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Recommandation R(98)7 sur l’aspect éthique des soins en détention

Publié le lundi 23 septembre 2002 | http://prison.rezo.net/recommandation-r-98-7-sur-l-aspect/

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RECOMMANDATION N°R(98)7 [1]
DU COMITE DES MINISTRES AUX ETATS MEMBRES RELATIVE AUX ASPECTS ÉTHIQUES ET ORGANISATIONNELS DES SOINS DE SANTÉ EN MILIEU PÉNITENTIAIRE

(adoptée par le Comité des Ministres le 8 avril 1998, lors de la 627e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du statut du Conseil de l’Europe,
considérant que la pratique médicale en milieu pénitentiaire doit être guidée par les mêmes principes éthiques que dans le reste de la communauté ;
conscient que le respect des droits fondamentaux des personnes incarcérées implique que ces dernières puissent bénéficier de mesures de prévention sanitaire et de prestations de santé équivalant à celles de la communauté en général ;
reconnaissant la difficulté de la position du médecin exerçant en milieu pénitentiaire, souvent confronté aux préoccupations et aux attentes divergentes de l’administration pénitentiaire d’un côté et des personnes incarcérées de l’autre, ce qui exige de la part du médecin le respect de principes éthiques très stricts ;
considérant qu’il est dans l’intérêt du médecin exerçant en milieu pénitentiaire, des autres personnels de santé, des détenus et de l’administration pénitentiaire que soient clairement définis le droit aux soins de santé en détention ainsi que le rôle spécifique du médecin et des autres personnels de santé ;
considérant que certaines conditions carcérales spécifiques telles que le surpeuplement, les maladies infectieuses, la toxicomanie, les troubles mentaux, la violence, l’isolement cellulaire ou les fouilles corporelles nécessitent le respect scrupuleux de règles déontologiques spécifiques dans la pratique médicale ;
ayant à l’esprit la Convention européenne des Droits de l’Homme, la Charte sociale européenne et la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine ;
ayant à l’esprit la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et les recommandations concernant les services de santé en milieu pénitentiaire, résumées dans le 3e rapport général d’activités du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
se référant à la Recommandation n°R(87)3 sur les Règles pénitentiaires européennes, qui vise à garantir le respect de règles minimales d’humanité et de dignité dans les établissements pénitentiaires ;
rappelant la Recommandation n°R(90)3 sur la recherche médicale sur l’être humain et la Recommandation n°R(93)6 concernant les aspects pénitentiaires et criminologiques du contrôle des maladies transmissibles et notamment du sida, et les problèmes connexes de santé en prison, ainsi que les directives de l’OMS de 1993 sur l’infection par le VIH et le sida en prison ;
conscient de la Recommandation 1235 (1994) relative à la psychiatrie et aux droits de l’homme et de la Recommandation 1257(1995) relative aux conditions de détention dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, élaborées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ;
se référant aux Principes de déontologie médicale relative à la protection des détenus et des prisonniers contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1982 ;
se référant aux déclarations spécifiques de l’Association médicale mondiale (AMM) relatives à la déontologie médicale, et en particulier à la Déclaration de Tokyo (1975), la Déclaration de Malte sur les grévistes de la faim (1991) et la Déclaration sur les fouilles corporelles de prisonniers (1993) ;
prenant note des récentes réformes introduites par plusieurs Etats membres dans la structure, l’organisation et la réglementation de leurs services de santé en milieu pénitentiaire, notamment dans le cadre de réformes de leurs systèmes de santé ;
prenant en compte les différentes structures administratives des Etats membres qui requièrent la mise en oeuvre de recommandations aux niveaux fédéral et national,
recommande aux gouvernements des Etats membres :
- de tenir compte, lors de la révision de leur législation et dans leur pratique dans le domaine des soins de santé en milieu pénitentiaire, des principes et des recommandations énoncés à l’annexe à la présente recommandation ;
- d’assurer la plus large diffusion possible de cette recommandation et de son exposé des motifs, en particulier auprès de toutes les personnes et de toutes les structures chargées de l’organisation et des prestations d’un traitement préventif et des soins de santé en milieu pénitentiaire.

