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N°5 - Lettre au Président de la République

Publié le mercredi 18 septembre 2002 | http://prison.rezo.net/no5-lettre-au-president-de-la/

Monsieur le Président de la République,

Je me permets de vous écrire, en ce lendemain de « joute électorale », car je me dois de défendre les intérêts de ma famille, comme vous ceux de notre pays.

Le 09 octobre 1998, vers 7 heures du matin, une horde hurlante du GIGN a fait exploser ma porte, a envahi mon domicile : mon compagnon fut arrêté, pour récidive d’attaques à main armée. Je ne me lancerai pas dans un long et périlleux récit par peur de vous lasser, mais si j’en appelle à vous aujourd’hui, c’est que je ne peux plus espérer en la « justice ». Nous allons bientôt fêter un triste anniversaire, les 4 ans de détention de l’homme que nous aimons. Vivant dans le bordelais, mes enfants aujourd’hui âgés de 5 ans et demi et moi-même, faisons des milliers de kilomètres vers la Bretagne, pour « vivre » des parloirs emplis de bonheur, mais trop rares et trop douloureux. Cette année, le mois de mars fut celui du procès : 20 ans pour mon beau-frère, 25 ans pour mon ami !

J’ai assisté à deux jours de débat, j’ai entendu des pseudo témoignages qui se contredisaient tant que certains des gens du « public » les auraient acquittés ! La peine infligée à mon ami tient à une sois disant écoute d’un parloir alors qu’il était incarcéré à Rennes. Le parloir est considéré comme étant le seul lieu privé du détenu et ne peut être « violé » impunément.

« Piégé » sur commission rogatoire du juge Zaug, de St Malo alors en charge de l’instruction, il n’en demeure pas moins qu’un enregistrement peut être fait pour les besoins de l’enquête, afin d’aider dans la recherche de preuve, mais ne doit pas être produit lors d’un procès comme étant une preuve, car falsifiable A une époque où le délire sécuritaire, mal jaugé par les politiques et trop abondamment développé par les médias nous a donné un fameux coup au cœur le 21 avril dernier, à l’heure où la sécurité et le respect des hommes et de leurs biens sont, semble-t-il, parmi les principales préoccupations du bon peuple français, peut-être serait-il de bon ton d’améliorer le système, coercitif et sans avenir qui régit la justice, la police et la pénitentiaire.

En avril 2001, ma belle-sœur et moi avons créé le Collectif de Défense des Familles et Proches de Personnes Incarcérées, seule association, à œuvrer pour la défense de familles de détenus. J’ai donc depuis eu connaissance des réalités malheureuses de ce système destructeur.

Actuellement, environ 70% des jeunes délinquants récidivent après une incarcération, ce chiffre avoisine les 60% pour les adultes, dans les cinq ans qui suivent leur libération.

La France est le pays d’Europe où le taux de suicide carcéral est le plus dramatique qui soit, frôlant souvent la barre des 120 suicides déclarés, ce qui fait que la prison tue plus depuis que la peine de mort à soit disant été abolie, puisqu’elle est remplacée par les longues peines, de plus en plus nombreuses, des peines qui ne servent à rien !

Patrick Dills a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, puis à 25 ans, pour le meurtre de deux enfants et fut ensuite acquitté : pourtant, il y avait des preuves  !

Omar Rhadad fut condamné pour le meurtre de sa patronne, il fit 7 ans de détention, sa vie à lui aussi fut gâchée, et pourtant, il y avait des preuves !

Plusieurs de nos hommes politiques sont concernés de très près part de sales affaires, ils se sont très largement servis dans les caisses et ils sont libres !

Le 15 décembre 2001, le journal Libération titre : « Flics violeurs et alors ? ». Quatre policiers ont violé une jeune femme à plusieurs reprises, profitant de la faiblesse de son état psychologique. Le Procureur demande la clémence des jurés pour ces bons pères de familles, qui avaient étaient de bons policiers pendant vingt ans ! Que devrais-je répondre à mes enfants le jour où ils me diront ne pas comprendre la logique de notre système ? A qui doit-on ouvertement appliquer la « Tolérance zéro », sinon aux seigneurs bien à l’abri dans leurs palais. Je vous demande, Monsieur le Président, de bien vouloir faire en sorte que notre vie à mes enfants, à mon mari et à moi-même ne soit pas irrémédiablement et inéluctablement gâchée par un système aussi injuste que permissif, ce qui est un comble, pour la « justice » ! Le procès en appel devrait avoir lieu au début de l’année 2003, et je me demande ce qu’il va falloir que je fasse pour faire entendre ma voix, en plus de mes passages télévisés lors des différents reportages auxquels je participe, afin de témoigner du sort qu’il est réellement fait aux détenus et à leurs familles. Monsieur le Président, vous avez demandé aux dirigeants turcs de faire des efforts en matière de respect des droits de l’homme dans leur pays, où se trouve ce respect en France, condamnée bien trop souvent par la Cour Européenne et le CPT, pour ses manquements ?

2eme lettre

Le 17 juin dernier, je vous ai envoyé un courrier que vous n’avez sûrement pas eu, car aucune réponse n’y a été faite. Je me permets donc de vous le renvoyer aujourd’hui.

Depuis cette date, certaines choses se sont « affinées » : les 4 policiers violeurs ont pu regagner leurs pénates bien gentiment, le policier tueur a comparut libre et s’en tire avec 3 ans avec sursis.

Pour le commun des mortels, la prison est la seule « solution » ; pour ce commun là, le suicide et la tentative d’évasion, qui se rejoignent étrangement, pour cause de peines trop longues, sont les seules alternatives qui s’offrent à eux pour une pseudo perspective « d’avenir ». Des prisons supplémentaires alors que tous savent que telles qu’elles existent actuellement, leurs effets sont pires que les causes qui y ont menées les personnes qui s’y trouvent. Des centres fermés pour les jeunes, alors qu’ils ne sont que le fruit de notre société qui s’empresse bien vite de détourner les yeux, pour ne pas voir ses enfants que l’on écrase ! Notre Ministre de l’Intérieur pointe du doigt les minorités « à abattre  » : chômeurs, sans domicile fixe, jeunes, gens du voyage …Le 1er mai dernier, j’ai pu assister à une « levée de bouclier » contre le Front National, et aujourd’hui, je lis des propos qui me font frémir et qui, s’ils avaient été prononcés par le chef de ce même parti, auraient suscité bien des émois !18.000 policiers et gendarmes supplémentaires dans nos rues : les gens sont contents paraît-il, mais moi, j’ai peur, car l’histoire a toujours prouvé que plus il y a d’uniformes dans les rues et moins nous sommes en sécurité ! Il ne sera donc plus la peine d’aller voir dans d’autres pays, le nôtre devenant un bien bel exemple de régime totalitaire !

Il y a quelques années, lorsque mon arrière grand-mère est décédée, il a fallu faire intervenir les gens du déminage dans sa maison, tant les vestiges de son implication dans la résistance active lors de la seconde guerre étaient nombreux ! Pourquoi a t-elle risqué sa vie dans ce pays où le bon peuple s’est tout de même bien investit dans la collaboration ! Aujourd’hui, je peux le dire  : j’ai honte d’être française !

Nathalie Rivière