« Les personnes suivies par l’administration pénitentiaire conservent leur droit à la formation professionnelle », rappelait en mai 2000 le second « Plan d’amélioration des conditions de travail et d’emploi » élaboré par le ministère de la Justice. Présentée comme un « élément essentiel dans le processus de retour à la vie libre des personnes détenues », la formation professionnelle se caractérise cependant par l’indigence des moyens mis en œuvre au regard de l’ampleur des besoins. L’offre est très inégalement répartie entre les régions et les établissements et demeure faible en volume. Alors même qu’en 2005, 85.540 incarcérations ont été comptabilisées, 11.253 personnes ont suivi une formation pré-qualifiante ou qualifiante et 2.645 ont bénéficié dans ce cadre d’une rémunération. Et rares sont les prisons qui ont mis en place un système d’aides financières autorisant de suivre une formation sans perte de salaire. Accessible à une minorité de détenus, la formation professionnelle ne permet que rarement de préparer un aménagement de peine en lien avec l’extérieur. Ce qui, pour l’immense majorité des personnes, repousse au moment de la libération la possibilité de s’engager dans un processus de formation.
467 Dans quel cadre s’inscrit la formation professionnelle des détenus ?
La politique de formation professionnelle en prison est définie conjointement par la DAP (direction de l’administration pénitentiaire) du ministère de la Justice et la DGEFP (direction générale à l’emploi et la formation professionnelle), qui relève actuellement du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Les programmes mis en œuvre en milieu carcéral s’appuient sur des protocoles signés par la DAP avec la DGEFP mais aussi l’AFPA (association nationale pour la formation professionnelle des adultes) et le FASILD (fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations). Les actions de formation professionnelle proposées aux détenus bénéficient du soutien financier des Régions qui disposent d’une compétence de droit commun en la matière, notamment par le biais de la DREFP (direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle). Lorsque l’établissement pénitentiaire est à gestion mixte, les responsables des groupements privés sont consultés par le chef d’établissement pour la définition des actions de formation professionnelle à mener. Dans chaque établissement, le responsable local de la formation professionnelle (ou le responsable formation du groupement dans les établissements à gestion déléguée) est chargé de proposer au chef d’établissement un plan d’action local annuel qui est validé au sein d’une commission de formation. Ce plan doit veiller à la mise en place de formations, en adéquation avec les activités de travail et/ou avec les besoins du marché de l’emploi, compatibles avec les parcours professionnels individualisés des détenus et en privilégiant les action formation/travail en alternance. Un référent formation est nommé au sein du SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) par son directeur. Au regard des différentes fonctions qui relèvent de leur compétence en matière de préparation à la sortie, les travailleurs sociaux pénitentiaires n’ont aucune compétence directe sur les questions relatives à la formation professionnelle. En revanche, le SPIP se doit d’assurer un rôle de pilotage de l’ensemble des actions mises en œuvre en la matière. Concrètement, les travailleurs sociaux sont responsables de la conception et de l’évaluation de ces actions mais n’en n’assurent pas la programmation et la mise en œuvre, « même s’il garde un droit de regard sur ces deux phases ». Dans ce cadre, ils doivent « s’attacher à la cohérence et au suivi des parcours en formation » et veiller « à une prise en charge globale des personnes » ainsi qu’à « leur inscription dans une perspective d’accès à l’emploi ». L’objectif qui leur est assigné est « de coupler autant que faire se peut travail et formation, générale et/ou professionnelle et de favoriser l’accès à des activités multiples en prévision de la sortie ». En outre, le SPIP est chargé d’assurer la « continuité des actions entre le milieu fermé et le milieu ouvert » et de prendre en compte les « besoins spécifiques des établissements pour peine ». Le responsable local de la formation professionnelle et le référent formation participent à la commission pluridisciplinaire d’orientation et de classement (Q.476).
468 En quoi consiste la formation professionnelle des détenus ?
« Les dispositifs de formation professionnelle mis en œuvre doivent garantir aux détenus des actions d’un niveau de qualité égal à celui qui est attendu à l’extérieur », affirme la circulaire du 28 avril 1995. Par ailleurs, « le choix des actions et leurs principes d’organisation doivent contribuer efficacement à l’insertion ultérieure dans l’emploi » de la personne détenue. Pourtant, l’administration pénitentiaire ne disposant pas de crédits propres en la matière, l’offre de formation dépend essentiellement des partenariats conclus par les services pénitentiaires (régionaux, départementaux ou locaux) avec les directions régionales et départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et les organismes publics ou les structures privées implantées à proximité du lieu de détention. Cette organisation budgétaire n’est pas sans incidence sur l’accessibilité des personnes incarcérées à la formation professionnelle. L’offre étant prioritairement porté en direction des personnes les moins qualifiées, la majorité des actions proposées sont des formations pré-qualifiantes dans les domaines du bâtiment, de la mécanique, de l’entretien des espaces verts, ou de la restauration. Au travers de modules accueillant généralement une dizaine de personnes, les stagiaires bénéficient d’enseignements théoriques et pratiques leur permettant de s’initier aux exigences d’un métier et d’acquérir les pré-requis nécessaires à l’intégration d’une formation qualifiante ou diplômante. Moins développées, les formations qualifiantes ou diplômantes visent l’insertion professionnelle des personnes incarcérées. Ces formations doivent leur permettre d’acquérir, éventuellement en lien avec le service de l’enseignement (Q.456 et suivantes), les compétences techniques et générales nécessaires à l’obtention d’un CAP (certificat d’aptitude professionnelle), ou d’un BEP (brevet d’études professionnelles), ou de disposer à la fin de leur parcours d’une attestation de compétences reconnue dans le monde professionnel. Lorsque les formations sont rémunérées, les stagiaires perçoivent une rémunération nette de 2,26 euros par heure dans la limite de cent heures par mois en maison d’arrêt, cent vingt heures en établissement pour peine.