Annexe à la Recommandation n°R(98)7

I. Aspects principaux du droit aux soins de santé en milieu pénitentiaire

A.Accès à un médecin

1. Lors de leur admission dans un établissement pénitentiaire et ultérieurement, pendant leur séjour, les détenus devraient avoir accès, si leur état de santé le nécessite, à tout moment et sans retard, à un médecin ou à un(e) infirmier(ère) diplômé(e), quel que soit leur régime de détention. Tous les détenus devraient bénéficier d’une visite médicale d’admission. L’accent devrait être mis sur le dépistage des troubles mentaux, l’adaptation psychologique à la prison, les symptômes de sevrage à l’égard des drogues, des médicaments ou de l’alcool et les affections contagieuses et chroniques.

2. Pour répondre aux besoins sanitaires des détenus, les grands établissements pénitentiaires devraient disposer de médecins et d’infirmiers qualifiés à plein temps, en fonction du nombre et de la rotation des détenus et de leur état moyen de santé.

3. Un service de santé en milieu pénitentiaire devrait assurer au minimum des consultations ambulatoires et des soins d’urgence. Lorsque l’état de santé des détenus exige des soins qui ne peuvent être assurés en prison, tout devrait être mis en œuvre afin que ceux-ci puissent être dispensés en toute sécurité dans des établissements de santé en dehors de la prison.

4. Les détenus devraient, si nécessaire, avoir accès à un médecin à toute heure du jour et de la nuit. Dans chaque établissement, une personne compétente pour donner les premiers soins devrait en permanence être présente. En cas d’urgence grave, le médecin, un membre du personnel soignant et la direction devraient être alertés. La participation active et l’engagement du personnel de surveillance sont primordiaux.

5. Un accès à des consultations et à des conseils psychiatriques devrait être garanti. Dans les grands établissements pénitentiaires, une équipe psychiatrique devrait être présente. A défaut, dans les petits établissements, des consultations devraient être assurées par un psychiatre hospitalier ou privé.

6. Chaque détenu devrait pouvoir bénéficier des soins d’un chirurgien-dentiste qualifié.

7. L’administration pénitentiaire devrait faire le nécessaire pour établir les contacts et la collaboration qui s’imposent avec les institutions médicales publiques et privées. Dans la mesure où certains détenus toxicomanes, alcooliques ou dépendants aux médicaments ne peuvent pas être traités de façon appropriée dans les prisons, il convient d’envisager de faire appel à des consultants extérieurs, faisant partie des services d’aide spécialisés œuvrant au sein de la communauté en général, qui pourront donner des conseils, voire assurer des soins.

8. S’il y a lieu, des soins spécifiques devraient être prévus pour les femmes détenues. Les détenues enceintes devraient être suivies médicalement et pouvoir accoucher dans un service hospitalier externe à la prison, le mieux adapté à leur état.

9. Pour les trajets vers les hôpitaux, le malade devrait être accompagné, au besoin de membres du personnel médical ou soignant.

B.Equivalence des soins

10. La politique de santé en milieu carcéral devrait être intégrée à la politique nationale de santé et être compatible avec elle. Un service de santé en milieu pénitentiaire devrait pouvoir dispenser des soins médicaux, psychiatriques et dentaires, et mettre en oeuvre des programmes d’hygiène et de traitement préventif, dans des conditions comparables à celles dont bénéficie le reste de la population. Les médecins exerçant en milieu pénitentiaire devraient pouvoir faire appel à des spécialistes. Si un second avis est nécessaire, il incombe au service de santé de le solliciter.

11. Le service de santé devrait disposer d’un personnel médical, infirmier et technique qualifié et en nombre suffisant ainsi que des locaux, installations et équipements appropriés et de qualité comparable, sinon identique à ceux qui existent en milieu libre.

12. Le rôle du ministère de la Santé devrait être renforcé en matière de contrôle de l’hygiène, de la qualité des soins et de l’organisation des services de santé en milieu carcéral, conformément à la législation nationale. Un partage clair des responsabilités et des compétences devrait être établi entre le ministère de la Santé et les autres ministères compétents, qui devraient coopérer pour la mise en oeuvre d’une politique de santé intégrée au sein des prisons.

