfants ont pu venir au parloir. Ça était dur, car le dernier, il avait neuf mois, et il ne m’a pas reconnu. Il avait peur. Il a appelé ma sœur « Maman ! ». C’était très dur... Mais c’est normal, à cet âge-là, ils oublient les visages.
Les détenu(e)s que nous avons rencontré(e)s, lorsqu’ils/elles ont des petits-enfants, entretiennent généralement des liens encore plus pauvres avec eux qu’avec leurs propres enfants. En effet, l’âge et la durée de la peine sont des facteurs d’isolement. Or les détenu(e)s susceptibles d’être grands-parents ont des caractéristiques particulières : soit ils purgent une longue peine, soit ils ont été incarcérés à un âge mûr (et il s’agit alors d’un parcours délinquant atypique : délit/crime à caractère sexuel et crime passionnel notamment). Les petits-enfants étant souvent mineurs, ils dépendent donc de leurs parents pour venir au parloir. La pauvreté du lien avec les petits-enfants (parfois quelques photos ou des dessins) est fréquemment vécue comme la confirmation d’un détachement douloureux des proches, comme l’exprime cet extrait du film Les Maisons hantées (2000), d’Idoia Lopez Ria ?o :
J’ai si peu de parloir, le dernier il y a si longtemps... Ma fille s’est jetée dans mes bras en sanglots, elle m’a dit Maman je vais mettre mon troisième enfant au monde et tu n’es pas là. A coté d’elle se tenait ma petite fille, je me suis penchée pour l’embrasser, mon petit bout de chou. Elle m’a regardée et m’a dit : « Bonjour madame... » Bonjour Madame. Mon sang de Mamie est devenu de l’encre. Bonjour Madame... Bonjour Madame...
Le parloir met en présence deux temporalités, celle du dehors et celle du dedans. Le rythme carcéral pousse le détenu à vouloir « profiter » de la présence de son enfant, qui continue, à l’inverse, de vivre à son rythme. Ainsi, les parents peuvent tout particulièrement attendre un contact physique avec l’enfant (le câliner), alors que celui-ci a envie de jouer. Cela se superpose au temps limité du parloir, provoquant un sentiment de frustration. Au tabou de la raison de l’incarcération, s’ajoute généralement celui de la vie quotidienne en prison. Les détenus expliquent souvent vouloir éviter d’inquiéter leurs enfants. Beaucoup de détenus reconnaissent avoir, en définitive, des discussions pauvres avec leurs enfants, et ils font souvent part du sentiment de n’avoir rien à leur dire, lié à celui de ne pas les connaître.
Pendant longtemps, du fait de l’interdiction générale d’apporter des documents au parloir, beaucoup de parents détenus se plaignaient d’être privés du plein exercice de leur autorité parentale. Dans le même temps, l’enfant pouvait être frustré de ne pouvoir apporter un dessin, un bulletin scolaire, etc. pendant la visite. Le Parlement des enfants a donc proposé, le 19 mai 2001, une loi permettant de faire parvenir les « documents personnels » des enfants (dessins, cahiers scolaires, etc.) au parent. Il demandait aussi la création de lieux d’accueil pour les enfants rendant visite à un parent incarcéré : ils sont encore peu nombreux et leur existence dépend d’initiatives associatives et locales.
