Défini par l’article L.111-1 du Code de l’éducation comme « le droit pour chacun à une éducation permettant le développement de sa personnalité, son insertion sociale et professionnelle et l’exercice de sa citoyenneté », l’enseignement est censé, en milieu carcéral, constituer un vecteur essentiel de la préparation à la sortie. En effet, sa finalité est de « contribuer à ce que la personne détenue se dote des compétences nécessaires pour mieux se réinsérer dans la vie sociale et professionnelle », précise une circulaire d’orientation du ministère de la Justice datée du 5 avril 2002. Les activités d’enseignement en prison ont vocation à s’adresser prioritairement aux personnes qui ont souvent été exclues précocement du système solaire. Cette politique nécessite le développement de l’offre d’enseignement de tous niveaux et sa gratuité, la validation des acquis en détention et l’organisation d’une continuité de formation entre l’intérieur et l’extérieur de la prison. Nous en sommes loin. Faute de moyens : pour l’année scolaire 2004-2005, 365 instituteurs ou professeurs des écoles à temps plein et plus de 100 à temps partiel ont été mobilisés pour l’enseignement de premier degré. Par ailleurs, persiste la fréquente impossibilité pour les détenus de suivre un enseignement tout en travaillant pour éviter la très grande pauvreté. L’enseignement dispensé demeure très inégalement réparti, insuffisamment diversifié et faiblement utilisé dans la perspective d’aménagements de peine. Au regard des 85.540 incarcérations recensées en 2005, l’administration pénitentiaire a totalisé à 43.802 le nombre de personnes ayant suivi un enseignement (25.952 du premier degré, 16.911 du second degré, 939 de niveau supérieur) au sein des établissements et 4.779 personnes inscrites aux cours par correspondance.
456 dans quel cadre s’inscrit le service de l’enseignement ?
L’enseignement en prison est encadré par la convention du 29 mars 2002 élabore conjointement par la direction de l’enseignement scolaire du ministère de l’Education nationale et la DAP (direction de l’administration pénitentiaire) du ministère de la Justice. Cette convention prévoit qu’une UPR (unité pédagogique régionale à est implantée dans les 11 régions pénitentiaires réparties sur le territoire métropolitain et en outre-mer. Au sein de chaque établissement, une ULE (unité locale d’enseignement) réunit les enseignants qui y sont affectés par le ministère de l’Education nationale. Si le Code de procédure pénale stipule que le service de l’enseignement comme l’aide ou le conseil aux détenus qui poursuivent des études personnelles « doivent être assurés par des personnes qualifiées et plus particulièrement par des membres du corps enseignant », il signale également que le « concours bénévole » des visiteurs de prison, des étudiants du GENEPI (groupe étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées), etc., peut être accepté. Dans chaque établissement, un responsable local de l’enseignement est chargé, au sein de la commission de formation, de proposer au chef d’établissement la mise en place de formations, en adéquation avec les activités de travail et/ou avec les besoins du marché de l’emploi, compatibles avec les parcours professionnels individualisés des détenus et ne privilégiant les actions formation/travail en alternance. Nommé parmi les enseignants en poste dans l’établissement, ce responsable de l’enseignement participe également à la commission pluridisciplinaire d’orientation et de classement (Q.476). Dans le cadre de ses champs d’intervention, le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) n’a pas de compétence directe ni de rôle de pilotage des actions entreprises en matière d’enseignement. Les travailleurs sociaux pénitentiaires ont néanmoins un « pouvoir de proposition » et doivent veiller à ce que les activités d’enseignement « soient menées en cohérence avec les autres actions engagées au sein de l’établissement et en conformité avec sa politique de réinsertion ».
