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A05 La contrainte judiciaire (87-97)

Publié le vendredi 7 décembre 2007 | http://prison.rezo.net/a05-la-contrainte-judiciaire-87-97/

Même si elle ne figure pas aux côtés des autres peines criminelles et correctionnelles listées par le législateur, la contrainte judiciaire, qui a remplacé l’ancienne contrainte par corps au 1er janvier 2005, constitue bel et bien toujours un emprisonnement. Cet emprisonnement, ici utilisé comme moyen de pression, s’applique lorsque le condamné ne s’acquitte pas de ses obligations pécuniaires envers le Trésor public et concerne, dans la plupart des cas, des personnes qui ont été condamnées pour des infractions de trafic de stupéfiants. Le 31 décembre 2005, quarante-six personnes étaient touchées par une contrainte judiciaire dans les prisons françaises.

87 Qu’est-ce que la contrainte judiciaire ?
La contrainte judiciaire consiste à incarcérer ou maintenir en détention une personne solvable qui n’est pas acquittée de certaines amendes, auxquelles elle a été condamnée par le Trésor public ou l’administration des douanes. Instituée par la loi du 9 mars 2004, la contrainte judiciaire remplace, depuis le 1er janvier 2005, la contrainte par corps. Au regard du type d’amendes concernées, le champ d’application de la contrainte judiciaire intervient désormais dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, sur décision du JAP (juge de l’application des peines), à l’issue d’un débat contradictoire, et non plus sur la base de simples réquisitions du parquet, comme c’était le cas pour la contrainte par corps.

88 Pour quelques motifs une contrainte judiciaire peut-elle être prononcée ?
La contrainte judiciaire peut être exercée en cas de non-paiement volontaire d’une ou de plusieurs amendes, y compris les amendes fiscales ou douanières, prononcées par une juridiction pénale (tribunal correctionnel ou cour d’assises) pour une infraction faisant encourir une peine d’emprisonnement. A la différence de l’ancienne contrainte par corps, la contrainte judiciaire ne peut donc plus être prononcée en matière correctionnelle, ni pour les amendes sanctionnant un délit non passible d’emprisonnement. La contrainte judiciaire est également exclue pour le recouvrement de sommes qui ne correspondent pas à des amendes (droits et taxes, pénalités résultant d’une transaction, condamnations au paiement des réparations civiles, taxation d’office, recouvrement d’impôts, etc.). Cette mesure ne peut pas non plus être exercée pour des amendes inférieures à un montant de 2.000 euros. Cependant, la contrainte judiciaire peut s’exercer pour des sommes inférieures lorsque la personne a été condamnée à plusieurs amendes (y compris à l’occasion de procédures séparées). En effet, le montant de ses amendes peut se cumuler, dès lors que chacune d’elles sanctionne un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Ainsi, la mesure pour une amende de 1.000 euros et une seconde de 1.500 euros. D’autre part, la contrainte judiciaire peut être prononcée à l’égard d’une personne condamnée à des jours-amendes, qui ne s’acquitte pas des sommes dues (quel qu’en soit le montant) dans le délai fixé par la loi.

89 Qui peut faire l’objet d’une contrainte judiciaire ?
Toute personne déclarée coupable et condamnée par une juridiction pénale peut faire l ‘objet d’une contrainte judiciaire, que l’infraction lui ait été imputé à titre d’auteur, de coauteur ou de complice. Il existe, cependant, plusieurs cas d’exceptions qui concernent les personnes mineures au moment des faits, les personnes âgées d’au moins soixante-cinq ans au moment de la condamnation et les personnes qui peuvent justifier de leur insolvabilité. La preuve de celle-ci peut être apportée « par tout moyen », mais le JAP est seul juge de la pertinence des éléments présentés par le condamné. En pratique, le certificat de non-imposition constitue le plus souvent la meilleure preuve de l’insolvabilité du condamné. Enfin, si la contrainte judiciaire peut être prononcée à l’encontre d’un mari et d’une femme, elle ne peut, en revanche, être exercée simultanément contre les deux époux, même pour le recouvrement de sommes correspondant des condamnations différentes.