Les liens avec les enfants sont souvent valorisés au point que toute menace sur leur maintien, au moins légalement, légitime le recours à la violence. Ces liens semblent alors, pour le détenu, surtout importants pour lui-même, pour sa propre image et son réconfort. Patrice (centre de détention de Bapaume) déclare ainsi : « La seule condamnation, je la connaîtrais dans le regard de mes enfants. » C’est quasiment mot pour mot la dernière ligne de L’Instinct de mort (1977, 325) de Mesrine : « Ma vraie condamnation, je la lirai à chaque parloir dans les yeux de ma fille, et là... je connaîtrai le regret. » D’ailleurs, l’enfant se voit souvent attribuer un rôle de régulateur des tensions de la vie carcérale, bienfait également généralement attribué à la présence d’une compagne ou d’une épouse. Mourad (centre de détention de Caen) déclare ainsi : « Sans mon gamin, je devenais fou. En huit mois, j’ai fait 115 jours de mitard... Depuis qu’on m’amène mon fils, j’ai jamais eu de problème... »
Lorsque les enfants sont amenés au parloir par des bénévoles, notamment ceux du Relais Enfants Parents, leur présence (parfois pendant tout le temps de la visite) est diversement appréciée par les parents détenus. Si certains ont surtout besoin et envie de se retrouver seuls avec leur enfant, pour d’autres, ce parloir, pourtant ardemment souhaité, est difficile, car le lien avec l’enfant s’est peu à peu rompu au fils des années.
J’aimerais que cette bénévole m’aide plus, qu’elle rentre plus dans la
conversation. Moi, je sais pas ce qu’il aime mon fils, les choses qu’il regarde à la télé, qu’est ce qu’il aime comme sport, ce qu’il aimerait faire plus tard, tout est nouveau pour moi. J’ose même pas parler avec lui, en plus, sa mère doit l’endoctriner.
(Mourad, centre de détention de Caen)
Les détenus vivent souvent davantage la présence d’un(e) bénévole - quelles que soient sa discrétion et sa gentillesse - comme une intrusion et une forme de contrôle. Ainsi, Yvon (maison centrale de Clairvaux), voulant absolument voir seul sa fille, déjà adolescente, a dû « foutre l’éducateur dehors ». Excepté cette présence, souvent vécue comme intrusive, un réel accompagnement des parents est rarement prévu. Il dépend surtout d’initiatives privées, comme celles des Relais Enfants Parents ou de la Fondation de France, avec la publication de brochures (voir Annexes, doc. 4.d). L’existence d’une aide peut pourtant être bénéfique. Ainsi, selon la recherche de Snyder-Joy et Carlo (1998) sur les programmes de soutien aux mères incarcérées et à leurs enfants - « Mother-Children Visiting Program » (M.C.V.P.), au Etats-Unis -, ceux-ci permettraient d’améliorer notablement les relations mère-enfants.
Les cadeaux sont souvent une des formes importantes, du côté du détenu, du lien avec l’enfant. Dans certains prisons pour femmes, notamment à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, des ateliers permettent aux détenues de réaliser, elles-mêmes, des cadeaux (poupées de chiffons, par exemple). Il est également possible au détenu d’envoyer de l’argent à une personne à l’extérieur, qui se chargera de l’achat d’un cadeau. Ainsi, Dominique, incarcéré à la maison d’arrêt de Pau, explique : « A Noël, j’avais envoyé un mandat de 100 euros à ma soeur, elle a acheté des cadeaux pour mon fils... »
Le maintien de liens avec l’enfant est souvent particulièrement complexe lorsque la personne est incarcérée pour un délit/crime commis sur un proche. Dans un contexte dramatique, la personne à qui l’enfant est confié doit concilier l’intérêt de celui-ci (son lien avec son parent) et son deuil. Ainsi, Alban (ex-détenu) a été incarcéré pour le meurtre de son épouse, acte qu’il a reconnu et au sujet duquel il exprime une culpabilité considérable :
J’ai entamé une procédure pour revoir mes enfants. C’est ma belle-mère qui en a la garde, et elle a tout fait pour m’en séparer. Maintenant qu’ils sont plus grands, je voudrais les voir... Ma visiteuse connaissait une association qui emmenait les enfants au parloir, alors on avait commencé les démarches. Je suis passé devant le juge des affaires familiales pour récupérer l’autorité, mais ma belle-mère a toujours été contre moi... Le problème, c’est que quand ils seront adultes, je serais un inconnu pour eux... Déjà, ma belle-mère, elle ne m’envoyait presque pas de photos... Je ne sais même pas si elle leur dit pour les cadeaux... Parce que quand je travaillais à la maison d’arrêt de C***, je pouvais leur envoyer de beaux cadeaux, j’avais vraiment de l’argent...