457 En quoi consistent les activités d’enseignement des détenus ?
Si la circulaire du 5 avril 2002 affirme que l’enseignement en milieu pénitentiaire « doit être fondé sur les mêmes exigences et les mêmes références qu’en milieu libre », le Code de procédure pénale précise néanmoins que les « facilités » données aux détenus pour « acquérir ou développer les connaissances qui leur seront nécessaires après leur libération en vue d’une meilleure adaptation sociale » se doivent d’être « compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité ». Les activités d’enseignement pendant la période de détention visent l’acquisition de compétences nouvelles et une meilleure formation générale et/ou professionnelle sanctionnées par des diplômes reconnus. Elles doivent tendre au développement des connaissances et de la qualification du détenu. Par ailleurs, la validation des acquis et l’organisation d’une continuité de formation entre l’intérieur et l’extérieur de la prison doivent être organisées dans la perspective de la libération. Tout au long de la période de détention, les travailleurs sociaux pénitentiaires doivent favoriser la mise en œuvre d’un parcours de formation reposant sur l’intégration du détenu à un cycle d’enseignement adapté, élémentaire, secondaire ou supérieur. Ils sont également tenus d’assurer le suivi des cours par correspondance, de favoriser l’accès aux organismes de formation et de faciliter la scolarisation des jeunes détenus.
458 Quels types de bilan de compétence peuvent-ils être proposés au détenu ?
L’enseignement est supposé s’intégrer dans chacune des étapes du parcours de la détention depuis l’accueil, où le bilan de compétence est proposé aux détenus qui le souhaitent. Les travailleurs sociaux du SPIP, en lien avec les enseignants, doivent effectuer ce bilan avec chaque détenu arrivant. Des précisions sur le niveau et les demandes de formation des entrants doivent être recueilles et un repérage de l’illettrisme, au travers d’un bilan de lecture, doit être systématiquement assuré auprès des détenus sans diplôme, de niveau inférieur au CAP (certificat d’aptitude professionnelle), ou pour lesquels il existe un doute sur le diplôme déclaré. Par ailleurs, un bilan approfondi des acquis doit être proposé à toute personne qui souhaite faire un point sur ses besoins en formation. Le diagnostic établi doit faciliter une prise en charge individualisée et un suivi des personnes illettrées. Une formation sur les différentes formations assurées dans l’établissement par le personnel de l’Education nationale, les associations ou les organismes de formation venant compléter le dispositif, doit être délivrée à chaque entrant. Un descriptif complet des possibilités de cours par correspondance et de leurs modalités d’accès doit également être mis à disposition.
459 Comment est organisé l’accès du détenu aux activités d’enseignement ?
La demande d’accès aux activités d’enseignement doit être adressée par la personne détenue au responsable local de l’enseignement ou à la direction de l’établissement, selon les modalités qui peuvent varier d’une prison à une autre. La procédure à suivre doit être normalement précisée dans le règlement intérieur propre à chaque lieu de détention. Le responsable local de l’enseignement vérifie alors que l’activité d’enseignement souhaitée s’articule avec les actions mises en œuvre par le SPIP avec le détenu, ses éventuelles activités en matière de formation professionnelle ou de travail mais aussi avec les actions menées dans la bibliothèque de l’établissement ou les activités d’enseignement assurées par des intervenants extérieurs. La demande du détenu est ensuite examinée par la commission pluridisciplinaire d’orientation et de classement, théoriquement présente au sein de chaque établissement pénitentiaire, dont le rôle en la matière est d’en apprécier l’opportunité « au regard de la construction d’un parcours d’insertion individualisé ». Cette commission a, entre autre fonction, de veiller à la mise en place d’aménagements d’horaires dans le cadre de la journée de détention devant permettre à l’intéressé souhaitant suivre un enseignement, d’exercer parallèlement un travail ou une formation professionnelle. En pratique, cette commission n’existe pas dans tous les établissements, et l’organisation d’emplois du temps permettant de mener plusieurs activités de front est rare.
