EDITORIAL
Les soins aux personnes sous main de justice
La commission Couty
La commission Couty a été installée lundi 7 juillet afin de réfléchir sur les missions et l’organisation des soins en psychiatrie et en santé mentale.
Socapsyleg a publié un communiqué fin juillet pour que ne soit pas oubliée la psychiatrie en milieu pénitentiaire qui tout en représentant une faible composante numérique en termes de personnels et de patients suivis (les presque 70 000 personnes incarcérées ne représentent tout juste qu’un secteur de psychiatrie) est une des modalités d’exercice qu’il convient de ne pas négliger.
L’éditorial de ce numéro de Kamo reproduit ce communiqué.
COMMUNIQUE DE SOCAPSYLEG)
sur les soins psychiatriques aux personnes sous main de justice
à l’occasion de la commission Couty
Les soins psychiatriques aux personnes sous main de justice, qu’elles soient incarcérées ou non, font l’objet de prescriptions législatives récentes, notamment dans la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et dans la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cette préoccupation du législateur s’appuierait sur une supposée volonté citoyenne avide d’assurances sécuritaires et particulièrement relayée par les médias.
Le souci de sécurité, l’exigence d’abaisser le nombre d’actes délictueux violents et de voir diminuer la récidive sur les atteintes aux personnes sont des objectifs légitimes dans toute collectivité humaine. Toutefois, ces démarches doivent s’inscrire dans une perspective rationnelle.
Elles ne devraient pas être de simples effets d’annonce qui ne peuvent que nuire à tous et décevoir à terme du fait d’un décalage possible entre les moyens engagés (ou supposés engagés) et les résultats obtenus.
Notre organisation sociale porte actuellement une attention toute particulière à la qualité de l’information donnée au citoyen et à l’évaluation des pratiques professionnelles. Les médecins et les soignants dans leur ensemble connaissent bien ces évolutions. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et l’obligation d’information qu’elle a affirmée en est une illustration notable. Les évaluations des pratiques soignantes et de l’organisation hospitalière se sont imposées au travers des accréditations d’abord puis maintenant des certifications des hôpitaux. Les conférences de consensus et autres auditions publiques organisées conjointement par la Haute Autorité de santé, les sociétés scientifiques et des professionnels concernés et reconnus permettent de faire le point sur les connaissances actuelles et de préciser le cas échéant les démarches thérapeutiques.
Il ne faudrait pas que cette rationalité ne soit qu’apparente et que les conclusions de ces travaux soient négligées en regard d’autres considérations. L’information et l’évaluation ne deviendraient ainsi que des apparences d’un supposé « bien faire ». Ce risque est grand en ce qui concerne les personnes sous main de justice. De nombreux auteurs spécialisés décrivent l’envahissement de notre société par un sentiment d’insécurité plus que par une réelle insécurité.
Considérer que tout délinquant est un malade mental susceptible de soins, devient abusif.
Considérer également que des soins psychiatriques systématiques, uniformément appliqués sur le territoire français, doivent être des préalables obligatoires aux aménagements de peine devient non seulement aberrant mais s’avère complètement inapplicable.
Il conviendrait avant de légiférer de réellement se poser la question du soin psychiatrique en prison, de ses limites, de ses possibilités et de son articulation avec le milieu ouvert. Le soin psychiatrique en général est un acte complexe, aléatoire dans ses résultats, bien que répondant à des pratiques souvent codifiées. Le soin psychiatrique en prison devient encore plus complexe, soumis au fonctionnement spécifique et bien compréhensible du monde carcéral. Il faut en tenir compte. Ne pas le faire et décréter par la loi qu’il existe des thérapies pour lutter contre la récidive sont des démarches non responsables et peu rationnelles. Les équipes de psychiatrie, peu nombreuses mais très spécialisées, engagées depuis des années et quotidiennement auprès des personnes détenues, connaissent ces contraintes. La société dans son ensemble préfère ne pas les voir, tout en continuant à espérer une transformation magique et positive de la prison et des délinquants.
Une évaluation précise des soins psychiatriques (mais aussi somatiques) aux personnes sous main de justice, en prison et à l’extérieur de la prison (le dispositif de l’injonction de soin avec ses différents acteurs : juges d’application des peines/conseillers d’insertion et de probation/ médecins coordonnateurs/thérapeutes), du possible et de l’impossible, et des conséquences financières qu’ils impliquent, est une démarche qui doit trouver sa place dans le cadre de la commission Couty ainsi que dans le débat à venir sur la loi pénitentiaire.
Le 25 Juillet 2008
Michel DAVID