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Détenus handicapés : une double peine au quotidien
Par Zineb Dryef (Rue89)

Publié le mercredi 14 janvier 2009 | http://prison.rezo.net/detenus-handicapes-une-double/

L’administration pénitentiaire française a censuré le témoignage d’un détenu handicapé dans une publication spécialisée.

La lettre du détenu handicapé.S., détenu à la maison centrale de Poissy, est aveugle et handicapé. En septembre 2006, il a été transporté à l’hôpital dans des conditions inadaptées à son état. Dans un courrier adressé à l’Observatoire international des prisons (OIP), S. dénonce cet épisode "dégradant" pour lui et autorise l’organisation à publier ce témoignage : "Etant installé sur un fauteuil roulant, des surveillants m’ont posé dans un camion, sans ajuster ni caler le fauteuil (freins), ce qui a eu pour effet de me faire cogner, de me causer vertiges et nausée du transport, car dans ma non-voyance, je suis dans l’impossibilité de me retenir, étant enchaîné, ne pouvant en aucune manière anticiper les mouvements du véhicule." Ces lignes ne sont finalement parvenues à destination qu’en février 2007 sans la mention "autorisation pour publication".

5000 personnes handicapées dans les prisons françaises

La lettre de la CNDS. L’OIP, jugeant cette censure inacceptable a alors saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), laquelle a conclu, le 15 décembre 2008, que le transport à l’hôpital de S. ne s’est pas fait dans des conditions adaptées et que la retenue de son courrier ne se justifiait pas.

Le cas de S. révèle l’abandon ordinaire de quelques 5 000 personnes handicapées dans les prisons françaises (selon le CCNE, 2003). L’administration pénitentiaire comptabilise 195 handicapés "moteurs" dans ses établissements mais ne prend pas en compte les handicapés mentaux, les personnes âgées ou affaiblies. "Les études, superficielles, ne rendent pas compte de la population carcérale ayant des dépendances physiques très fortes. Or, sans étude régulière, comment établir une politique de soin et de prise en charge adaptée ? Il n’y a d’ailleurs aucun établissement pour peine disposant de locaux aux normes", déplore François Bès, de l’OIP.

"Depuis trois mois, je n’ai pas pu prendre de douche"

Absence de rampes d’accès ou d’ascenseurs, présence de nombreux escaliers, soins médicaux inadaptés, isolement, impossibilité d’accéder aux sanitaires, aux douches, aux promenades... les détenus handicapés pâtissent de l’inaccessibilité des prisons. Dans la revue "Dedans, dehors", consacrée au monde carcéral, certains témoignent :

"Ici, on ne m’a toujours pas autorisé du matériel pour apprendre à lire et à écrire (...) Etant dans le noir total et ne pouvant guère bouger, je suis obligé de passer 90% de mon temps sur mon lit. Je subis de multiples fois par jour l’intrusion de personnes qui ni ne préviennent de leur arrivée ni ne frappent à la porte. Lors de fouilles de ma cellule, on peut modifier l’ordre de rangement de toutes mes affaires, là encore sans me prévenir."
Aveugle, Poissy (Yvelines).

"Depuis trois mois, je n’ai pas pu prendre de douche. L’administration m’a répondu qu’elle devait s’équiper." Paraplégique, Tarascon (Bouches-du-Rhône). "Comment puis-je faire pour avoir un interprète pour m’aider lors de mes entretiens avec les psychologues, pour vendre mes compétences, pour avoir du travail, pour discuter avec les différents services ?"
Sourd-muet, Fresnes (Val-de-Marne)

"Certaines nuits, il m’est arrivé de dormir assis sur mon fauteuil, la tête sur la table. Je n’ai toujours pas pris l’air depuis mon arrivée car il m’est impossible d’avoir accès à la cour de promenade."
Personne en fauteuil roulant, Brest (Finistère)

Des cellules adaptées en construction

La France a déjà été condamnée en 2007 pour le cas d’un détenu paraplégique maintenu dans des prisons inadaptées à son état (Voir post-scriptum). Sur les 195 établissements pénitentiaires, 123 cellules ont été aménagées pour les détenus handicapés et 130 sont en construction, selon l’administration pénitentiaire. La ministre de la Justice, Rachida Dati, a assuré que les lieux dont la justice à la charge seront remis aux normes établies pour l’accueil des handicapés. Des mesures insuffisantes pour l’OIP qui juge inadapté l’emprisonnement des personnes handicapées : "La loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades prévoit des suspensions et aménagements de peine pour raisons médicales mais ça n’est quasiment jamais appliqué. Ou alors uniquement quand le pronostic vital du détenu est en jeu. Le handicap lourd n’est pas pris en compte." Alors que la prise en charge des handicapés ne semble pas présenter de caractère d’urgence pour les pouvoirs publics, "une étude l’Insee" révélait dès 2002 que le handicap était plus fréquent en prison qu’ailleurs.

Source : Rue89

Le cas d’O.V. Durant plus d’un mois, un détenu paraplégique, a été déplacé de prison en prison. Avec à chaque fois, des difficultés pour se déplacer, se laver, etc. La France a été condamnée pour traitement inhumain et dégradant par la Cour européenne des droits de l’homme en 2007. La fin de la peine d’O.V. est prévue pour 2010. Ses demandes de suspension de peines sont continuellement rejetés. Actuellement à Liancourt, il a obtenu la cassation du refus de sa suspension de peine.

 
En visitant notre site Internet, vous pourrez télécharger ces documents :
• 2009 avis CNDS, (PDF - 420.1 ko)
• 2009 Lettre sur le handicap en prison, (PDF - 311.4 ko)