460 Quelles sont les structures proposant des enseignements à distance ?
Deux structures, essentiellement, dispensent un enseignement par correspondance : CNED (centre national d’enseignement à distance) - établissement public du ministère de l’Education nationale - et l’association Auxilia. Chacune propose des parcours de formation adaptés aux besoins des élèves et au temps dont ils disposent. Les détenus ont la possibilité de s’inscrire à tout moment de l’année (sauf entre le 15 juin et le 1er septembre en ce qui concerne Auxilia). Grâce à la constitution d’un réseau de professeurs bénévoles, les cours dispensés par l’association Auxilia sont gratuits : seuls sont à payer les frais d’inscription (21,20 euros ou 40 timbres à tarif normal, en une ou plusieurs fois) et les coûts d’envoi et de retour des correspondances. Les formations proposées par le CNED, en revanche, sont payantes. Traditionnellement, les personnes incarcérées bénéficiaient d’un tarif préférentiel dit de promotion sociale permettant de réduire de moitié le coût moyen des formations dispensées. Ce tarif préférentiel a été abandonné depuis la fin de l’année 2004 en raison des règles européennes sur la concurrence ; désormais les détenus ne peuvent prétendre qu’à une remise de 20% sur le prix des formations. Un soutien financier de l’administration pénitentiaire peut être sollicité auprès du responsable local de l’enseignement en cas de volonté de suivre une formation du CNED. Ce soutien est réservé prioritairement aux personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et souhaitant entamer une formation non dispensée au sein de l’établissement pénitentiaire. Lorsqu’elle est acceptée, l’aide financière varie en fonction du coût de la formation. Si celui-ci est inférieur ou égal à 150 euros, la participation du détenu se limite à 30 euros prélevés sur sont compte nominatif. S’il est supérieur, la participation s’élève au tiers de la somme à verser.
461 Quelles sont les possibilités d’enseignement de base (alphabétisation et enseignement primaire) ?
L’enseignement en milieu carcéral est essentiellement centré sur la formation de base, l’enseignement primaire devant être dispensé dans chaque établissement pénitentiaire. En la matière, une politique incitative doit être menée à destination des personnes non francophones ou e n rupture avec les cursus scolaires initiaux afin de leur permettre de maîtriser les savoirs fondamentaux (langue orale, écrite, mathématiques, connaissance du monde actuel) et de passer, à terme, le CFG (certificat de formation générale). Chacun doit pouvoir bénéficier d’un cursus et d’une pédagogie adaptés à sa situation. A cette fin, chaque établissement est tenu de développer des actions d’alphabétisation pour les personnes ayant été scolarisées moins d’un an, de lutte contre l’illettrisme pour les personnes ayant été scolarisées mais ne parvenant pas à lire ni écrire, ou de Français langue étrangère pour les personnes non francophones. Par ailleurs, les personnes rencontrant des difficultés de lecture, d’écriture ou de calcul doivent pouvoir accéder à l’enseignement primaire assuré dans chaque établissement et bénéficier d’actons de remise à niveau leur permettant de s’inscrire dans un parcours diplômant ou d’intégrer une formation professionnelle. Des formations adaptées aux personnes en situation d’illettrisme et des modules de remise à niveau et de préparation au CFG sont également accessibles par le biais de l’enseignement à distance.
462 Quelles sont les possibilités d’enseignement de niveau secondaire et supérieur ?
Les détenus souhaitant accéder à un niveau secondaire ou supérieur ne sont pas considérés comme prioritaires. Les possibilités de suivre un enseignement de niveau secondaire dans le cadre du service de l’enseignement étant restreintes et inexistantes en matière d’enseignement supérieur, les détenus souhaitant entamer ce type d’études doivent souvent avoir recours au système de cours par correspondance. L’association Auxilia propose des formations de préparation du diplôme national du brevet des collèges, du baccalauréat ou du DAEU (diplôme d’accès aux études universitaires) permettant d’accéder aux études universitaires sans passer par le baccalauréat. Le CNED assure la même gamme de prestations en allant jusqu’aux diplômes universitaires (licence, master). Par ailleurs, ces deux organismes proposent des remises à niveaux préparant au CAP (certificat d’aptitude professionnelle) ou au BEP (brevet d’études professionnelles) donnant respectivement une qualification d’ouvrier ou d’employé qualifié dans un métier ou un domaine d’activités déterminé. Lorsque l’enseignement souhaité en peut être dispensé en détention ou reçu par correspondance, une mesure de placement à l’extérieur, de placement sous surveillance électronique, ou de semi-liberté peut être accordée à la personne afin de lui permettre de suivre cet enseignement à l’extérieur. Ces possibilités sont cependant réservées aux personnes condamnées à de courtes peines ou en fin de peine.
463 Quels types de validation des acquis doivent être proposés au détenu ?
L’avis des enseignants est recueilli dans le cadre des procédures d’individualisation de la peine : ils rédigent des notes de synthèse présentant les « efforts et progrès » réalisés par la personne scolarisée au cours de son parcours de formation. Jointes à son dossier individuel, ces informations servent de support à l’appréciation, par les juridictions de l’application des peines, des « efforts sérieux de réadaptation sociale » nécessaire à l’obtention de réduction, voire d’une suppression, d’une période de sûreté. Par ailleurs, les enseignants peuvent appuyer des demandes d’aménagement de peine motivées par le suivi d’un enseignement à l’extérieur.