469 Quels types de bilan de compétences peuvent être proposés au détenu ?
Les procédures d’accueil, d’information et d’orientation doivent êtres centrées sur les informations à transmettre aux détenus mais également sur les informations à recueillir auprès d’eux. Leur niveau au regard des savoirs de base de même que leurs acquis éventuels en termes de compétences professionnelles sont en effet des données indispensables pour construire une offre de formation adaptée aux besoins. Dans ce cadre, les travailleurs sociaux doivent effectuer un repérage des éventuelles qualifications professionnelles de la personne dès son arrivée en détention puis procéder, si elle le souhaite, à un bilan plus approfondi de ses connaissances. Le diagnostic établi doit faciliter une prise en charge individualisée du détenu et le suivi de son parcours de formation. Une « politique adaptée à l’hétérogénéité des publics accueillis » doit être mise en œuvre. L’orientation vers une formation doit prendre en compte le niveau de connaissances générales et professionnelles du détenu, les potentialités et les souhaits qu’il exprime ainsi que les données relatives à sa situation pénale (type d’établissement, durée prévisible d’incarcération, niveau de mobilisation, etc.)
470 Comment est organisé l’accès du détenu à la formation professionnelle ?
La demande d’accès à une formation professionnelle doit être adressée par la personne détenue au responsable local de la formation, ou à la direction de l’établissement, selon des modalités qui varient d’une prison à un autre mais qui doivent être précisées dans son règlement intérieur. La candidature est ensuite examinée par la commission pluridisciplinaire d’orientation et de classement dont la fonction principale est de favoriser l’émergence de parcours d’insertion individualisés. Ainsi, au regard du déroulement de la journée de détention, les services pénitentiaires doivent mettre en œuvre les aménagements d’emploi du temps permettant à chaque détenu de suivre une formation professionnelle en alternance avec un enseignement (Q.456 et suivantes) ou un travail (Q.474 et suivantes). Il appartient aux organismes qui ont la charge de la formation professionnelle en détention d’aider, sur orientation du SPIP, les personnes détenues à définir un projet professionnel. Dans ce cadre, la circulaire du 28 avril 1995 précise que « l’effort doit être porté en direction des publics les plus éloignés de la qualification professionnelle », ajoutant qu’ « il convient de traiter systématiquement les cas d’illettrisme et favoriser l’acquisition des savoirs de base nécessaires à l’entrée dans un cycle de formation professionnelle ». L’organisation du dispositif doit permettre aux personnes sans qualification professionnelle de s’engager dans un parcours pré-qualifiant ou qualifiant, aux personnes déjà engagées dans un cursus de qualification de poursuivre ce processus d’acquisition de compétences, et aux personnes dotées d’une première expérience professionnelle de s’adapter aux besoins évolutifs des activités économiques. L’orientation vers une formation professionnelle doit tenir compte des compétences des personnes incarcérées, de leurs souhaits et de leur situation pénale. Chaque détenu doit être informé de la possibilité d’entreprendre, ou de poursuivre, des études techniques par correspondance dans la mesure om les conditions matérielles d’incarcération et « les nécessités du service, de l’ordre et de la sécurité le permettent ». Il peut donc dans ce cadre prétendre à un transfert pour profiter d’une formation assurée au sein d’un autre établissement si sa situation pénale le permet.
471 En quoi le suivi d’une formation professionnelle peut-il favoriser l’individualisation de la peine ?
Les différents acteurs de la formation professionnelle contribuent à l’individualisation de la peine de la personne détenue au travers de notes de synthèse relatives à son parcours de formation. Jointes au dossier individuel des intéressés, ces informations permettent aux juridictions de l’application des peines d’apprécier les « efforts sérieux de réadaptation sociale » nécessaires à l’obtention de réductions de peine supplémentaires, d’une libération conditionnelle, d’une réduction, voire d’une suppression, d’une période de sûreté. Les acteurs de la formation professionnelle peuvent également participer à l’élaboration de projets d’aménagement de peine. En effet, en lien avec le SPIP et les juridictions d’application des peines, ces derniers peuvent mettre en place des dispositifs permettant aux stagiaires éligibles aux mesures d’aménagement de peine de compléter leur formation et de se familiariser aux exigences de la vie professionnelle dans le cadre de stages en entreprise, ou de chantiers extérieurs. Ils peuvent, en outre, préconiser et appuyer des demandes d’aménagement de peine motivées par la poursuite d’un processus de qualification au sein d’un organisme de formation n’intervenant pas dans l’établissement, ou d’un emploi salarié en entreprise.