C.Consentement du malade et secret médical

13. Le secret médical devrait être garanti et observé avec la même rigueur que dans la population générale.

14. Hormis le cas où le détenu souffre d’une maladie le rendant incapable de comprendre la nature de son état, le détenu malade devrait toujours pouvoir donner au médecin son consentement éclairé préalablement à tout examen médical ou à tout prélèvement, sauf dans les cas prévus par la loi. Les raisons de chaque examen devraient être clairement expliquées à la personne détenue et comprises par elle. Les détenus soumis à un traitement médical devraient être informés des indications et des éventuels effets secondaires susceptibles de se manifester.

15. Le consentement éclairé devrait être obtenu de la part des malades souffrant de troubles mentaux et des patients placés dans des situations où les obligations médicales et les règles de sécurité ne coïncident pas nécessairement, par exemple en cas de refus de traitement ou de nourriture.

16. Toute dérogation aux principes de la liberté de consentement du malade devrait être fondée sur la loi et être guidée par les principes qui s’appliquent à la population générale.

17. Les prévenus malades devraient pouvoir demander à leurs frais une consultation auprès de leur médecin traitant ou auprès d’un autre médecin extérieur à la prison.
Les détenus condamnés peuvent solliciter un deuxième avis médical et le médecin exerçant en milieu pénitentiaire devrait répondre à cette demande de façon bienveillante. Cependant, toute décision quant au bien-fondé de cette demande relève en dernier lieu de la responsabilité du médecin.

18. Aucun détenu ne devrait être transféré dans un autre établissement pénitentiaire sans un dossier médical complet. Le dossier devrait être transféré dans des conditions garantissant sa confidentialité. Les détenus concernés devraient être informés que leur dossier médical sera transféré. Ils devraient pouvoir y opposer leur refus, conformément à la législation nationale.
Il convient de remettre par écrit aux sortants de prison toute information médicale utile, à l’attention de leur médecin traitant.

D.Indépendance professionnelle

19. Les médecins exerçant en prison devraient assurer à chaque détenu la même qualité de soins que celle dont bénéficient les malades ordinaires. Les besoins de santé du détenu devraient toujours constituer la préoccupation première du médecin.

20. Les décisions cliniques et toute autre évaluation relatives à la santé des personnes incarcérées devraient être fondées uniquement sur des critères médicaux. Le personnel de santé devrait pouvoir exercer son activité en toute indépendance, dans la limite de ses qualifications et de ses compétences.

21. Les infirmiers et les autres membres du personnel de santé devraient accomplir leur travail sous la responsabilité directe du médecin-chef, qui ne devrait pas déléguer au personnel paramédical des tâches autres que celles qui sont légalement et déontologiquement autorisées. La qualité des prestations médicales et des soins infirmiers devrait être évaluée par une autorité sanitaire qualifiée.

22. La rémunération du personnel médical ne devrait pas être inférieure à celle pratiquée dans d’autres secteurs de la santé publique.

II. Spécificité du rôle du médecin et des autres personnels de santé dans le contexte du milieu pénitentiaire

A.Conditions générales

23. Le rôle du médecin exerçant en milieu pénitentiaire consiste d’abord à dispenser des soins médicaux et des conseils appropriés à toutes les personnes détenues dont il est cliniquement responsable.

24. Il devrait également conseiller la direction de l’établissement sur les questions ayant trait au régime alimentaire et à l’environnement dans lequel les personnes privées de liberté sont obligées de vivre, ainsi que sur les problèmes d’hygiène et de salubrité.

25. Le personnel de santé devrait pouvoir participer à l’information de la direction et du personnel de surveillance de l’établissement pénitentiaire sur les questions relatives à la santé et dispenser, le cas échéant, une formation sanitaire adéquate.