La teneur du lien entre le parent détenu et son enfant passe parfois par une complicité que d’aucuns qualifieraient, pour le moins, d’atypique Ces détenus parviennent à transformer leur incarcération en un « label » qui conforte leur autorité parentale.
Je suis fier d’avoir appris à mes enfants à se défendre. Ma fille, à deux ans, elle donnait des coups de boules. Ils savent qu’il faut pas qu’on touche à eux, celui qui fait ça, je le découpe à la tronçonneuse. (Patrice, centre de détention de Bapaume)
Mes enfants, c’est mes collègues. [...] Il a su à sept ans, en fait, il a deviné tout seul : « T’as attaqué des banques ! » Je lui ai dit que oui, mais que c’est pas bien. Moi, pour mes enfants, je suis plus un conseiller qu’un éducateur... Je leur ai dit : « Je vous déconseille de prendre les armes... » Mais je sais qu’ils me mènent en bateau vite fait ! (Jean-Pierre, maison d’arrêt des Baumettes)
Mon premier parloir, ma mère est venue avec mes deux filles. Ils avaient incarcéré ma femme pour lui mettre la pression. Et ma plus grande fille, elle m’a fait rire, elle m’a dit : « T’as vu les enculés, ils ont pris Maman ! » Mes enfants savent tout, il faut être clair. (Pascal, maison centrale de Clairvaux)
Cependant, l’incarcération (et plus encore la condamnation pour des actes graves) entraîne souvent un sentiment de disqualification symbolique à la tenue d’un rôle éducatif :
C’est vachement difficile de faire la morale à sa gamine quand toi-même t’es au ballon, t’as pas l’air con. Mais il faut quand même le faire parce que sinon ça veut dire que t’es plus son père. (Christian, ex-détenu)
Aucune congruence entre la délinquance et une incompétence parentale n’a cependant jamais été démontrée. Les théories de la déviance, en termes d’« association différentielle » (Sutherland, 1939), puis de « sous-culture » (Cloward et Ohlin, 1960), ont assurément contribué à représenter le délinquant en mauvais parent. Pourtant, les délinquants ne sont pas fondamentalement opposés aux conceptions dominantes du bien et du mal, du bonheur, etc. Ils se contentent de les neutraliser par des excuses, des circonstances atténuantes ou des clauses d’exception (Sykes et Matza, 1961). D’ailleurs, selon Leflore et Holston (1989), les détenu(e)s ne conçoivent pas le rôle parental (« parenting role ») différemment des autres personnes : être un « bon parent » est compatible avec le fait d’avoir des comportements délictueux. Pour sa part, Cusson (1981, 201, 211) attribue davantage les relations difficiles des délinquants avec leurs proches à leur « présentisme » qu’à une quelconque indifférence affective. Du reste, ce « présentisme » apparaît dans les explications de nombre de détenus quant à leur remise à plus tard de l’annonce aux enfants de la vérité.
Mes enfants ne savent pas pourquoi je suis en prison. Mon mari a insisté pour leur dire, mais ça va être délicat, mais faut pas cacher à l’enfant... Ce qui va être dur, c’est que je suis une mère cool, je ne suis pas tout le temps sur leur dos, et là, de leur dire ça... Il va falloir trouver les mots pour pas les brusquer. (Roselyne, centre de détention de Bapaume)

4. Les conséquences sur les enfants de l’incarcération des parents
Nous avons déjà évoqué le sentiment des personnes détenues que leurs proches sont finalement davantage punis qu’elles-mêmes : la punition de priver des enfants de leurs parents paraît particulièrement cruelle. Victimes de l’institution (les enfants sont punis à cause de leurs parents), ils sont aussi instrumentalisés par elle (ils sont le moyen d’une véritable punition).
