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Les soins et les injonctions de soins en milieu pénitentiaire et leurs conséquences sur la situation pénale de l’intéressé

Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins du 7 février 2008 M. Piernick CRESSARD

La consultation du code de déontologie médicale, de la loi du 4 mars 2002 dite des droits des patients peut-elle nous guider dans la prise en charge des personnes placées sous l’autorité de la justice.

Pour le médecin, la personne qui consulte doit bénéficier des droits inscrits dans le code de déontologie et dans la loi du 4 mars 2002.

« Les détenus sont des personnes comme les autres. Ils ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination en raison de leur détention ou de ses causes. Au contraire, en tant que personnes privées de liberté, ils doivent être l’objet d’une attention spéciale » (Pr Bernard HŒRNI : « Aspects déontologiques de la médecine en milieu pénitentiaire » 1996-2001)

Les articles 2, 4, 7, 10, 42, 44, 76, 105 du code de déontologie médicale (figurant sous les articles R.4127-1 et suivants du code de la santé publique), d’application relativement simple dans l’exercice habituel du médecin, peuvent entrer en contradiction avec des lois concernant les personnes détenues dans l’attente d’un jugement, ou condamnées à une peine ferme de privation de liberté.

Composition de la population pénale - Les prévenus en détention provisoire, placés par décision de justice dans l’attente de leur jugement, - Les condamnés à une peine de privation de liberté qui peuvent être incarcérés en maison d’arrêt, en maison centrale, en centre de détention.

Les structures de soins La loi du 8 janvier 1994 a créé des services rattachés au service public hospitalier :

- UCSA - Unité de consultations de soins ambulatoires - SMPR - Services médico-psychologiques régionaux

La loi du 9 septembre 2002 a créé l’UHSA - Unité hospitalière spécialement aménagée (ouverture prévue en 2007)

L’exercice médical

L’exercice médical en prison est un exercice médical hospitalier avec les droits afférents : libre accès aux soins, secret médical, information loyale, claire, appropriée, consentement aux soins, droit au refus de soins, accès au dossier médical, assistance par une personne de confiance.

Cet exercice fait accepter certains aménagements liés à la sécurité du personnel médical et du personnel pénitentiaire, mais sans remettre en cause les principes éthiques.

La population psychiatrique en prison

En 1994, le nouveau code pénal a bouleversé la finalité de l’expertise psychiatrique. Dans l’ancien code le médecin psychiatre devait déterminer si la personne était « en état de démence » lors de l’accomplissement des faits criminels. Lorsque cet état était constaté, la personne était déclarée irresponsable, l’action de la justice s’arrêtait, la personne était confiée au secteur psychiatrique sous le régime de l’hospitalisation d’office.

Dans le nouveau code, le médecin psychiatre doit répondre à une double interrogation : la personne présente un état entraînant une abolition du discernement, ce qui correspond à l’ancienne dénomination de l’état de démence ; la personne présente une altération du discernement, dans ce cas il sera jugé, condamné, souvent plus sévèrement afin de préserver la paix sociale.

Le pourcentage des personnes considérées comme irresponsables de leur comportement criminel est passé de 0,9 % en 1992 à 0,24 % en 2007.

La peine pénale entraîne une privation de liberté, elle ne peut pas être considérée comme une obligation de soins. Les soins doivent être proposés avec toutes les garanties propres à l’acte médical. Le soin ne peut avoir d’intérêt que si la personne reconnaît son comportement comme pathologique, qu’il en fait la demande, afin d’être aidé à contrôler son comportement comme dans les pathologies addictives, ou certaines pathologies des délinquants sexuels.

La loi du 12 décembre 2005 sur le traitement de la récidive des infractions pénales prévoyait que des remises de peine supplémentaires pourraient être accordées à un condamné s’il acceptait de suivre un traitement destiné à limiter les signes de récidive ; qualité du suivi attestée par des observations, à l’usage de l’administration, rédigées par le médecin consulté.

