Publié le mercredi 30 juillet 2008 | http://prison.rezo.net/reflexions-suggestions-sur-la/ Réflexions, suggestions sur la Circulaire informatique La dernière circulaire informatique de l’Administration pénitentiaire va poser des problèmes tels que l’utilisation courante des ordinateurs ne sera plus possible. Si elle n’est pas assouplie, les ordinateurs personnels vont disparaître des prisons. Seuls quelques postes en accès généralement très restreint subsisteront dans les salles informatiques (scolaires ou associatives) pour des activités très limitées (généralement, bureautique de base). Autant dire que les utilisateurs avancés, créatifs, étudiants pourront faire une croix sur leurs projets. Plusieurs établissements rendent déjà impossible l’acquisition d’un PC, d’équipements, de logiciels. La loi du 22 juin 1987, article 1, fait obligation au service public pénitentiaire de soutenir la formation et le travail. La formation ne s’entend pas uniquement dans des salles de cours aux accès et horaires réduits : les détenus doivent pouvoir étudier et pratiquer en cellule et être autodidactes. Voici les plus graves problèmes que pose la circulaire : Il est prévu de détruire de manière irréversible certains éléments électroniques en cas d’achat d’un ordinateur, le revendeur agréé étant supposé effectuer l’opération et assurer ensuite une sorte de garantie sur du matériel endommagé. • Il est très improbable que les fabricants des matériels (carte mère, carte graphique, etc.) acceptent qu’un de leurs revendeurs détériore volontairement leurs produits, d’autant qu’en cas de panne ces derniers leurs seront retournés pour échange. Ceci pourrait valoir un retrait d’agrément des marques concernées à l’encontre du vendeur agréé, voire des poursuite pour préjudice à l’image de marque. La circulaire prévoit que revendeur et acheteur ignorent l’identité de l’autre, et qu’un détenu n’ait pas en sa possession de facture nominative. • Même si l’administration pénitentiaire prétend qu’une facture originale nominative conforme aux lois commerciales est conservée, l’utilisateur détenu n’en a aucune preuve et peut réclamer à bon droit une facture nominative au lieu d’un document comportant son numéro d’écrou. Il est propriétaire de plein droit. La non occultation du nom de l’acheteur ne pose pas de problème de sécurité : elle a été pratiquée des années durant, particulièrement en maisons centrales, ce qui n’empêchaient pas le vendeur et l’administration de s’assurer que le matériel était bien conforme aux restrictions en vigueur. Unicité des matériels Il est prévu de limiter à un exemplaire chaque type de périphérique, de matériel, d’accessoire. Ce principe dit de l’échange « un contre un » viserait à empêcher trafics et rackets de matériel d’occasion. • Cet argument est paradoxal car la circulaire prévoit en même temps que les ordinateurs soient scellés. Sans possibilité d’ouverture des ordinateurs, aucun trafic, aucun vol n’est possible. Interdiction des objets vendus avec les magazines : dysfonctionnements garantis • Un CD / DVD pressé « pédagogique / culturel » est autorisé (page 32) mais un CD / DVD pressé vendu avec un magazine est interdit (page 9). Pourtant les DVD de magazines grand public sont bien pédagogiques et accessoirement culturels. Là, le seul moyen d’acquérir un CD ou un DVD pressé serait désormais de l’acheter. Ceci pose de très sérieuse questions : liberté de choix des produits, vente forcée, monopole commercial. Alors que les citoyens sont libres de trouver des milliers de logiciels sur Internet et dans les DVD des magazines grand public, les détenus ne pourraient utiliser que des logiciels commerciaux disponibles chez un ou deux revendeurs agréés ? Il faut clairement souligner que les vendeurs, par définition, ne proposent pas tous les logiciels gratuits (libres). Or ceux-ci couvrent aujourd’hui tous les domaines possibles. Exemples de conséquences possibles : • Un détenu utilisant Windows achète un nouveau matériel (carte son, carte vidéo, imprimante) et découvre qu’il ne fonctionne pas ou mal à cause d’un bug logiciel : un correctif est nécessaire, disponible sur le web ou dans les DVD d’utilitaires vendus chaque mois avec la presse grand public. Il aura ainsi acheté un matériel qu’il ne peut utiliser et qu’on refusera peut-être de remplacer. La nouvelle lourdeur des procédures demandera en outre des semaines, des mois. Interdiction de certains logiciels L’interdiction de certains logiciels est injustifiable pour une raison très simple : les ordinateurs des détenus sont isolés, coupés du monde entier et des réseaux. Dès lors, il n’existe aucun danger à utiliser un logiciel quel qu’il soit car rien ne sortira de l’ordinateur. Un logiciel, rappelons cette évidence, est un service immatériel qui, sans communication, n’a aucune influence sur le monde réel. L’administration avance régulièrement les risques d’évasion pour lesquels l’ordinateur serait subitement devenu une menace. Pour cela, il faudrait qu’une communication soit possible. Or, il convient de rappeler que les détenus dangereux susceptibles de se faire la belle sont rarement férus d’informatique. Si nécessaire, ils communiquent par des moyens traditionnels (parloirs, visiteurs, corruption, chantage, permissionnaires, courrier clandestin). L’informatique n’est pas un danger sérieux mais un confort qui commence peut-être à déplaire. Conclusion L’ordinateur est omniprésent dans le monde moderne. Qui peut encore s’en passer ? Au lieu de réfléchir à un accès Internet contrôlé comme dans les entreprises et les écoles, à des réseaux locaux internes, à la distribution de logiciels libres pour diffuser la connaissance de l’outil informatique, l’administration pénitentiaire entend faire de l’ordinateur un luxe rare, octroyé seulement à certains détenus qui auront le « profil » et les moyens financiers. Les autres devront renoncer et rester des parias. Seuls les logiciels commerciaux seront autorisés. Les vendeurs agréés auront le monopole d’un marché captif qu’ils ponctionneront à chaque demande. L’achat de matériel et de logiciels sera soumis à un empilement de contrôles qui entraînera des délais tels que des projets d’étude, de travail, de formation seront retardés, brisés ou rendus impossibles faute de réactivité. L’absence de mises à jour obligatoires, disponibles en CD / DVD par magazines grand public, affolera les anti-virus, bloquera les logiciels et l’utilisation de certains périphériques, déséquilibrera les systèmes d’exploitations. Les matériels trop récents ne fonctionneront pas s’il faut corriger des bugs. Les données, les travaux stockés sur disque dur unique se volatiliseront régulièrement au fil des erreurs de manipulation, réinstallation, partitionnements, défaillances, coupures de courant. Des détenus se décourageront, renonceront, capituleront. L’ordinateur disparaîtra progressivement. Les détenus auront plus de temps pour regarder la télévision. Ban Public |