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Le quotidien d’une femme détenue

Publié le lundi 9 septembre 2002 | http://prison.rezo.net/le-quotidien-d-une-femme-detenue/

"Ici, il y a 3 termes à bannir :
REINSERTION - LOGIQUE - HUMANITE "

Côté médical…

Alors là c’est l’apothéose, et je sais de quoi je parle, je sus infirmière. Le médecin fait acte de présence 2 demi-journées par semaine, et nous ne sommes jamais moins de 200 donc voyez vous-même !
Faut pas être malade, sinon c’est le déclin. La DIGNITE eux ne connaissent pas ! Cela ne fait pas parti de leur vocabulaire, savent-ils ce que cela veut dire ?… La question est là !
Tiens si vous ne vous sentez pas bien, il y a un service CMPR psychologue psychiatre, infirmier psy.
Moralité : vous voulez être aidée, pour faire un travail sur vous-même, c’est le but de chacun, quand il s’agit d’une démarche personnelle…
Devant qui êtes vous, c’est à se demander : « Bonjour, commet ça va ? »
Question stupide : si on y va c’est que cela ne va pas, on ne demande pas forcément un traitement, dieu merci, mais une « écoute »… parlons-en :
Parler au mur ou à votre armoire cela a la même efficacité. Ou alors vous avez le rituel : « Alors que veux tu comme traitement ? » La j’ai l’impression d’être devant un dealer, c’est grave mais c’est gratuit et on ose appeler « prison réinsertion »…
Abolition de ces méandres, quand vous rentrez on vous appelle Pierre, André, Brigitte, en sortant vous êtes NIKITA, merci la justice française, nous vous devons beaucoup, en sortant on sera capable de tuer, c’est devenu comme braquer, voler, escroquer, c’est la meilleure école qui donne des résultats de récidive haut niveau, même l’ENA n’a pas tant de réussite.
VIVE LA FRANCE…
Mais ne l’oubliez pas, on a besoin de vous.

Côté travail…
On dit que l’Asie est sous payée, je l’affirme : c’est faux, ils sont riches. Ici on travaille à la pièce : un fax avec 26 pièces à mettre - travail méticuleux – 0,20 centimes d’euro brut : « no comment ». Imaginez le rendement qu’il faut pour avoir a peu près 350 à 400 francs cantinables ( -10% partie libérable, - 10% !) donc 300 francs de frais d’entretien en échange de : 4 rouleaux de papier WC, une éponge, un dentifrice (de merde), un gel douche à utiliser de préférence pour les chiottes, sinon boutons assurés, 25 cl de javel, tout ça pour entretenir notre loft de 7m² contenant une armoire, un chevet, un lavabo, un wc, une table, une chaise, un lit, une fenêtre et des grilles… Voilà le studio : pas mal mais je préfère ne pas renouveler le bail. Le régisseur est un escroc, même pas de concierge, vous paumez votre clé : 170 francs pour avoir droit au double…
Ah oui, j’avais oublié le plus important pour être en prison, il faut de l’argent : tout s’achète, même le droit de respirer, quelle piètre constatation – heureusement j’ai de la ventoline…

Fouille à corps…
Désagréable pour nous, jouissif et bandant pour eux. Je pense que lorsqu’ils choisissent cette profession, ils doivent tous avoir un côté refoulé de voyeur ! Et c’est rien de le dire, il faut y passer pour y croire.
Sondage des grilles chaque soir, ne rigoler pas, des fois qu’on les ronge avec les dents, il faut éviter tout danger. PROTECTION. Parce que s’il y en a une qui se barre, là ils sont mal, très mal…

Unités de vie du Centre pénitentiaire…
Des femmes paient leur dette à la société et attendent que le temps passe. Un temps sans plaisir ni espoir, ni joie ; c’est à visiter. Cela ferait réfléchir certains.
Nous sommes les oubliées du monde, ce n’est ni horrible ni violent (quoi que), c’est un mouroir, c’est accablant – dégradant – affligeant.
Un chef dit que dans les prisons pour hommes la tension est constante, la cavale aussi, ça prête. Chez les femmes ce qu’on ressent surtout c’est la déprime profonde le désespoir le néant, les méandres !
Tout ici, chaises, tables et étagères, est décalé. Ici les femmes circulent comme elles veulent dans la journée, pourvu qu’on sache ou elles sont, ce qui n’est pas difficile. On patauge dans le quart monde, on se croirait chez les demeurés. Par contre nous avons une médiathèque ; le top dommage, 70% sont analphabètes, bouches édentées, regards brisés, fatiguées, bourrées de violence rentrée, de vacheries, d’aigreur, de fascisme.

Tout est lissé, petit, médiocre, vil, infantilisant, c’est l’onde de choc. A 200 mètres de là, un T.G.V. secoue la nouvelle gare, 260 km à l’heure, surtout ne pas perdre de temps.

Il faut savoir qu’une fois détenue, on s’occupe de toi, on pense pour toi, on agit pour toi et on décide pour toi, c’est infantilisant. A n’importe quel moment de la journée, on peut t’appeler et tu dois t’exécuter sur le champs. La période, où la détenue peut se dire « je vais pouvoir enfin être tranquille », est la fermeture le soir de 19h30 à 7h et là encore, il faut avoir la chance d’avoir un bon sommeil, car les rondes avec la lumière en pleine poire, c’est génial, et surtout que ta voisine ne soit pas bruyante, poste à haut volume, lessive à minuit en faisant couler le robinet et tout ça résonne à un point indescriptible et invivable.

Pourquoi ne pas rétablir la peine de mort car 15, 20, 30 et perpette est une mort lente, je te le dis tout haut et là j’ai la rage, pas celle des dents, celle de dedans. Qui vous donne le droit VOUS LA JUSTICE de tuer à petit feu des innocents, QUI AU NOM DE QUI j’aimerai savoir, j’aimerai comprendre, car cela n’a pas de sens. C’est démesuré, pitoyable, ridicule, c’est une honte pour le gouvernement.