B.Information, prévention et éducation à la santé

26. Au moment de l’admission, toute personne devrait recevoir une information concernant les droits et les obligations, le règlement intérieur de l’établissement ainsi que des indications sur les modalités d’aide et de conseil. Cette information devrait être compréhensible par tous les détenus. Des explications particulières devraient être données aux illettrés.

27. Un programme d’éducation à la santé devrait être organisé dans tous les établissements pénitentiaires. Les détenus et les personnels de l’administration pénitentiaire devraient recevoir une brochure d’information de base sur les questions de santé, ciblée sur le dispositif de soins proposé aux personnes détenues.

28. Des explications devraient être données sur les avantages du dépistage volontaire et anonyme des maladies transmissibles, et sur les risques que présentent les hépatites, les maladies sexuellement transmissibles, la tuberculose et la contamination par le VIH ; les personnes qui acceptent de subir un test doivent avoir accès à une consultation médicale de suivi.

29. Le programme d’éducation à la santé devrait avoir pour but d’encourager le développement de styles de vie sains et permettre aux détenus de prendre des décisions opportunes concernant leur santé et celle de leur famille, de préserver et de protéger leur intégrité personnelle, de diminuer les risques de dépendance et de rechute. Cette approche devrait inciter les détenus à participer à des programmes de santé dans lesquels leur sont enseignés de façon cohérente des stratégies et des comportements destinés à réduire au minimum les risques pour leur santé.

C.Spécificité des pathologies et de la prévention en milieu pénitentiaire

30. Toute trace de violence observée sur une personne lors de l’examen médical pratiqué au moment de son admission dans un établissement pénitentiaire devrait être consignée par le médecin avec les déclarations faites par la personne, ainsi que les conclusions du médecin. Cette information devrait en outre être transmise à la direction de l’établissement avec le consentement du détenu.

31. Toute information concernant des actes de violence commis sur des détenus pendant la période de détention devrait être communiquée aux autorités compétentes. En règle générale, il convient, avant d’entreprendre une telle démarche, d’obtenir le consentement des personnes concernées.

32. Dans certains cas exceptionnels, et en tout état de cause dans le strict respect des règles de déontologie, le consentement éclairé de la personne détenue peut ne pas être considéré comme indispensable, notamment si le médecin estime qu’il est clairement de son devoir, tant à l’égard du patient que de l’ensemble de la communauté pénitentiaire, de signaler un incident grave qui constitue un danger réel. S’il le juge utile, le service de santé devrait collecter des données statistiques périodiques relatives aux lésions traumatiques relevées, afin de les communiquer à la direction de l’établissement pénitentiaire et aux ministères concernés, conformément à la législation nationale en matière de protection des données.

33. Une formation sanitaire adéquate pour les personnels de surveillance devrait être mise en place afin de les rendre aptes à signaler des problèmes de santé physique ou mentale qu’ils pourraient constater au sein de la population carcérale.

D. La formation professionnelle du personnel de santé exerçant en milieu pénitentiaire

34. Les médecins exerçant en milieu pénitentiaire devraient avoir une bonne compétence professionnelle en médecine générale et en psychiatrie. Leur formation devrait comporter l’acquisition de connaissances théoriques initiales, une compréhension du cadre pénitentiaire et de ses effets sur l’exercice de la médecine en prison, une évaluation des compétences acquises et un stage pratique, effectué sous la direction d’un médecin confirmé. Les médecins exerçant en milieu pénitentiaire devraient bénéficier également d’une formation continue régulière.

35. Une formation appropriée devrait également être dispensée aux autres personnels de santé et devrait inclure des connaissances du fonctionnement des prisons et des réglementations pénitentiaires pertinentes.

III. L’organisation des soins de santé dans les prisons notamment du point de vue de la gestion de certains problèmes courants

A. Maladies transmissibles, et en particulier : infection par le VIH et sida, tuberculose, hépatites

36. Des mesures prophylactiques appropriées devraient être prises afin de prévenir les maladies sexuellement transmissibles en milieu pénitentiaire.

37. Les tests de dépistage pour le VIH devraient être réalisés seulement avec le consentement des détenus, de manière anonyme et conformément à la loi. Des conseils approfondis devraient être donnés avant et après le test.