90 Quelle est la procédure de mise à exécution d’une contrainte judiciaire ?
L’incarcération (ou le maintien en détention) dans le cadre d’une contrainte judiciaire n’est possible qu’en cas de défaut total ou partiel du paiement de l’amende. Qui plus est, le recouvrement de cette amende « par un autre moyen » doit toujours avoir été recherché En outre, la mise en œuvre de la contrainte judiciaire doit être précédée de l’envoi d’un commandement de payer émanant du Trésor public ou de l’administration des douanes. Ce commandement doit avoir été reçu au moins cinq jours auparavant par la personne concernée. Il s’agit là de la dernière invitation à s’acquitter volontairement de l’amende. Dans le cas où le jugement de condamnation n’a pas été signifié à la personne, le commandement de payer doit comporter un extrait du jugement, comportant le nom des parties, le contenu de la décision prise par la juridiction et le montant des condamnations pécuniaires prononcées. La notification du commandement de payer ne doit pas dater de plus d’un an. Autrement, un nouveau commandement de payer doit être adressé à la personne. A l’expiration du délai de cinq jours, le Trésor public peut adresser une demande de mise en œuvre de la contrainte judiciaire au parquet compétent, afin que celui-ci saisisse le JAP. La compétence est reconnue au parquet et au JAP de la juridiction dans laquelle est situé soit l’établissement pénitentiaire, lorsque la personne est écrouée, soit la résidence habituelle du condamné, lorsque la personne est libre.

91 Qui décide d’une contrainte judiciaire ?
A la différence de l’ancienne contrainte par corps, la contrainte judiciaire est une mesure juridictionnelle, c’est-à-dire que c’est désormais le JAP qui la prononce, selon la même procédure que les aménagements de peine. Le magistrat statue par jugement motivé, après avis d’un représentant de l’administration pénitentiaire (si la personne est détenue) et à l’issue d’un débat contradictoire, au cours duquel il entend les réquisitions du procureur et es observations du condamné, ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat (Q.121). Le JAP peut procéder ou faire procéder à tous examens, auditions, enquêtes, expertises, réquisitions ou autres mesures utiles (Q.113). Il peut, à ce titre, entendre ou faire entendre la partie poursuivante à l’origine de la procédure, le cas échéant lors du débat contradictoire. Le JAP décide, ensuite, s’il y a lieu de mettre en œuvre la contrainte judiciaire. S’il estime que les conditions sont remplies, il ordonne l’emprisonnement de la personne, ou la prolongation de son emprisonnement si elle est déjà écrouée. Il peut également décider d’ajourner la décision et d’accorder un délai de paiement au condamné, s’il estime que sa situation personnelle le justifie. Cet ajournement ne peut excéder six mois. A l’issue de ce délai, un nouveau débat contradictoire a lieu, afin de vérifier si le condamné a payé l’amende et de statuer sur la contrainte judiciaire. Toutefois, si l’amende a été payée dans le délai fixé, le procureur de la République peut en informer le juge avant l’audience pour lui faire savoir qu’il n’y a plus lieu de mettre en œuvre une contrainte judiciaire. La procédure peut alors être classée, sans nouveau débat contradictoire. Les décisions du JAP peuvent faire l’objet d’un appel du condamné ou du procureur de la République dans un délai de dix jours à compter de leur notification devant la chambre de l’application des peines de la cour d’appel (Q.123 et 124). En cas d’appel du condamné, le parquet dispose d’un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement pour intenter, à son tour, un recours.

92 Que se passe-t-il en cas de prononcé d’une contrainte judiciaire ?
Une fois la contrainte judiciaire prononcée, la décision du JAP est exécutoire par provisoire, c’est-à-dire que, même en cas d’appel, l’emprisonnement doit être mis à exécution immédiatement. La contrainte judiciaire s’exécute alors à la suite de la peine privative de liberté purgée par le condamné. Si celui-ci est libre, il doit être incarcéré sans délai. Si le condamné avait été admis à la libération conditionnelle, celle-ci est différée. Dans ce cas, le délai d’épreuve de la libération conditionnelle est suspendu durant l’exécution de la contrainte judiciaire et sera, par la suite, prolongé d’autant.

93 Quelle peut être la durée de la contrainte judicaire ?
La durée de la contrainte judiciaire est fixée par le JAP dans la limite d’un maximum fixé par la loi en fonction du montant de l’amende ou des amendes. Cette durée maximale est de vingt jours, lorsque l’amende est au moins égale à 2.000 euros sans excéder 4.000 euros ; d’un mois, lorsque l’amende est supérieure à 4.000 euros sans excéder 8.000 euros ; de deux mois, lorsqu’elle est supérieure à 8.000 euros sans excéder 15.000 euros ; et de trois mois pour les amendes supérieures à 15.000 euros. Pour certaines infractions mentionnées à l’article 706-26 du Code de procédure pénale, relatives aux trafics de stupéfiants (ou pour les infractions douanières connexes à ces infractions), la durée maximale de la contrainte judiciaire est portée à un an, à condition, toutefois, que la ou les amendes excèdent 100.000 euros. En ce qui concerne le non-paiement de jours-amendes, la durée d’emprisonnement encouru est égale au nombre de jours-amendes impayés.