Le médecin ne peut pas se soumettre à ces pressions de l’administration pénitentiaire, comme il ne peut pas donner son avis sur l’état de santé d’un détenu, à la demande de l’administration avant de le punir au cachot. L’administration doit recourir à un médecin expert missionné pour répondre aux questions précises.

L’obligation est dans certains cas une mesure utopique : la personne peut feindre l’adhésion à la prise en charge dans le seul but d’obtenir le bénéfice de l’aménagement de la peine, il peut ne pas prendre les traitements prescrits, il peut exercer une pression sur le médecin pour obtenir des appréciations favorables.

L’enfermement génère des troubles psychologiques, nombreux sont ceux qui ont présenté des troubles anxieux, des états dépressifs, des suicides.

La réponse est souvent la prescription de médicaments psychotropes du fait du manque de personnel médecin, et de l’aide sociale afin de préparer la future réinsertion de la personne dans la société.

Les solutions proposées !

L’institution judiciaire interroge le médecin expert sur la dangerosité d’une personne mise en cause ou lors d’une demande de mainlevée d’hospitalisation d’office.

La réponse est difficile à formuler tant la définition de la dangerosité est floue : « le potentiel de nocivité sociale d’un sujet » G. HEUYER. Chacun d’entre nous est porteur d’une dangerosité potentielle en fonction des circonstances en réponse à une agression, une frustration, un abus.

Par ailleurs, il faut distinguer entre la dangerosité liée à un état psychiatrique comme dans les psychoses, les états dépressifs où la personne est souvent dangereuse pour elle-même et la dangerosité sociologique du psychopathe qui prend plaisir, à son insu, à retrouver le sens étymologique de dominer l’autre par la puissance.

L’expert peut donner un pourcentage sur la dangerosité éventuelle d’une pathologie psychiatrique, mais il ne peut pas l’affirmer pour une personne.

La société réagit d’une manière émotionnelle et sécuritaire, lorsqu’un crime odieux est commis par une personne en état de récidive. Cette réaction amplifiée par les médias est surtout vive lorsqu’il s’agit d’un patient atteint d’un trouble psychiatrique.

La société remet en cause le suivi, exigeant que l’on passe d’une logique de soins à une logique de sanction.

C’est dans cet état d’esprit que le Parlement sur proposition du Gouvernement discute de l’établissement de « centres médico-judiciaires de sûreté », où la personne serait enfermée après l’accomplissement de la peine pénale, sur la constatation d’une dangerosité, suite à une expertise psychiatrique. Cette mesure n’aurait pas de limite dans le temps puisqu’elle pourrait être reconduite après examen de sa situation.

Cette mesure ne serait applicable qu’à certaines conditions aux délinquants sexuels.

Si l’on considère les mesures de contrôle prises depuis quelques années :

1998, le suivi socio judiciaire avec injonction de soins,

2003, surveillance judiciaire,

2004, fichier judiciaire avec obligation de se présenter à la police,

2005, surveillance électronique par bracelet mobile,

La société envisage d’exiger que pour tout crime « odieux », la personne coupable qui présenterait une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive, soit enfermée dans un centre de ce type, autre que sexuel, entraînant une condamnation de 15 ans et plus.

Conclusion Dans une société démocratique, la liberté individuelle ne va pas de soi, elle existe par rapport à son contraire, la contrainte politico-morale, et son mauvais usage.

La société doit accepter que nous ne pouvons pas tout réglementer dans la vie sociale même si le principe de précaution est inscrit dans la constitution.

Le suivi médico psychiatrique est un élément essentiel dans la réintégration sociale d’un détenu condamné à une longue peine.

Dans le respect des droits des patients, du code de déontologie, le médecin doit s’efforcer de convaincre de la nécessité, pour lui, d’accepter les soins, en lui rappelant la confidentialité des entretiens, en lui rappelant la réalité du secret médical mais en lui reconnaissant la capacité d’exprimer sa volonté en refusant les soins avec l’acceptation des conséquences de ce refus.

 
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