C’est clair, c’est pas moi qu’ils punissent, parce que de toute façon, ce serait à refaire, je le referais, parce que c’était la vie, tu peux pas tout prévoir dans ta vie... Par contre, c’est surtout ma fille qui a été punie. Parce que moi, j’estime que c’est pas grave que je sois au trou, mais que ma gosse doive venir me voir là... Je me dis que là, c’est eux les vrais meurtriers : on fera pas revenir les victimes en étant au placard, mais eux ils veulent quoi en traumatisant nos gosses ? (Sarah, ex-détenue)
Les propos d’une surveillante, rencontrée durant l’enquête, résonnent dans ma tête : ils sont
significatifs de cette manie du personnel pénitentiaire de constamment se comparer à la population pénale, mais ils soulignent également comment la séparation des enfants est au centre du châtiment pénitentiaire.
Une surveillante : « La seule chose qui manque aux détenues, c’est leur famille, leurs enfants surtout. Sinon, elles ont tout pour être heureuses. Y a des cellules, ça ressemble à des studios... Certains étudiants, ils ont même pas tout ça... C’est propre, ils peuvent avoir un ordinateur. Les détenues ont beaucoup de libertés. Vous allez peut-être rire, mais moi, ici, je compare ça au Club Med ! La vraie punition, surtout pour les femmes, c’est les enfants, ça, c’est dur pour elles. Le reste, ça va... » (Journal de terrain)
Du reste, les comportements (certainement involontaires) de beaucoup d’enfants donnent à leurs parents le sentiment qu’ils sont les véritables victimes de la prison, c’est-à-dire qu’ils en souffrent davantage que leurs parents.
Et il y en a une [de mes filles] qui a des problèmes à l’école, alors je me dis que j’aurais dû attendre. Le grand, il n’arrive pas à accepter. Il parle de faire des bêtises pour être avec Maman. J’lui dis, de toute façon, s’il était à Bapaume, on se verrait qu’au parloir, ce serait pas mieux... (Dany, centre de détention de Bapaume)
La plupart des travaux (Fritsch, Burkhead, 1981 ; Jorgensen et al., 1986) trouvent, chez les enfants dont l’un des parents est incarcéré, divers problèmes psychosociaux. Ils toucheraient l’estime de soi, la sociabilité, la concentration, les résultats scolaires et la santé. Selon Morris (1965), le comportement de 20% des enfants se détériore - certes diversement (impulsivité, problèmes d’alimentation, insomnies, énervement, énurésie, etc.). Ainsi, pour Friedman et Esselstyn (1965), qui ont étudié des enfants dont les parents sont incarcérés en Californie, la seule conséquence visible serait, surtout chez les filles, une baisse des résultats scolaires, s’expliquant par une « parental deception ». En outre, selon Fritsch et Burkhead (1981), les comportements d’« acting-in » (comme la rêverie ou les pleurs) seraient propres aux enfants dont la mère est incarcérée, alors que les enfants dont le père est incarcéré se caractériseraient par des comportements d’« acting-out » (comme les fugues, les problèmes scolaires ou l’usage de drogues). Des résultats similaires de conséquences différenciées selon le sexe du parent incarcéré ont été trouvés par Sack (1977), qui attribue essentiellement les comportements antisociaux aux garçons dont le père est incarcéré.
Mais les résultats des diverses recherches nord-américaines sont très équivoques. Cela est dû à la tendance - soulignée par Pauline et Terence Morris (P. Morris, 1965, 1967 ; T. Morris, P.Morris, 1963) - des détenus et de leurs compagnes à nier les conséquences (physiques et psychologiques) de l’incarcération sur les enfants. De plus, selon Gabel (1992, 307), trois défauts des recherches effectuées expliqueraient la méconnaissance de ces troubles : la confiance accordée aux parents pour révéler ces troubles, l’absence de groupe de contrôle valable et le manque d’études longitudinales.