94 Dans quelles conditions s’exécute une contrainte judiciaire ?
La contrainte judiciaire s’exécute une fois que toutes les peines privatives de liberté sont purgées. Le contraint judiciaire est incarcéré en établissement dans un quartier désigné à cette fin, où il doit être séparé des autres détenus (non contraints judiciaires). Il est soumis au même régime de détention que les condamnés. Il ne peut bénéficier des grâces et amnisties qui ne concernent pas la peine d’amende à l’origine de la contrainte. Sauf si la contrainte judiciaire sanctionne un défaut de paiement de jours-amendes, il ne peut prétendre non plus au CRP (crédit de réduction de peine), ni aux RPS (réductions de peine supplémentaires). En matière d’aménagement de peine, le contraint judiciaire ne peut bénéficier qu d’une semi-liberté ou d’un placement à l’extérieur. Néanmoins, les conditions de délai habituellement prévues dans le cadre de ces mesures ne lui sont pas applicables. Par ailleurs, le contraint judiciaire peut se voir octroyer des permissions de sortir.

95 Comment peut-on prévenir ou faire cesser les effets d’une contrainte judiciaire ?
Pour prévenir ou faire cesser une contrainte judiciaire, l’intéressé doit payer les amendes dues, soit directement auprès de l’administration créancière (Trésor public ou administration des douanes), soit au greffe du tribunal, soit au service comptable de l’établissement pénitentiaire. Un paiement partiel peut suffire, à condition que le créancier l’accepte. Ainsi, il arrive que l’engagement du condamné à verser régulièrement ne somme à l’administration lui permette d’éviter la contrainte, ou de la faire cesser. Si le paiement intégral n’est pas effectué, la contrainte peut être, à nouveau, requise pour le paiement des sommes restant dues, à condition, toutefois, qu’elle n’ait pas été précédemment mise à exécution. En effet, quelle que soit la cause pour laquelle une contrainte judiciaire a pris fin, elle ne peut plus être exercée pour la même dette. La consignation d’une somme suffisante pour éteindre la dette peut également s’effectuer auprès de la Caisse des dépôts et consignations, accompagnée de la décision de justice prononçant la condamnation pécuniaire et d’une déclaration de consignation détaillant les amendes. Enfin, le condamné peut fournir une caution, qui doit être reconnue comme étant « bonne et valable » par le receveur des finances ou, en cas de contestation, par le président du TGI (tribunal de grande instance) statuant en référé. La caution doit payer dans le mois suivant son engagement. A défaut de paiement, elle est susceptible de faire l’objet d’une saisie.

96 Le paiement des amendes peut-il s’effectuer par le biais du compte nominatif du détenu ?
Les valeurs pécuniaires du détenu sont inscrites sur un compte nominatif ouvert par l’établissement pénitentiaire et divisé en trois parts : celle pour l’indemnisation des parties civiles et des créanciers (bénéficiaires de pensions alimentaires), celle affectée à la constitution du pécule de libération et celle qui constitue la part disponible. En principe, seule cette dernière part amende. Le condamné qui souhaite prévenir ou faire cesser les effets de la contrainte judiciaire peut, cependant, demander à ce que les sommes inscrites sur la part réservée au pécule de libération et sur celle réservée aux parties civiles et créanciers d’aliments soient attribuées au paiement de sa dette. Pour cela, il faut, cependant, que les parties civiles aient été entièrement indemnisées (ou bien qu’il n’en existe pas ou qu’aucun dommage-intérêt n’ait été accordé) et qu’aucun créancier d’aliments ne soit prévalu de sa créance. Le détenu doit obtenir l’autorisation du chef d’établissement (pour le versement du pécule de libération) et demander au parquet un avis confirmant l’inexistence de parties civiles. Muni de ces documents, il peut, ensuite, proposer à l’administration créancière un montant global, intégrant les sommes inscrites su les trois parts du compte nominatif. Les versements n’interviennent pas avant la fin de l’exécution de la condamnation pénale.

97 Que se passe-t-il à la fin de la contrainte judiciaire ?
Le condamné qui a fini de subir la contrainte judiciaire est libéré, mais le montant des condamnations pour lesquelles la mesure a été exercée reste dû. Lorsque la contrainte judiciaire a pris fin, quelle qu’en soit la cause, elle ne peut plus être exercée ni pour le même dette ni pour les condamnations antérieures à son exécution, sauf si celles-ci, par leur montant, entraînent une contrainte plus longue que celle déjà subie. Dans ce cas, l’incarcération liée à la première contrainte judiciaire est déduite de la nouvelle. Par ailleurs, dans le cadre d’une demande de réhabilitation, s’il ne justifie pas du paiement de l’amende et de dommages- intérêts, le condamné doit établir qu’il a subi le temps de contrainte judiciaire ou que le Trésor public a renoncé à ce moyen d’exécution.

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