38. L’isolement d’une personne atteinte d’une maladie infectieuse ne se justifie que si une telle mesure est également prise à l’extérieur du cadre pénitentiaire pour le même motif médical.

39. Aucune forme de ségrégation ne devrait être prévue à l’encontre des personnes séropositives pour le VIH, sous réserve des dispositions contenues au paragraphe 40.

40. Les malades du sida qui développent des infections graves devraient recevoir un traitement dans le service de santé pénitentiaire, sans toutefois qu’une mesure d’isolement strict ne soit prise d’office. Les malades qu’il faut protéger contre les maladies infectieuses transmises par d’autres patients ne devraient être isolés que si une telle mesure va dans leur intérêt et doit les empêcher de contracter des infections intercurrentes, notamment lorsque leur système de défense immunitaire est sévèrement déficitaire.

41. Si des cas de tuberculose sont détectés, toutes les dispositions nécessaires devraient être prises pour prévenir la propagation de cette infection, conformément à la législation applicable dans ce domaine. Les interventions thérapeutiques devraient être d’une qualité égale à celles dispensées à l’extérieur de la prison.

42. La vaccination étant l’unique méthode efficace de prévention contre la propagation de l’hépatite B, elle devrait être proposée aux détenus et au personnel. Les hépatites B et C étant transmises par usage intraveineux des drogues et par contamination par le sang ou le sperme, il importe de dispenser l’information nécessaire et de mettre en place des moyens de prévention appropriés.

B.Toxicomanie, alcoolisme et dépendance aux médicaments : gestion de la pharmacie et distribution des traitements médicamenteux

43. Les soins dispensés aux détenus alcooliques et dépendants aux médicaments nécessitent d’être renforcés en tenant compte notamment des services offerts aux toxicomanes, tels que ceux recommandés par le Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite de stupéfiants (Groupe Pompidou). A cette fin, il importe de proposer une formation adéquate au personnel médical et pénitentiaire, et d’améliorer la coopération avec les services en conseil extérieurs afin de veiller au suivi thérapeutique des détenus à leur sortie de prison.

44. Le médecin exerçant en milieu pénitentiaire devrait encourager les détenus à suivre des programmes d’assistance sociale et psychothérapique afin de prévenir les risques de toxicomanie, de consommation abusive de médicaments et d’alcoolisme.

45. Le traitement des symptômes de sevrage de la toxicomanie, de l’alcoolisme et de la dépendance aux médicaments dans les établissements pénitentiaires devrait s’effectuer de la même manière que dans le milieu extérieur à la prison.

46. Si un détenu subit une cure de désintoxication, le médecin devrait l’encourager à faire usage de tous les dispositifs existants pour éviter une rechute, aussi bien durant son incarcération qu’après sa sortie de l’établissement pénitentiaire.

47. La personne détenue devrait pouvoir consulter un conseiller spécialisé interne ou externe à l’établissement pénitentiaire qui puisse lui apporter le soutien nécessaire pendant le déroulement de sa peine et une assistance postpénitentiaire. De tels conseillers devraient également pouvoir intervenir dans le cadre de la formation en cours d’emploi du personnel de surveillance.

48. S’il y a lieu, les personnes détenues devraient pouvoir recevoir leur traitement prescrit « en main propre ». Cependant, les médicaments dont la prise en overdose peut se révéler dangereuse ne devraient pas leur être remis ; ils devraient leur être administrés au fur et à mesure, selon la posologie prescrite.

49. Le médecin exerçant en milieu pénitentiaire devrait, le cas échéant, dresser une liste de toutes les substances et médicaments habituellement prescrits dans le service médical, en collaboration avec le pharmacien responsable. La prescription médicale devrait rester du seul ressort de la profession médicale, et les médicaments ne devraient être distribués que par le personnel autorisé.

