Publié le dimanche 9 novembre 2008 | http://prison.rezo.net/2008-vih-sida-en-milieu-carceral/ VIH/Sida en milieu carcéral : une question vitale Quelle que soit la prison, maison d’arrêt, centre de détention ou maison centrale, là où se trouve même une seule personne séropositive ou malade du SIDA, les associations se doivent d’aller à sa rencontre. La solidarité ne doit pas avoir de « murs ». En prison comme dehors, des personnes prennent des risques (quels qu’ils soient) et celles infectées par le virus du VIH/SIDA se sentent seules et vraiment délaissées, désespérées. Ce témoignage est un appel à l’aide. Je suis porteur du HIV depuis 1983 (malade du SIDA depuis environ 10 ans) et du VHC (stade de la fibrose A1-F3). Je suis incarcéré depuis 39 mois, c’est donc à ce titre que je souhaiterai réagir, avec quelques temps de retard, à un article paru dans la revue Transversal n°41 (mars/avril 2008), « Le SIDA n’oublie personne, Sidaction non plus », à propos du VIH/SIDA en milieu carcéral (P.18/19). Chaque fois que je lis un article d’une revue associative sur le sujet du VIH/SIDA en milieu carcéral, je me pose systématiquement cette question : pourquoi n’existe-t-il pas un programme de prévention et d’information de prétention nationale ? Il existe, faut-il le rappeler, plus de 190 établissements pénitentiaires. Tout le monde est d’accord sur le fait que « les détenus sont parmi les plus touchés par le VIH et les hépatites » comme l’estime et le souligne très bien Alix Béranger en tout début de l’article. Ce n’est pas la première fois que j’interpelle d’une manière générale les associations de lutte contre le VIH/SIDA sur cette question, également pour des raisons plus personnelles, d’ailleurs. J’ai publié bon nombre de témoignages (en ligne sur le site de Ban Public) sur mon vécu de la maladie à l’intérieur des murs d’une prison. J’ai écrit une Lettre ouverte au Président d’AIDES, Bruno SPIRE, lui demandant de s’interroger sur la situation des personnes détenues séropositives et malades du SIDA et de mettre tout en œuvre pour interpeller les politiques et l’ensemble des associations de lutte contre le VIH/SIDA. Je n’ai eu qu’un « droit de réponse » m’indiquant qu’AIDES intervenait en prison. Soit, elle intervenait en prison, mais pas dans celle où je me trouvais (La Santé) contrairement à ce qu’elle prétendait. Intervenir à Fresnes et dans 2 ou 3 autres maisons d’arrêt, ce n’est pas intervenir là où se trouvent des personnes qui ont bien besoin d’être soutenu. Les questions que je pose sont simples et appellent des réponses claires : Dans quelles prisons ? Avec quelle fréquence ? Combien d’intervenants ? Avec quel budget ? Sur quelles thématiques ? Combien de personnes incarcérées sont concernées ? Quel est le montant de l’aide apportée directement aux personnes séropositives et/ou à leurs proches ? Dernièrement, ayant été transféré au centre de détention de Melun, j’ai demandé à une amie de me communiquer l’adresse d’AIDES Seine-et-Marne. Ayant reçu en photocopie la page d’accueil du site Web du comité de ce département, j’y lie que celui-ci intervient déjà à la maison d’arrêt de Melun. Enthousiaste, je leur ai donc écrit et je leur ai demandé deux choses : la première, de rentrer en contact avec les personnes compétentes du centre de détention de Melun (SPIP, Administration Pénitentiaire et UCSA) afin de mettre en place des actions de prévention et d’information (notamment en vue de la prochaine Journée Mondiale de lutte contre le VIH/SIDA) et d’envoyer de la documentation afin de la mettre à disposition des personnes détenues ; la seconde, de faire une demande auprès de l’Administration pénitentiaire d’un permis visiteur, car je souhaitais les rencontrer. Là encore, pour seul réponse, l’UCSA a reçu une cinquantaine exemplaires d’un fascicule édité par AIDES « VIH en prison ». En ce qui concernait ma demande personnelle, je n’ai eu aucune réponse. Pour en revenir à l’article de Transversal n°41, je suis stupéfait d’y lire « qu’il est une population difficile en matière de lutte contre le VIH, c’est celle des détenus... » Mademoiselle Alix BERANGER, Monsieur Eric FLEUTELOT, Docteur Ridha NOUIOUAT, permettez-moi de vous dire que les seuls murs qui font « obstacles » sont uniquement ceux que l’on ne souhaite pas abattre. Même ce putain de mur de Berlin a fin par tomber, alors pourquoi pas ceux des prisons ? Bien entendu, qu’il y a des « entraves » pour aborder la question du VIH en prison, mais n’est-ce-pas ainsi dans n’importe quelle autre communauté ? Y en a marre d’entendre toujours les mêmes refrains, les mêmes rengaines. Les difficultés dont on parle pour intervenir en prison me rappelle celles que l’on invoquait, la main sur le cœur, il y a 20 ans quand il était question d’intervenir auprès des personnes usagères de drogues. Ce n’est qu’une simple question de volonté politique et d’engagement. Plus personnellement, je suis aujourd’hui confronté à une question de vie ou de mort. Je suis stabilisé depuis un bon moment (charge virale indétectable), grâce à une multi-thérapie en ce qui concerne « mon » SIDA. Par contre, je suis très inquiet en ce qui concerne « mon » hépatite C. Je dois impérativement débuter un traitement par Interféron et Ribavirine. Le stade avancé de la fibrose de mon foie (A1-F3) ne me permet plus de tergiverser. Seulement, mes défenses immunitaires sont basses, très basses, à peine une cinquantaine, aux derniers examens sanguins. J’ai une peur bleue de ce traitement et je me pose des tas de questions. Il y a quelques années, j’avais peur de mourir du SIDA. Aujourd’hui, j’ai peur de mourir d’une cirrhose ou d’un cancer du foie. Qui est là pour me répondre ? M’expliquer ? Ma sortie est proche, qui va m’orienter ? Qui va me loger ? Qui va m’aider à retrouver un emploi ? Pouvez-vous imaginer ce que l’incarcération produit sur le corps ? J’en ai assez d’entendre des professionnels de la parole médiatique usurper nos maux et notre droit à l’expression, bien installés dans leurs fauteuils et leur pré-carré. Didier Robert, |