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Centre pénitentiaire de Maubeuge : suicide d’un détenu maintenu au quartier disciplinaire malgré plusieurs actes auto-agressifs

La section française de l’OIP informe des faits suivants :

Maintenu au quartier disciplinaire en dépit de plusieurs actes auto-agressifs, J.L., âgé de 28 ans, s’est pendu le 23 mai 2008 au centre pénitentiaire de Maubeuge (Nord). Il est décédé à l’hôpital le 31 mai 2008.

Le 23 mai à 13 h 50, J.L. est retrouvé pendu dans une cellule du quartier disciplinaire. Transporté en début d’après-midi à l’hôpital de Maubeuge, puis transféré à l’hôpital Calmette de Lille, il y est décédé le 31 mai, après être resté une semaine dans le coma.

Il avait été placé au quartier disciplinaire après avoir été sanctionné le 20 mai par la commission de discipline à 30 jours dont 10 avec sursis pour insultes et menaces envers un personnel de l’établissement, des faits remontant aux 29 et 30 mars 2008. Ce délai particulièrement long pour un passage en commission de discipline serait dû à la mise en place de la procédure, a-t-il été précisé à la famille. J.L. n’était pas repéré comme suicidaire et il n’y a pas eu d’avis médical négatif au placement en quartier disciplinaire.

Entre le 20 et le 23 mai, J.L. manifeste cependant sa détresse à trois ou quatre reprises à travers des actes auto-agressifs. Quand sa famille est venue le voir à l’hôpital, elle a ainsi pu constater de nombreuses entailles sur ses bras et a retrouvé dans les poches de son pantalon de petits bouts de papier où il était inscrit : « Je voudrais voir le médecin j’ai mal à la nuque. Si je dois faire ma peine comme ça et bien je m’accroche », « Docteur, je me suis pendu avant hier et j’ai très mal à la nuque. Aidez-moi ».

Interrogé par l’OIP le 2 juin 2008 sur le maintien de J.L. au quartier disciplinaire, en dépit de sa détresse psychologique apparente, le service médical a expliqué que le jeune homme « avait été vu par la psychologue et le psychiatre » et qu’il était « suivi quotidiennement au quartier disciplinaire ». Mais, a précisé le service médical, « de l’avis commun, on pensait qu’il était plutôt dans une démarche de chantage », ajoutant : les automutilations « c’est très commun, c’est malheureux à dire, mais c’est très commun. Par ailleurs, J.L. n’était pas demandeur de soins psychiatriques. On s’est trompé, c’est un échec pour tout le monde » .

La direction du centre pénitentiaire, interrogée par téléphone le 4 juin 2008 sur les raisons du maintien de J.L. au quartier disciplinaire, nous a fait savoir qu’elle n’était pas autorisée à nous répondre.

L’OIP rappelle :

  • l’article D.251-4 du code de procédure pénale selon lequel « la sanction [disciplinaire doit être] suspendue si le médecin constate que son exécution est de nature à compromettre la santé du détenu ».
  • l’Étude sur les droits de l’homme en prison de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, rendue publique en mars 2004, rappelant que « le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention » et que la « sursuicidité au quartier disciplinaire implique que les autorités lui substituent d’autres formes de sanction ».
  • le rapport de mission du Professeur Jean-Louis Terra sur la prévention du suicide des personnes détenues, publié en décembre 2003, déplorant le fait que « le placement de personnes détenues au quartier disciplinaire ne [fasse] pas l’objet d’une réflexion suffisante sur l’existence ou non d’une crise suicidaire sous-jacente », et rappelant que « les détenus dont la crise suicidaire prend le masque de l’agressivité ne peuvent pas être mis au quartier disciplinaire sans risquer d’accélérer la progression de leur détresse ».
  • la circulaire du 29 mai 1998 rappelant que : « S’il est constant que certains actes auto-agressifs constituent, de la part du détenu, un moyen de pression par rapport à l’institution carcérale, il n’en demeure pas moins vrai que celui-ci, qui ne peut être présumé par l’administration, n’est pas exclusif d’une souffrance et d’un risque suicidaire sérieux. Vis à vis de l’institution pénitentiaire et plus globalement de l’institution judiciaire, l’acte auto- agressif peut être vécu comme le seul moyen de formuler une demande ou de s’opposer à l’autorité qu’elle représente. »