C. Personnes inaptes à la détention continue : handicap physique grave, grand âge, pronostic fatal à court terme

50. Les détenus souffrant de handicaps physiques graves et ceux qui sont très âgés devraient pouvoir mener une vie aussi normale que possible et ne pas être séparés du reste de la population carcérale. Les modifications structurelles nécessaires devraient être entreprises dans les locaux pour faciliter les déplacements et les activités des personnes en fauteuil roulant et des autres handicapés, comme cela se pratique à l’extérieur de la prison.

51. La décision quant au moment opportun de transférer dans des unités de soins extérieures les malades dont l’état indique une issue fatale prochaine devrait être fondée sur des critères médicaux. En attendant de quitter l’établissement pénitentiaire, ces personnes devraient recevoir pendant la phase terminale de leur maladie des soins optimaux dans le service sanitaire. Dans de tels cas, des périodes d’hospitalisation temporaire hors du cadre pénitentiaire devraient être prévues. La possibilité d’accorder la grâce ou une libération anticipée pour des raisons médicales devrait être examinée.

D.Symptômes psychiatriques : troubles mentaux et troubles graves de la personnalité, risque de suicide

52. L’administration pénitentiaire et le ministère responsable de la santé mentale devraient coopérer à l’organisation des services psychiatriques mis en place à l’intention des détenus.

53. Les services de santé mentale et les services sociaux rattachés aux prisons ont pour mission d’assister les détenus, de les conseiller et de renforcer leurs moyens d’adaptation et leurs possibilités de faire face à leurs problèmes personnels. Compte tenu de leurs missions respectives, ces services devraient coordonner leurs activités. Ils devraient être professionnellement indépendants, tout en prenant en considération les conditions spécifiques du cadre pénitentiaire.

54. Les délinquants sexuels condamnés devraient se voir proposer un examen psychiatrique et psychologique, ainsi qu’un traitement adapté durant et après leur séjour.

55. Les détenus souffrant de troubles mentaux graves devraient pouvoir être placés et soignés dans un service hospitalier doté de l’équipement adéquat et disposant d’un personnel qualifié. La décision d’admettre un détenu dans un hôpital public devrait être prise par un médecin psychiatre sous réserve de l’autorisation des autorités compétentes.

56. Dans les cas où l’isolement cellulaire des malades mentaux ne peut être évité, celui-ci devrait être réduit à une durée minimale et remplacé dès que possible par une surveillance infirmière permanente et personnelle.

57. Dans des situations exceptionnelles, s’agissant de malades souffrant de troubles mentaux graves, le recours à des mesures de contention physique peut être envisagé pendant une durée minimale correspondant au temps nécessaire pour qu’une thérapie médicamenteuse déploie l’effet de sédation attendu.

58. Les risques de suicide devraient être appréciés en permanence par le personnel médical et pénitentiaire. Suivant le cas, des mesures de contention physique conçues pour empêcher les détenus malades de se porter préjudice à eux-mêmes, une surveillance étroite et permanente et un soutien relationnel devraient être utilisés pendant les périodes de crise.

59. Le suivi thérapeutique pour les détenus libérés sous traitement devrait être assuré par des services spécialisés extérieurs.

E. Refus de traitement, grève de la faim

60. Si une personne détenue refuse le traitement qui lui est proposé, le médecin devrait lui faire signer une déclaration écrite en présence d’un témoin. Le médecin devrait fournir au patient toutes les informations nécessaires sur les bienfaits escomptés du traitement médical, les alternatives thérapeutiques éventuellement existantes, et l’avoir mis en garde contre les risques auxquels son refus l’expose. Il convient de s’assurer que le malade est pleinement conscient de sa situation. Il serait indispensable de faire appel à un interprète expérimenté si la langue pratiquée par le malade constitue un obstacle à la compréhension.

61. L’examen clinique d’un gréviste de la faim ne devrait être pratiqué qu’avec son consentement explicite, sauf s’il souffre de troubles mentaux graves et qu’il doive alors être transféré dans un service psychiatrique.

62. Les grévistes de la faim devraient être informés de manière objective des effets nuisibles de leur action sur leur état de santé afin de leur faire comprendre les dangers que comporte une grève de la faim prolongée.