464 Quels types de validation des acquis doivent être proposés au détenu ?
Outre le bilan de compétences proposé aux détenus qui le souhaitent lors de l’arrivée en détention, les travailleurs sociaux du SPIP doivent organiser la validation des acquis dans la perspective de la préparation de la sortie. Celle-ci peut prendre la forme d’une simple attestation ou d’une présentation à un examen en vue de l’obtention d’un diplôme. En dehors de cette dernière possibilité, les acquis des détenus doivent être consignés dans un livret d’attestation de parcours de formation afin de permettre un suivi adapté et une continuité des études en cas de transfert d’un établissement à un autre ou de libération. Par ailleurs, afin d’élargir les possibilités de validation au-delà des examens classiques, des solutions doivent être recherchées pour permettre des validations des acquis soit par « unités capitalisables » soit par le biais d’un contrôle de connaissance en cours de formation.
465 Quelles démarches le détenu doit-il effectuer pour obtenir un diplôme ?
Toutes les personnes qui suivent une formation diplômante, en détention ou par correspondance, sont admises à se présenter aux examens qui la sanctionnent lorsque le service de l’enseignement estime leur préparation suffisante. Après avis des services compétents du ministère de l’Education nationale, le détenu peut également se présenter aux épreuves écrites ou orales de tous les autres examens organisés dans le lieu où il est incarcéré, sauf opposition du chef d’établissement. Dans tous les cas, les inscriptions sont réalisées par le service de l’enseignement en lien étroit avec le service en charge des examens dans l’académie. Afin d’éviter des transferts inopportuns des candidats d’un établissement à un autre, les enseignants communiquent à la direction de la prison et à la direction régionale des services pénitentiaires la liste des personnes inscrites à des examens et les dates prévues pour les épreuves. « Dans la mesure du possible », aucun candidat ne doit faire l’objet d’un transfert à l’approche d’un examen sauf s’il le demande ou en raisons de circonstances exceptionnelles (motifs d’ordre et de sécurité, raisons sanitaires). Les épreuves se déroulent, en principe, à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire. Si cela s’avère impossible, les candidats sont escortés jusqu’au lieu de l’examen. Si leur situation pénale le permet, les candidats peuvent bénéficier d’une permission de sortir pour se rendre aux épreuves. Le cas échéant, l’attestation du diplôme obtenu ne fait pas apparaître l’état de détention de l’intéressé.
466 Quelles démarches le détenu doit-il effectuer pour poursuivre ou entamer un enseignement à la sortie ?
Les services d’enseignement doivent assurer la continuité des actions entreprises en détention avec le milieu libre. Dans cette perspective, il appartient au SPIP, en coordination avec les personnels enseignants, de prendre contact avec les organismes institutionnels ou associatifs susceptibles de relayer l’enseignement dispensé en milieu fermé. Avant la libération, le service de l’enseignement est chargé de communiquer au SPIP toutes les informations relatives au processus de formation entamé en détention par une personne qui se voit imposer un suivi en milieu ouvert afin d’en assurer la continuité ou la valorisation. Dans tous les cas, tout doit être mis en œuvre pour assurer la rescolarisation des mineurs libérés, et permettre à chaque personne s’étant préparée à un examen de s’y présenter après sa sortie. A cette fin, les acteurs de l’enseignement doivent travailler en liaison avec les CIO (centres d’information et d’orientation) de l’Education nationale et les inspecteurs d’académie compétents. A sa sortie de prison, toute personne souhaitant reprendre ou poursuivre des études peut s’adresser à un CIO afin de réaliser un bilan gratuit de sa situation, obtenir des conseils et des informations sur les différentes filières de formation accessibles, les modalités d’inscription, et les possibilités de bourses d’études. Par ailleurs, à tout moment de l’année, un cursus de formation par correspondance peut être entamé par l’intermédiaire des organismes d’enseignement à distance. L’association Auxilia notamment propose aux personnes sortant de prison la même gamme de prescriptions et les mêmes tarifs que ceux pratiqués en détention. Le CNED, quand à lui, assure des formations dans un plus vaste domaine mais à des prix plus élevés.