Crumley et Blumenthal (1973, 778-882) ont décrit les réactions successives des enfants séparés de leur père : la protestation et la colère, le déni et le fantasme, des efforts pour obtenir la restitution, la culpabilité et la recherche d’une punition, l’anxiété et la peur de l’abandon, le rapport ambivalent au père entraînant l’impression d’une forte blessure narcissique et la perte de contrôle du moi. Cette description est similaire à ce que Nagera (1970, 360-400) observe chez les enfants endeuillés : le déni, suivi de la peur d’une « contamination » entraînant sa propre mort, souvent associée au fantasme d’une réunion et, en fait, une courte phase de tristesse.
D’ailleurs, les réactions des enfants à l’incarcération de leurs parents déstabilisent souvent les adultes. Ceux-ci interprètent souvent mal le comportement de l’enfant, pensant, par exemple, qu’il s’agit d’indifférence affective :
Un gosse, ça reste un gosse. Mais moi, j’avais les boules quand mon mari s’est fait serrer, j’avais plus envie de rien, et mes fils, ils avaient envie de jouer, ils continuaient de rigoler, tout ça. J’pouvais pas leur en vouloir, mais par moments, je les supportais plus. (Brigitte, épouse de détenu)
Nous avons évoqué l’absence de causalités entre la dissociation familiale et la délinquance. Ajoutons ici la conclusion de Moerk (1973) : le profil psychologique des enfants dont le parent est détenu ressemble à celui des enfants issus des classes sociales populaires et des « broken homes » : il ne résulte pas de l’incarcération. Pour Mac Cord et al. (1962), la relation entre criminalité et absence du père est le résultat du « broken home », pas de l’absence. Selon P.Morris (1965), deux facteurs expliquent la souffrance des enfants : la nature du lien avec le père avant son incarcération et l’effet de la séparation sur la mère. Sa thèse est corroborée par Amato (1993) : celui-ci estime que, lors d’un divorce, les enfants souffrent moins de la séparation elle même que du conflit inter-parental. La stigmatisation sociale serait l’effet le plus grave sur les enfants dont un parent est incarcéré (Hostetter, Jinnah, 1993), nonobstant des différences selon le type de délit et d’arrestation (Van Nijnatten, 1997). Les absences parentales socialement désapprouvées influenceraient plus négativement le développement social et émotionnel des enfants qu’une absence due au service militaire ou au travail (Gabel, 1992, Moerk, 1973). Selon Daniel et Barrett (1981), les enfants s’inquiéteraient souvent du sort de leurs parents et auraient tendance à s’en accuser ou à en accuser le parent restant. Ces formes de culpabilité seraient similaires à celles des « enfants de divorcés ».
J’ai perdu un doigt il n’y a pas longtemps, j’ai eu un accident de travail. Mon aîné, K***, il m’a dit comme ça : « Maman, je peux te donner un doigt si tu veux. » A force de me retenir, les larmes sont parties... Ils savent que je souffre, ils le ressentent, même si je ne dis rien. Parce que je me maquille, je me fais belle... (Dany, centre de détention de Bapaume)
L’impossibilité d’une relation « normale » entre l’enfant et son parent détenu semble, en définitive, aussi perturbatrice pour l’un que pour l’autre, comme l’exprime Claire (épouse de détenu) :
Je peux pas dire que la prison ça détraque nos deux fils, ça serait faux. Mais je dirais que ça les prive de l’affection normale qu’ils devraient avoir de leur Papa, et en plus le Papa se culpabilise de ne pas pouvoir leur donner...

[1] Voir : La mainmise de l’Église catholique sur les prisons de femmes, Le Monde Libertaire, août 1997, h.s., 8 ; Libération, 22-23 janvier 2000 ; Albrecht, Guyard, 2001, 93

[2] Voir : Quelle prévention sida pour les lesbiennes ?, Action (journal d’Act Up), janvier 2003

[3] Sauf décision du juge civil (en cas de mauvais traitements sur l’enfant) ou du juge pénal (en cas de culpabilité ou complicité de délit/crime à leur encontre)