63. Si le médecin estime que l’état de santé d’une personne en grève de la faim se dégrade rapidement, il lui incombe de le signaler à l’autorité compétente et d’entreprendre une action selon la législation nationale (y inclus les normes professionnelles).

F. Violence en prison : procédures et sanctions disciplinaires, isolement disciplinaire, contention physique, régime de sécurité renforcée

64. Les détenus qui ont des raisons pertinentes de craindre des actes de violence à leur encontre de la part de codétenus, y compris d’éventuelles agressions sexuelles, ou qui ont récemment été agressés ou blessés par leurs codétenus devraient pouvoir être placés sous la protection renforcée du personnel de surveillance.

65. Le médecin ne devrait pas s’impliquer dans l’octroi de l’autorisation ou de l’interdiction du recours à la force physique par le personnel pénitentiaire, qui doit lui-même assumer la responsabilité du maintien de l’ordre et de la discipline.

66. Dans le cas d’une sanction d’isolement disciplinaire, de toute autre mesure disciplinaire ou de sécurité qui risquerait d’altérer la santé physique ou mentale d’un détenu, le personnel de santé devrait fournir une assistance médicale ou un traitement à la demande du détenu ou du personnel pénitentiaire.

G. Programmes de soins spécifiques : programmes sociothérapeutiques, liens familiaux et contacts avec le monde extérieur, mère détenue avec enfant

67. Les programmes sociothérapeutiques devraient être organisés conformément à ceux qui sont réalisés dans la communauté libre et devraient être supervisés avec soin. Les médecins devraient être disposés à coopérer de façon constructive avec tous les services compétents afin de permettre aux détenus de bénéficier de tels programmes et d’acquérir ainsi des aptitudes sociales susceptibles de contribuer à réduire les risques de récidive après la libération.

68. Il devrait être envisagé de donner aux détenus la possibilité de rencontrer leur partenaire sexuel sans surveillance visuelle pendant la visite.
69. Les enfants très jeunes de mères détenues devraient pouvoir rester en prison auprès de leur mère, afin que leur mère puisse leur porter toute l’attention nécessaire, leur donner les soins indispensables au maintien d’un bon état de santé et maintenir un lien psycho-affectif.

70. Des équipements spéciaux (crèches, garderies) devraient être prévus pour les mères accompagnées d’enfants.

71. Les médecins ne devraient pas intervenir dans la décision administrative de séparer l’enfant de sa mère à un certain âge.

H. Fouilles corporelles : expertises médicales, recherche médicale

72. Les fouilles corporelles relèvent de l’autorité administrative et les médecins exerçant en milieu pénitentiaire ne devraient pas intervenir dans ce domaine. Toutefois, un examen médical intime devrait être effectué par un médecin lorsqu’il y a une raison médicale objective qui demande son intervention.

73. Un médecin exerçant en milieu pénitentiaire ne devrait pas établir de rapports médicaux ou psychiatriques à l’intention de la défense ou du Ministère public, hormis à la demande expresse du détenu ou à la demande d’un tribunal. Il ne devrait pas accepter d’intervenir en tant qu’expert médical dans la procédure judiciaire intéressant les prévenus. Il ne devrait effectuer des prélèvements ou des analyses qu’à des fins diagnostiques et pour des motifs purement médicaux.

74. La recherche médicale sur les personnes détenues devrait être menée conformément aux principes énoncés dans les Recommandations n°R(87)3 sur les Règles pénitentiaires européennes, n°R(90)3 sur la recherche médicale sur l’être humain et n°R(93)6 concernant les aspects pénitentiaires et criminologiques du contrôle des maladies transmissibles et notamment du sida, et les problèmes connexes de santé en prison.

[1] En application de l’article 10.2..c du Règlement intérieur des réunions des Délégués des Ministres, la délégation du Danemark souhaite faire la réserve suivante : « Le paragraphe 72 de l’annexe n’est pas acceptable pour le Danemark dans la mesure où il permet que des fouilles corporelles soient effectuées par du personnel non médical. Et, selon l’opinion des autorités danoises, un examen médical intime ne devrait avoir lieu qu’avec le consentement de la personne concernée. »