Publié le dimanche 20 janvier 2008 | http://prison.rezo.net/2008-01-lettre-de-delphine-boesel/ Paris, le 19 janvier 2008 Chère Catherine, Je reçois ce jour une très longue lettre de Cyril, qui se trouve au quartier disciplinaire depuis maintenant presque une semaine. Depuis les quatre années que je le connais, il m’a souvent écrit de longues lettres pour me raconter ses conditions de détention et me demander d’intervenir auprès des directions des différents établissements dans lesquels il se trouvait ; C’est la première fois que je ressens de la résignation dans ses propos, tellement sûr que tout sera fait pour l’empêcher de sortir. Il doit comparaître devant un juge de l’application des peines dans 10 jours pour présenter son projet d’aménagement de peine. Mais, nous ne pouvons nous empêcher de penser que les jeux sont déjà faits. Et cela, en raison du comportement de l’administration pénitentiaire avec lui depuis plusieurs années. Cette administration essayera de nous faire croire qu’elle ne peut intervenir dans une décision qui sera prise, c’est vrai, par un magistrat. Mais lorsque l’on voit tous les bâtons qui sont mis dans ses projets, on ne peut que penser que l’une des missions de l’administration pénitentiaire qui consiste à assister une personne détenue dans sa réinsertion n’est absolument pas remplie concernant Cyril. Je le connais depuis plusieurs années et pourrais parler de ce que j’ai vécu à vos côtés depuis tout ce temps : recours administratifs pour l’isolement, les transferts incessants.... Mais, je préfère vous parler d’aujourd’hui, maintenant qu’il est condamné définitif, en fin de peine, et qu’il ne pense qu’à une seule chose : retrouver sa femme et sa fille de 5 ans. Or, depuis qu’il est arrivé au centre de détention de Meaux Chauconin, cela fait plusieurs mois, il se trouve toujours dans un étage « fermé », un régime de détention identique à celui des maisons d’arrêt. Il n’a accès à aucune activité et a, à plusieurs reprises, demander à être reçu par le service qui s’occupe d’un stage Théâtre. Certains détenus arrivés après lui ont déjà été reçus et ont déjà commencé la formation.... Dès son arrivée, il a demandé à voir un psychologue. Plusieurs courriers écrits par ses soins, qui n’ont reçu pour unique réponse qu’il était inscrit sur la liste d’attente et qu’il fallait attendre son tour. J’ai tenté d’intervenir auprès de la direction, du JAP de MEAUX. J’ai, par ailleurs, assisté Cyril devant une commission de discipline au mois de septembre 2007, alors qu’il était accusé d’avoir proféré des menaces et des insultes contre des surveillants et d’avoir provoqué un tapage. Nous avons longuement parlé de cette affaire, qui s’est soldé par une « relaxe » sur les faits de menaces et d’insultes. Seul le tapage a été retenu parce qu’il avait osé jeter ses béquilles au sol. Evidemment nous avons immédiatement fait un recours administratif contre cette décision mais le temps que le tribunal administratif ne nous réponde... Il avait interjeté appel contre la décision de retrait des crédits de réductions de peines, mais on lui a apporté le formulaire tardivement et il n’était plus dans les délais.... Par la suite, un nouveau passage en commission parce qu’alors qu’il se trouvait au quartier disciplinaire pour la précédente affaire, il a insulté une surveillante. Il a reconnu ce fait et s’est d’ailleurs excusé auprès de celle-ci. Notons quand même qu’il n’avait rien à y faire dans ce mitard... Et enfin, et j’aimerai vraiment pour lui et vous sa famille, que cet adverbe représente la réalité, dernier élément démontrant l’acharnement, mais pas des moindres, ce dernier passage en commission de discipline, où il est condamné à 8 jours de quartier disciplinaire et non révocation du sursis antérieur. Un surveillant s’est plaint que Cyril l’ait bousculé. Lorsque l’on connaît les conséquences que 8 jours de quartier peuvent avoir sur lui, son dossier et surtout sur la présentation qui sera faite de lui devant le JAP dans 10 jours, cela fait froid dans le dos.... Evidemment, nous allons engager un recours pour montrer aussi à la juridiction administrative comment les débats peuvent se tenir devant une telle commission, alors que la première parole de la directrice fut de dire : « de toute façon, je crois ce que le surveillant a écrit »... Comme vous le savez, je n’étais pas présente. J’avais vu Cyril le matin, nous avions préparé ensemble des conclusions visant à la convocation de tous les témoins et à la relaxe de Cyril. Cependant, Cyril était assisté de Me Isabelle BENAZETH, une consoeur, qui m’a rapporté exactement dans les mêmes termes, les premières paroles de Madame LORNE, la directrice de l’établissement. Et finalement, des exemples comme cela, j’en ai malheureusement de très nombreux. Et un dernier en date, que j’apprends en lisant le courrier qu’il vient de m’adresser : au mitard depuis lundi, le 14 janvier, il a demandé ses cours par correspondances du CNED. On vient à peine de lui en amener certains mais qu’il ne pourra renvoyer au correcteur car les cours en sa possession ne sont pas complets....elle est belle la réinsertion.................. Alors pour éviter tout problème, il m’a indiqué que dès sa sortie du quartier, il réintègrera sa cellule en détention et se mettra « en mode QI », à savoir qu’il ne sortira de la cellule qu’à l’occasion des parloirs. Alors, que pourrais-je lui répondre lorsqu’il me posera la question de savoir quand il sortira ? est ce que son projet d’aménagement de peine, plus que sérieux et travaillé par lui, est valable et suffisant pour un juge d’application des peines ? Est ce que j’oserai soutenir son regard en essayant de le rassurer ? Voilà, Chère Catherine, ce que je ressens actuellement et ce que je peux dire sur la situation de Cyril, qui veut quand même que vous sachiez, vous et tous ses proches, qu’il ne faut pas que vous vous inquiétez et qu’il restera zen quoiqu’il arrive.
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