472 Quelles sont les possibilités de validation d’une formation professionnelle survie en détention ?
Afin de favoriser le retour à l’emploi, une validation des formations professionnelles suivies par les personnes incarcérées doit être systématiquement recherchée. Les travailleurs sociaux pénitentiaires doivent inciter le détenu à entrer dans une démarche de validation de la formation professionnelle, celle-ci pouvant prendre la forme d’un contrôle en cours de formation, d’une présentation à un examen ou d’un certificat d’aptitude. Un livret d’attestation des parcours de formation doit accompagner le sortant de prison. Dans le cadre des formations à visée diplômante (CAP, BEP), cette valorisation se concrétise par le contrôle en cours de formation, ou la présentation aux épreuves qui les sanctionnent. Lorsque la validation des acquis ne passe pas par l’évaluation des compétences au fur et à mesure du cursus de formation par les formateurs eux-mêmes, l’inscription aux examens est assurée en lien avec le service de l’enseignement. La liste des inscrits et les dates des épreuves sont transmises à la direction de l’établissement et à la direction régionale des services pénitentiaires afin de prévenir d’éventuels transferts d’un établissement à un autre des candidats. En effet, « dans la mesure du possible » et sauf s’il le demande ou en raison des circonstances exceptionnelles (motifs d’ordre et de sécurité, raisons sanitaires), aucun candidat ne doit faire l’objet d’un transfert à l’approche de l’examen. Les épreuves se déroulent, en principe, à l’intérieur de l’établissement. Si cela s’avère impossible, les candidats sont escortés jusqu’au lieu de l’examen ; toutefois, si leur situation pénale le permet, les candidats peuvent bénéficier d’une permission de sortir pour se rendre eux-mêmes aux épreuves. Les formations pré-qualifiantes, ou qualifiantes, donnent lieu, quant à elles, à des attestations de stages en fin de formation, ou à un certificat d’aptitude reconnu par le service public de l’emploi et le milieu professionnel concerné. Dans tous les cas, les diplômes, attestations, ou certificats d’aptitude ne font pas mention de l’état de détention des intéressés.
473 Quelles démarches le détenu doit-il effectuer pour poursuivre ou entamer une formation à la sortie ?
Certains organismes, telle l’AFPA, peuvent intervenir sur orientation du SPIP ou des conseillers du service public de l’emploi auprès des personnes prochainement libérables ou en mesure de bénéficier d’un aménagement de peine afin de les aider à définir un projet professionnel, leur permettre d’évaluer leurs compétences, et éventuellement leur réserver une place dans un cursus de formation adapté à leurs besoins. Diverses filières de formations professionnelles sont accessibles dans les GRETA (groupements d’établissements de l’Education nationale pour la formation des adultes) présents dans chaque département, ou les structures de l’AFPA. Celles-ci sont payantes et souvent non rémunérées. Toutefois, une aide financière ou une rémunération peut être accordée dans certains cas par l’ASSEDIC (association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce), l’Etat, ou plus spécifiquement les conseils régionaux, aux personnes inscrites sur les listes de demandeurs d’emploi. A titre d’exemple, les frais d’inscription, de transport, d’hébergement ou de repas, des bénéficiaires de l’ARE (allocation d’aide au retour à l’emploi, Q.422) orientés vers une formation par l’ANPE (agence nationale pour l’emploi) peuvent être pris en charge totalement ou partiellement par l’ASSEDIC. Une rémunération peut être versée par l’Etat ou le conseil régional aux bénéficiaires notamment de l’API (allocation de parent isolé, Q.408), du RMI (revenu minimum d’insertion, Q.433) ou des allocations chômage versées au titre du régime de solidarité (Q.426 à 431) lorsque la formation est agréée par l’Etat ou la région. Néanmoins, le financement ou la rémunération des formations par l’ASSEDIC, l’Etat ou les conseils régionaux se limitent souvent à des formations dans des filières d’emploi que l’ANPE ne parvient pas à pourvoir. Les personnes souhaitant s’inscrire dans un parcours de formation peuvent également se tourner vers le contrat de professionnalisation permettant de concilier expérience professionnelle rémunérée et formation qualifiante ou diplômante dans un secteur déterminé. Ce contrat peut être proposé par l’ANPE en fonction des offres disponibles ou sollicité auprès d’employeurs privés.
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